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Les élections japonaises/Japanese elections

dimanche 10 juillet 2022, par philippe

Les élections sénatoriales du 10 juillet 2022 ont reconduit le PLD. Pourtant, les problèmes du pays s’accumulent, le parti au pouvoir pourra-t-il les résoudre ?
The High chamber elections on 10th July have confirmed LDP. Still, Japan’s problems pile up, will the party in charge be able to solve them ?

Le PLD, comme l’Allemagne au foot gagne toujours… [1]

Il gagne surtout parce que l’opposition n’arrive pas à s’unir, ne constitue pas une alternative crédible d’autant que le Parti libéral Démocrate (PLD) peut compter sur une force d’appoint (le Kômeitô), son allié sans discontinuer depuis 1998, que d’après le système électoral en vigueur, le Sénat est renouvelé par moitié tous les trois ans et c’est donc à la Chambre des députés que se joue l’essentiel, or elle a été renouvelée pour 4 ans en 2021.
L’assassinat d’Abe Shinzo par un membre des forces navales d’auto-défense a renforcé le vote en faveur du PLD, toujours majoritaire.

Le PLD au pouvoir pour toujours ? Pourtant le Japon, lui, est loin d’aller bien…
Le Japon fait preuve d’une grande solidité. Tant d’épreuves l’affectent régulièrement – tremblements de terre générateurs quelquefois de « tsunami » comme celui qui est à l’origine de la catastrophe nucléaire de Fukushima (11 mars 2011), typhons, incendies qui trouvent leur source ou non dans les séismes mais sont particulièrement meurtriers dans un pays où l’on construit peu en pierre, et la deuxième guerre mondiale n’est pas si ancienne que l’on ait oublié Hiroshima et Nagasaki, les seules victimes d’une explosion nucléaire peu après l’incendie de Tokyo le 10 mars de la même année, qui fit autant de morts qu’une bombe atomique.
Mais toujours les Japonais relèvent la tête et rebâtissent. En 1945, les autorités américaines d’occupation ont dû renoncer à une planification du redéveloppement de Tokyo largement détruite car dès le lendemain de la guerre, les sans-abri avaient commencé à reconstruire et la période de « haute croissance », en partie dûe à la guerre de Corée, l’archipel servant d’arsenal pour les forces officiellement des Nations Unies, a débouché sur l’endaka (hausse du yen) de 1985 qui, malgré les vicissitudes, permet au Japon d’être aujourd’hui un des pays les plus riches du monde, un de ceux où les entreprises sont le plus efficaces (qu’on pense à Toyota, 3ème fournisseur d’emplois en France) et les plus compétitives pour certains produits comme les robots ou même Sony qui ne fabrique plus de longue dates de téléviseur mais s’est allié à Honda pour construire ensemble une voiture électrique dès 2025.
Mais comment qualifier le retard apporté aux évolutions de la condition féminine, qui lui donne le 164ème rang sur 190 pays pour la parité des parlementaires ? Pas étonnant que des femmes se détournent de la politique et que le taux d’abstention croissant soit dénoncé par les médias, quitte à mettre leur talent ailleurs, ne supportant plus l’inertie du PLD et être de plus en plus nombreuses à s’y employer, refusant le rôle de « bonne épouse » qui leur était déjà assigné au début du 20ème siècle.
Ce n’est pas pour rien dans l’un des problèmes auxquels est confronté le Japon, un taux de fécondité structurellement bas qui conduit déjà à une diminution de la population et ne peut que s’accentuer dans ce « pays en mal d’enfants » comme l’écrivait déjà en 1993 Muriel Jolivet. Le Japon répugnant à accepter des immigrés sur son sol, il ne voit que deux possibilités pour faire face à la pénurie de main d’œuvre : les robots et l’externalisation, de plus en plus en Asie du Sud-Est compte tenu de relations difficiles avec les pays les plus proches : la Chine et la Corée du Sud, pour ne pas parler de la Russie où certains espoirs se sont fait jour à la fin de l’Union soviétique mais qui n’ont guère trouvé de réalisation tant est délabrée l’économie d’un pays techniquement en état de guerre avec l’archipel : celui-ci ne se résout pas à la perte des 4 îles des « territoires du Nord » envahis 3 mois après Nagasaki en 1945 – la guerre en Ukraine n’arrange rien.
La sécurité, au-delà même de l’affaire ukrainienne, continue de dépendre du parapluie, atomique entre autres, américain. C’est lui qui fait que le Japon n’est attaqué ni par la Corée du Nord, qui se contente de lancer des missiles balistiques dans la mer, ni par la Chine qui pourrait prendre prétexte du soutien du Japon à Taïwan pour l’en punir. En cas de conflit, l’engagement de Washington serait-il sans faille ? La présidence Trump a suscité plus que des doutes et rien ne dit, surtout après l’Afghanistan, qu’on puisse compter sur les Etats-Unis pour défendre « le monde libre », tant ils paraissent soucieux avant tout d’en faire supporter à leurs alliés le plus possible les frais et de ne pas perdre de vies américaines.
Mais ce n’est pas tout.
La pollution de l’air qui sévissait jusqu’aux JO de Tokyo a certes fortement diminué ou été exportée, mais qu’en est-il du plastique dans les océans et surtout des retombées de l’accident de Fukushima ? Or aujourd’hui, la moitié des réacteurs nuclaires nippons sont à l’arrêt, beaucoup de gouverneurs préférant électoralement s’y opposer. Ce qui renvoie au manque d’énergie alors qu’une canicule sans précédent par sa date précoce témoigne du réchauffement climatique et risque de se traduire par des coupures de courant pendant l’été où les climatiseurs fonctionnent à plein – on n’est plus au temps du « Voyage à Tokyo » d’Ozu en 1953 où Ryû Chishû et Hara Setsuko s’éventaient et portaient des vêtements adaptés à la chaleur…
Une société de moins en moins égalitaire : les Japonais, surtout en privé, le disent : le Japon est riche mais les Japonais sont pauvres et il est vrai que les inégalités vont croissant alors que le système de retraite suscite de plus en plus d’inquiétudes, le coût des études universitares notamment restant très élevé (20 fois plus qu’en France).
La Covid, bien que la pandémie ait beaucoup reculé, provoque plus que jamais une réaction de fermeture (sakoku), aggravé par une administration tâtillone et imprévisible, qui est non seulement dramatique pour beaucoup d’étrangers mais surtout qui coupe le Japon du monde alors qu’il a besoin notamment de touristes et d’investissements étrangers et plus généralement de l’apport d’idées et de techniques nouvelles lui permettant d’être compétitif dans une mondialisation inéluctable.
Ouverture ou fermeture ? L’archipel ne produit que 60% de sa nourriture. Pire, les risques « naturels » tels que le désastre de Fukushima ou la possible éruption du mont Fuji menacent encore plus son économie que si celle-ci restait ouverte. Relocaliser, en simplifiant apparemment les chaines logistiques, les rend plus vulnérables.
Ainsi, d’excellentes performances depuis le début de la pandémie, notamment celles des constructeurs automobiles - les véhicules électriques utilisent 2,5 fois plus de semi-conducteurs que les véhicules à essence – vont de pair, si l’on en croit le « Livre blanc de la transformation digitale » (2021), avec la supériorité des entreprises américaines en « alphabétisation numérique » qui concerne 31,7 % de leurs cadres contre seulement 9,7 % de leurs homologues nippons. Le Japon risque de se laisser distancer dans la course à la productivité.

