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Chine/China

lundi 5 février 2024, par Yves

Comment va la Chine ?
How is China doing ?

La Chine, encore la Chine.

Comment va la Chine ? Encore elle, puisque tout le monde en parle, ça a l’air répétitif ! mais dans les faits, la Chine d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier, et l’immense Empire du milieu connaît des réalités différentes même en 2024.
L’auteur de ces lignes l’a visitée pour la première fois en 1991, on y circulait principalement à vélo, la pollution était réduite dans ce pays encore sous-développé. Aujourd’hui, elle s’associe avec le Singapourien « Scorpio Electric » pour prendre une part de marché en fabricant en Asie du Sud-Est des motos électriques car la concurrence fait rage sur ce secteur.
On avait certes massacré place Tian An Mien en 1989, mais depuis, comme l’a pressenti Alain Peyrefitte, « elle s’est éveillée », est devenue un croquemitaine dont les experts aiment à nous convaince qu’elle nous menace, d’autant que l’économie de marché ne s’y est pas imposée. Alors, bien que le célèbre commentateur Nicholas Kristof ait récemment écrit qu’il ne fallait pas en parler sous peine d’attiser les risques de guerre, il
A défaut de s’y rendre, un séjour de plusieurs semaines au Japon (cf article du 20/12/2023 sur yvescarmona.fr) confirme son omniprésence, suscitant à la fois l’inquiétude mais aussi le souhait d’en tirer avantage, ne serait-ce que par son tourisme de masse. Il faut dire que le PNB par tête en parité de pouvoir d’achat y a quasiment décuplé depuis l’an 2000, de quoi stimuler les envies.
Certes, on ne prédit pour 2024 qu’un taux de croissance du PIB d’environ 5,2 % ; mais ce sont les statistiques gouvernementales, sont-elles fiables ? C’est sur elles (Bureau national des statistiques) que se fonde le correspondant du journal « Le Monde » à Shanghai : « Malgré un taux officiel de 5,2 %, la croissance chinoise a déçu l’an dernier, affectée par une crise immobilière qui dure, par le manque de confiance des ménages et par une baisse des exportations. » Croissance d’autant plus faible qu’elle fait suite à une reprise post-Covid décevante.
En tout cas, après des taux à deux chiffres, le rapprochement avec l’économie de pays développés se poursuit.
Cependant, les compagnies étrangères, parmi lesquelles les entreprises américaines viennent en tête comme le soulignait récemment lors d’un Webinaire l’ambassadeur américain à Pékin, y ont beaucoup investi mais pratiquent de plus en plus le « China plus one », avec le choix complémentaire de divers pays d’Asie du Sud-Est - Vietnam, Thaïlande, Philippines etc - où on retrouve les avantages de la Chine il y a une ou deux générations : main d’œuvre habile, relativement instruite et disciplinée (il vaut mieux investir dans les dictatures où les travailleurs revendiquent peu), et pas chère - il est rare que les entreprises fassent du respect des droits humains leur boussole.
La Chine pratiquerait donc un capitalisme d’Etat sous couvert de communisme et sa population y jouirait de la société de consommation sans poser de questions dangereuses sur le respect des droits de l’homme.
Mais non, ce n’est pas si simple.
 quand la Chine éternue c’est le monde qui s’enrhume ; si l’économie chinoise va moins bien, le marché chinois est moins rémunérateur et les répercussions sont mondiales. On a actuellement moins peur en Occident d’un ralentissement de la croissances chinoise dont les répercussions sont mondiales que d’un rattrapage par l’armée chinoise de la puissance américaine qui permettrait à la Chine, selon les « experts », d’attaquer Taiwan en 2027.
Pourtant, la société chinoise montre des signes de fracture qui peuvent faire supposer à certains qu’elle rique d’exploser – 1,4 milliards d’habitants, ce n’est pas si facile d’y exercer le « mandat du Ciel » cher aux Empereurs, même quand le nouvel Empereur Xi Jinping a succédé à la dynastie des Qing qui s’est effondrée en 1911.
Trois signaux d’alerte parmi d’autres.
  Le géant immobilier Evergrande est en situation de faillite avec une dette qui s’emballe à 300 Milliards USD en 2024, ce qui a provoqué des manifestations d’emprunteurs ruinés. Comme il ne fait pas que de la promotion immobilère, d’autres activités risquent d’être affectées par ses graves difficultés financières et cette collision inquiète le pouvoir. Il est possible que Evergrande soit sauvée de la faillite grâce à l’intervention de l’Etat : « too big to fail », mais qu’en est-il de la sécurité juridique des engagements pris, notamment lors de la rétrocession de Hong Kong ?

  Les conflits maritimes dans lesquels le pouvoir chinois est impliqué ont fini par susciter le durcissement de pays d’Asie du Sud-Est avec lesquels elle entretenait des relations allant jusqu’à la dépendance comme les Philippines. Celle-ci avait endossé dès 2016 l’avis de la Convention des Nations-Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), anathème pour le pouvoir chinois qui continue de bétonner des rochers pour concrétiser sa présence. Bongbong Marcos, élu en 2022, a rétabli la proximité historique des Philippines avec les Etats-Unis, en offrant notamment à l’armée américaine d’établir quatre nouvelles bases militaires sur son territoire. Le Cambodge est beaucoup plus fragile et cherche à éviter un conflit ouvert avec l’Empire du milieu, très présent notamment en investissement.

  Covid a laissé des traces et peut survenir à nouveau. Comme on s’en souvient, le pouvoir est passé en janvier 2023 d’une politique extrêmement sévère de « no-covid », peut-être inspirée par Jiang Zemin, à un relâchement quasi-instantané dès sa mort, laissant la pandémie proliférer au prix de nombreuses victimes, Pékin en reconnaissant alors 60 000, surtout des personnes âgées.

  Il arrive ainsi ce que voulait l’Occident : la Chine exporte moins car sa démographie stagne, donc la main d’oeuvre manque et en plus il faut épargner car la politique sociale est insuffisante. Des centaines de millions de sans-papiers, immigrés de l’intérieur, venus des provinces reculées comme le Yunnan vers l’Est plus développé, n’ont aucune existence légale. Leurs enfants ne peuvent donc s’inscrire à l’école, pas question de regroupement familial d’autant que leur situation précaire les expose à la surexploitation de patrons peu scrupuleux.

  Hors de Chine, un système favorisant les intérêts chinois se met en place et les pays les plus faibles sont les premiers à s’y prêter. Pour ne prendre que des exemples asiatiques, la Chine reste un marché d’exportation-clé pour la Thailande. Son « Bureau de la politique et de la stratégie commerciales » a signalé une augmentation de 4,5 % des exportations thaïlandaises vers la Chine au cours des six premiers mois de 2023, principalement grâce aux produits agricoles. Dans quelques mois, on pourra prendre le train à Bangkok pour se rendre d’une traite à Kunming. C’est un des effets de la « Nouvelle route de la soie » (BRI) dont le 3ème forum s’est tenu à Shanghai en octobre dernier.
Au Népal, la diplomatie chinoise (« China card ») est devenue un enjeu dans le débat politique. C’est pourtant vers l’Inde que penche ce pays – côté chinois se dresse la barrière de l’Himalaya – mais dans les rivalités incessantes des hommes politiques, l’influence de Pékin pèse.
Enfin, au Sri Lanka, la Chine s’est offert sans coup férir le port de Hambantota à quelques encablures du rival indien en soutenant discrètement la famille dirigeante Rajapakse et en prêtant, en échange d’un leasing de 99 ans, le prix du port …