Or le PLD semble préférer ne pas voir les difficultés qui s’accumulent, victime du poids de dynasties comme celle de Hosokawa Morihiro, brièvement Premier ministre en 1993-94 ou Koizumi Junichiro au début des années 2000.
C’est le parti dominant qui prend le risque du sakoku ;.
C’est lui aussi qui rend son pays victime d’une sujétion pavlovienne aux décisions de Washington en lui interdisant, depuis la 2ème guerre mondiale, de maîtriser les instruments militaires de souveraineté et même de penser une stratégie.
Commentaire
Les Japonais sont généralement discrets mais les inégalités croissantes, la fatigue de la Covid et l’inflation aggravée par la chute du yen érodent leur pouvoir d’achat.
On ne peut que s’étonner de voir les électeurs reconduire périodiquement le même parti voire les mêmes politiciens qui n’ont rien réglé jusqu’à présent.
Ou alors, faut-il penser que ce pays s’adapte de lui-même, en-dehors du jeu parlementaire, à un monde qui change ?
Comme ailleurs, le sentiment domine que la politique est à bout de souffle, donc elle ne suscite qu’un faible intérêt alors que le sport, le divertissement restent des valeurs sûres.
Mais les problèmes sont là et le PLD ne paraît guère capable de les résoudre, empêtré dans les séquelles de la 2nde guerre mondiale et l’alliance américaine qui le pousse à la confrontation avec la Chine donc au réarmement.
N’est-ce pas à une génération nouvelle d’hommes et de femmes politiques qu’il reviendrait de redonner confiance à l’archipel ?

The LDP, like Germany , always wins…

It wins mostly because the opposition doesn’t find a way to unite, it is not a credible alternative, the more so since the Liberal Democratic Party (LDP) has counted on the auxiliary force of Kômeitô, its ally, since 1998, because also, according to the current electoral system, Senate is renewed by half every three years and thus the Chamber of representatives has the power for the most important bills and it was renewed for 4 years in 2021.
The murder of Abe Shinzo by a member of the naval self-defence strengthened the LDP which won as usual.