Mais cette politique opportuniste, plus qu’une stratégie, ne réussit pas toujours. Ainsi l’Italie vient de se retirer de la « Nouvelle route de la soie » bien qu’elle ait été le premier pays du G7 et le premier membre de l’UE à le rejoindre il y a quatre ans dans le cadre d’un accord signé par le Premier ministre italien de l’époque, Giuseppe Conte. Après l’accord, les exportations vers Pékin n’ont augmenté que légèrement – de 13 milliards en 2019 à 16,4 milliards en 2022, la hausse du début 2023 étant principalement liée à un médicament produit par Pfizer en Italie. Cependant, les importations en provenance de Chine ont bondi, passant de 32 à 58 milliards. Autrement dit, l’Italie en tirait moins d’avantages que la Chine, ce qui n’empêche celle-ci de continuer d’y associer un nombre important de pays, dont 13 Européens.
Et Taïwan dans tout ça ?
« L’endroit le plus dangereux du monde » écrivait l’hebdomadaire « The Economist » le 1er mai 2021, tout en soulignant que plusieurs thèses pouvaient s’affronter sur le risque de guerre – c’est encore le cas. En 2024, la guerre n’a pas éclaté même si Pékin multiplie les manœuvres d’intimidation.
S’agit-il pour Xi Jinping d’un enjeu de face vital, son hybris le mène-t-elle inéluctablement à une guerre ? ou la difficulté à débarquer à Taiwan, un conflit meurtrier non seulement pour les Taiwanais mais aussi pour l’armée chinoise l’en dissuaderont-ils, d’autant qu’une majorité de Chinois préféreraient que d’autres solutions aient été explorées avant d’en arriver à l’extrême ? Ne l’oublions pas, les Etats-Unis et le Japon ne pourraient rester à l’écart – c’est une nouvelle guerre mondiale qui risquerait d’en sortir.
L’île reste leader pour certains produits Hi-tech. Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, TSMC, produit 90% des semi-conducteurs de haut niveau, une filière de 150 Milliards de $, si bien qu’un projet d’implantation à Taiwan d’Apple pour y construire des Iphone à terme pliables est dans les cartons.
Bref, la raison économique, comme l’indique Jacques Gravereau dans une récente interview, plaide pour le statu quo. Certes, l’indépendantiste Lai a gagné les dernières élections présidentielles mais il n’a pas de majorité au Parlement et ne prendra ses fonctions qu’en mai prochain. Il est peu probable qu’il proclame l’indépendance au prix d’une guerre meurtrière.
Comme le disait l’humoriste Pierre Dac : « La prévision est difficile surtout lorsqu’elle concerne l’avenir ».
Une bonne raison pour ne pas en faire est la recension qui fait suite à cet article de l’excellent livre de l’historien François Gipouloux : « Commerce, argent, pouvoir. L’impossible avènement d’un capitalisme en Chine, XVIème-XIXème siècle ».
Bonne lecture !
***
How is China doing ?

Again, since everyone is talking about it, it sounds repetitive, but in reality, the China of today is not the China of yesterday, and the immense Middle Kingdom is experiencing different realities even in 2024.
The author of these lines visited China for the first time in 1991, when most of the traffic was by bicycle and pollution was low in a country that was still underdeveloped. Today, it is teaming up with Singapore’s Scorpio Electric to capture a share of the market by manufacturing electric motorbikes in South-East Asia, where competition in this sector is fierce. It’s true that a massacre was perpretated in Tiananmen Square 1989, but since then, as Alain Peyrefitte foresaw, "it has awakened" and become a bogeyman that experts like to tell us threatens us, especially as the market economy has not taken hold there.
Not going to China recently, a visit to Japan for several weeks (see article dated 20/12/2023 on yvescarmona.fr) confirms its omnipresence, giving rise to both concern and the desire to take advantage of it, if only through mass tourism. It should be noted that its GNP per capita in Purchasing Power Parity has increased almost tenfold since 2000, enough to stimulate cravings.
Still, the GDP growth rate predicted for 2024 is around 5.2%, but these are government statistics, and are they reliable ? The Shanghai correspondent of the newspaper "Le Monde" relies on them (National Bureau of Statistics) : "Despite an official rate of 5.2%, Chinese growth was disappointing last year, affected by an ongoing property crisis, a lack of household confidence and a fall in exports", growth that is all the weaker for following a disappointing post-Covid recovery.
In any case, after double-digit growth rates, the rapprochement with the economies of developed countries continues.
However, foreign companies, led by American firms, as the American ambassador in Beijing recently pointed out in a Webinar, have invested heavily in China, but are increasingly practising the "China plus one" approach, with the complementary choice of various countries in South-East Asia - Vietnam, Thailand, the Philippines, etc. - where the advantages of China one or two generations ago can be found : skilful, relatively well-educated and disciplined labour (it’s better to invest in dictatorships where workers have few demands), and cheap - it’s rare that companies take care of human rights.
China would therefore be practising state capitalism under the guise of communism, and its population would be enjoying the consumer society without asking any dangerous questions about respect for human rights.
But no, it’s not that simple.
If the Chinese economy gets sick, the world could catch pneumonia. Stille, there is currently less fear in the West of a slowdown in Chinese growth with global repercussions than of the Chinese army catching up with American power, which, according to experts, would enable China to attack Taiwan in 2027.
However, Chinese society is showing signs of fracturing, leading some to believe that it is in danger of exploding. With a population of 1.4 billion, it is not easy to exercise the "Mandate of Heaven" so dear to the Emperors, even when the new Emperor Xi Jinping succeeded the Qing dynasty, which collapsed in 1911.

Three warning signs among others.
  Real estate giant Evergrande is facing bankruptcy, with its debt set to balloon to USD 300 billion by 2024, prompting protests from ruined borrowers. As Evergrande is not just a property developer, other activities are also likely to be affected by its se-rious financial difficulties, and the government is concerned about this collision. It is possible that Evergrande will be saved from bankruptcy thanks to state intervention : "too big to fail", but what about the legal security of the commitments made, particu-larly at the time of the handover of Hong Kong ?

  The maritime conflicts in which the Chinese government is involved have led to a hardening of relations with countries in South-East Asia, such as the Philippines, with which China has maintained relations that go as far as dependence. In 2016, the Phi-lippines endorsed the opinion of the United Nations Convention on the Law of the Sea (UNCLOS), anathema to the Chinese government, which continues to pour con-crete on rocks to make its presence felt. Bongbong Marcos, elected in 2022, has re-established the Philipines’ historic closeness to the United States, notably by offering the US army the opportunity to establish four new military bases on its territory. Cambodia is much more fragile and is seeking to avoid open conflict with the Middle Kingdom, which has a strong presence, particularly in terms of investment.

  Covid has left its mark and could happen again. As can be reminded, in January 2023, the government moved from an extremely strict "no-Covid" policy, perhaps inspired by Jiang Zemin, to an almost immediate relaxation as soon as he died, allowing the pandemic to proliferate at the cost of many victims (Beijing acknowledged 60,000 at the time, mostly elderly people).

The result is what the West had wanted : China is exporting less because its population is stagnating, so there is a shortage of labour and, on top of that, it has to save money because its social policy is inadequate. Hundreds of millions of undocumented immigrants from the interior, from remote provinces like Yunnan to the more developed East, have no legal existence. Their children are therefore unable to enrol in school, and family reunification is out of the question, especially as their precarious status exposes them to over-exploitation by unscrupulous employers.

Outside China, a system that favours Chinese interests is being put in place, and the weakest countries are the first to fall prey to it. To take just one Asian example, China remains a key export market for Thailand. Its "Office of Trade Policy and Strategy" has reported a 4.5% increase in Thai exports to China in the first six months of 2023, mainly thanks to agricultural products. This is one of the effects of the "New Silk Road" (BRI), the 3rd forum of which was held in Shanghai last October.
In Nepal, Chinese diplomacy ("China card") has become an issue in the political debate. Although the country leans towards India, with the Himalayas as a barrier on the Chinese side, Beijing’s influence carries weight in the ongoing rivalry between politicians.
Finally, in Sri Lanka, China won the harbour of Hambantota, next door to rival India, by discreetly supporting the Rajapakse ruling family and lending the cost of the port in exchange for a 99-year lease...

But this opportunistic policy, rather than a strategy, does not always succeed. Italy, for example, has just withdrawn from the "New Silk Road", even though it was the first G7 coun-try and the first EU member to join it four years ago under an agreement signed by the then Italian Prime Minister, Giuseppe Conte.
Following the agreement, exports to Beijing increased only slightly - from 13 billion in 2019 to 16.4 billion in 2022, with the rise in early 2023 mainly linked to a drug produced by Pfizer in Italy. However, imports from China have jumped from €32 billion to €58 billion.
In other words, Italy benefited less than China, although China continues to involve a large number of countries, including 13 Europeans.
And what about Taiwan ?
The Economist wrote on 1 May 2021 that Taiwan was "the most dangerous place on earth », pointing out that there could be several opposing views on the risk of war - and this is still the case.
In 2024, war has not broken out, even though Beijing is increasing its intimidation tactics.
Will Xi Jinping’s hybris lead him inevitably to war ? Or will the difficulty of landing in Taiwan and a conflict that would be deadly not only for the Taiwanese but also for the Chinese army dissuade him, especially as a majority of Chinese would prefer other solutions to have been explored before going to extremes ? All the more so as the United States and Japan could not stand aside - a new world war would ensue.
The island remains a leader in certain hi-tech products. Taiwan Semiconductor Manufacturing Company, TSMC, produces 90% of high-level semiconductors, a $150 billion industry, so much so that Apple is planning to set up operations in Taiwan to build Iphones that will eventually be foldable.
In short, as Jacques Gravereau pointed out in a recent interview, the economic rationale is in favour of the status quo. It’s true that the pro-independence Lai won the last presidential elections, but he doesn’t have a majority in Parliament and won’t take office until next May. It is unlikely that he will proclaim independence at the cost of a bloody war.
But as the comedian Pierre Dac once said : "Prediction is difficult, especially when it concerns the future".
A good reason not to do so is the review that follows this article of the historian François Gipouloux’s excellent book : "Commerce, argent, pouvoir. L’impossible avènement d’un capitalisme en Chine, XVIème-XIXème siècle".
Enjoy reading !


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