Is the LDP forever in charge ? But Japan is far from being in good shape…
Japan is able of a sound robustness. So many hardships regularly strike it – earthquakes which sometimes are the origin of “tsunami” like the one which provoked the nuclear catastrophy of Fukushima (11 March 2011), typhoons, fires which are provoked or not by earthquakes but are very lethal in a country which seldom builds with stones, and where WW2 is not so old that it has forgotten Hiroshima and Nagasaki, the only victims of an atomic bombing little after the great fire in Tokyo on the 10th March on the same year, which killed as many as an atomic bomb.
But Japanese always lift up their heads and build back, sometimes better. In 1945, American authorities gave up urban planning in the city of Tokyo which had been almost destructed since on the wake of the war, homeless Japanese had started to reconstruct and the era of “high growth”, partially due to the Korea war, the archipelago being the arsenal for (officially) UN armies, lead to “endaka” (sudden rise of the yen) in 1985 , which in spite of the ups and downs, allowed Japan to be today one of the richest countries in the world. One where efficient corporations (think of Toyota, third employer in France) and the most competitive for some products like robots or even Sony which has stopped long ago to produce TV sets but made a joint venture with Honda to be able to build together an electrical car by 2025.
But how to qualify the delay in the evolution of the status of women, which gives it the 164th rank out of 190 countries for the parity of parliamentarians ?No wonder women are turning away from poitics and the growaing abstention rate is being denounced by the media, even if it means putting their talent elsewhere, no long supporting the inertia of the LDP and being more and more numerous to do so, refusing the role of “good wife » which was already assigned to them at the beginning of the 20th century..
This is a reason for one of the problems facing Japan, a structurally low fertility rate which is already leading to a decrease in the population and can only be accentuated in this “country in need of children” as Muriel Jolivet wrote in 1993. As Japan is loath to accept immigrants on its soil, it sees only two possibilities for dealing with the labour shortage : robots and outsourcing, increasingly in Southeast Asia given the difficult relations with the countries closest to it : China and South Korea, not to mention Russia, where some hopes were raised at the end of the Soviet Union but which have found little realization so much is dilapidated the economy of a country technically in a state of war with the archipelago : Japan is not resolved to the loss of the four islands of the “Northern territories” invaded 3 months after Nagasaki in 1945 – the war in Ukraine does not help.
Security, even beyond the Ukrainian affair, continues to depend on the American atomic umbrella and other weapons. That’s why Japan is not attacked by North Korea, which is content to launch ballistic missiles into the sea, or by China, which could use Japan’s support of Taiwan to punish it. In the event of a conflict, would Washington’s commitment be unwavering ? The Trump presidency has raised more than doubts and nothing says, especially after Afghanistan, that we can count on the United States to defend « the free world », as much as they seem concerned above all to make their allies bear the costs as high as possible and not to lose American lives.
But that’s not all.
The air pollution that prevailed until the Tokyo Olympics has certainly greatly decreased or been exported, but what about plastic in the oceans and mostly the fallout from the Fukushima accident ? Today, half of Japan’s nuclear reactors are shut down, with many governors opting to vote against them. This refers to the lack of energy when an unprecedented heat wave due to its early date reflects global warming and may result in power outages during the summer when air conditioners are running at full capacity – we are no longer at the time of the “Tokyo Trip” from Ozu in 1953 when Ryû Chishû and Hara Setsuko were venting themselves and wearing clothes adapted to the heat…
A society less and less egalitarian : the Japanese, especially in private, say it : Japan is rich but the Japanese are poor and it is true that inequalities are growing while the pension system is more and more worrying, the cost of University studies in particular remains very high (20 times more than in France).
Although the pandemic has come a long way back, Covid is causing more than ever a closure reaction (sakoku), compounded by a fussy and unpredictable administration, which is not only dramatic for many foreigners but above all which cuts Japan from the world while it needs especially tourists and foreign investment and more generally the contribution of new ideas and techniques allowing it to be competitive in an inevitable globalization.
Openness or closure ? The archipelago produces only 60% of its food. Worse, “natural” risks such as the Fukushima disaster or the possible eruption of Mount Fuji threaten its economy even more than if it remained open. Relocating, apparently simplifying logistics chains, makes them more vulnerable.
For example, strong performances since the start of the pandemic, especially from automakers - electric vehicles use 2.5 times more semiconductors than gasoline vehicles - go hand in hand, according to the “White Paper on Digital Transformation” (2021), with the superiority of American companies in “digital literacy” concerning 31.7% of their executives versus only 9.7% of their Japanese counterparts. Japan is in danger of falling behind in the race for productivity.

But the LDP seems to prefer not to see the difficulties that accumulate, victim of the weight of dynasties like that of Hosokawa Morihiro, briefly Prime Minister in 1993-94 or Koizumi Junichiro in the early 2000s.
It is the dominant party that takes the risk of sakoku.
It is also he who makes his country victim of a Pavlovian subjection to the decisions of Washington by forbidding it, since the Second World War, to master the military instruments of sovereignty and even to think a strategy.
Comment
The Japanese are generally discreet but growing inequality, Covid fatigue and inflation aggravated by the yen’s fall erode their purchasing power.
One can only be surprised to see the voters periodically reappoint the same party or the same politicians who have not resolved anything so far.
Or should we think that this country is adapting on its own, outside the parliamentary game, to a changing world ?
As elsewhere, the prevailing feeling is that politics is out of breath, so it only arouses little interest while sport and entertainment remain firm values.
But the problems are there and the PLD does not seem to be able to solve them, entangled in the aftermath of Worl War II and the American alliance that pushes it,to the confrontationwaith China and thus rearmament.
Would it not be up to a new generation of politicians to restore the archipelago’s confidence ?


[1en d’autres temps