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Birmanie/Myanmar

vendredi 1er septembre 2023, par Yves

Un espoir pour la Birmanie ?

Oh non, pas de faux espoir, la junte est toujours au pouvoir – a-t-elle jamais vraiment cessé de l’exercer ? Aung San Suu Kyi (ASSK), malgré une grâce partielle, reste en résidence surveillée et les procès pleuvent sur la Dame du Lac qui, à 78 ans finira ses jours, sauf bouleversement, sans connaître la liberté.
Ce ne sont ni l’ASEAN, incapable de trouver une solution au drame birman, la junte lui refusant de rencontrer ASSK ou le Gouvernement d’Unité Nationale, ni le rapporteur spécial des Nations Unies, certes un connaisseur de longue date de la Birmanie (il a même été consultant du gouvernement birman en exil) qui y peuvent quoi que ce soit : il faut l’accord de la junte pour que l’une ou l’autre puisse seulement visiter, sous contrôle, le pays ou rencontrer ses dirigeants légitimes.
Pourtant, quelques signaux laissent entrevoir un espoir, qui ne peut qu’être mesuré, d’une moindre brutalité du régime.

La situation générale ne cesse de s’y dégrader
Situation humanitaire d’abord, bien qu’il soit impossible de savoir combien de victimes a fait et continue de faire la répression. La junte bien sûr ne souhaite pas communiquer sur ce point mais il y a déjà eu au moins 5000 morts civils dans la guerre qui l’oppose à la NLD (National League for Democracy).
Le fait récent, c’est que celle-ci a fait alliance avec les minorités en guerre de longue date contre la majorité birmane. Les ethnies sont très nombreuses, certaines comme les Rohingyas musulmans ne sont pas reconnues par le gouvernement, aucun recensement crédible n’a eu lieu récemment, leur proportion ne peut donc être quantifiée. Ce qui est certain, c’est que dans cette guerre civile menaçante, la junte réagit par la destruction systématique de villages au mépris des populations civiles.

Il faut y ajouter les victimes de la COVID. Dans un pays dont le système de santé s’est effondré, beaucoup meurent sans soin, on disait même que la Tatmadaw (l’armée birmane) tuait les malades à vue…
En tout cas, les sites officiels évoquent le nombre de 20 000 morts.

Combien de réfugiés hors de la Birmanie ? Là aussi, toute comptabilité serait hasardeuse et les experts préfèrent le terme plus englobant de « diaspora » car le statut de réfugié ne décrit pas la totalité de l’exil volontaire. L’auteur de ces lignes se souvient d’un « Little Myanmar » à Singapour où les Birmans les plus dynamiques se livraient avec succès à des activités très variées – études, restaurants, commerce de tissus, activités financières etc, permettant à 50 000 à 100 000 personnes de mieux vivre qu’en Birmanie et d’y envoyer des virements (remittances). En ce temps-là (2008), les généraux de la junte aimaient à s’y faire soigner : à quelques encablures de « Little Myanmar », les hôpitaux les accueillaient généreusement : l’argent n’a pas d’odeur.
Aujourd’hui, face à un blocage apparemment sans issue, la junte vient pour la première fois d’expulser un diplomate sous prétexte que son gouvernement parlait avec le Gouvernement d’Unité Nationale (NUD). Ce n’est sans doute pas un hasard qu’elle ait choisi pour ce faire un pays faible, Timor Leste, encore pauvre mais démocratique, candidat non encore agréé à l’adhésion à l’ASEAN.

De fait, et c’est ce qui nourrit l’espoir, la crise économique est telle que la junte est consciente des risques qu’elle court. Avec un PIB par tête estimé en PPA par la Banque mondiale à 4870 $ en 2022, le plus bas des pays de l’ASEAN, la situation se dégrade.
Surtout, le « bruit du tiroir caisse », principale musique singapourienne selon un ami disparu depuis, ne fonctionne plus comme autrefois.
Depuis peu, la principale banque singapourienne, United Overseas Bank (UOB) vient d’indiquer aux banques birmanes des restrictions sur les mouvements de fonds qui porteront aussi sur les cartes de crédit et comprendront également la fermeture de comptes permettant les transactions avec la Birmanie, situés à Hong Kong.
Or UOB est la banque privilégiée en Birmanie par les généraux, grandes entreprises et riches particuliers, ainsi que les investisseurs agissant en Birmanie à partir de la cité-Etat. Selon certains analystes, ce tour de vis sans précédent à Singapour serait le résultat de pressions américaines, l’île ayant tout fait pour que le régime militaire birman contourne les sanctions imposéees par Washington. Ce serait également le résultat de coûts croissants et des risques pour la réputation de l’île-Etat. Celle-ci joue un rôle important dans les ventes d’armes à la Birmanie, or son autorité monétaire (Monetary Authority of Singapore, MAS) vient d’indiquer que ce ne serait plus le cas. Le nouveau régime bancaire entre en vigueur dans les principales monnaies, y compris USD, Euro et Sing dollar, le 1er septembre . Les plus grandes banques commerciales birmanes ont commencé à prévenir leurs clients.
A noter que plusieurs visites américaines de haut niveau à Singapour ont eu lieu au cours des derniers mois et cela a sans doute fait partie des entretiens à Washington du premier ministre Lee Hsien Loong en mai 2022.
UOB, qui a ouvert un bureau de représentation à Rangoon en 1994 et faisait partie des premières banques étrangères à obtenir un permis d’activité bancaire complet en 2014 était de plus en plus mal à l’aise avec ses activités birmanes. Elle a prévenu en juillet la compagnie Myanmar International Airways, proche du régime, qu’elle fermerait ses comptes mi-août.
Un analyste financier fait aussi observer que le GAFI (organisme international basé à Paris pour lutter contre le blanchiment d’argent sale et la lutte contre le terrorisme) a ajouté la Birmanie à une liste comprenant déjà la Corée du Nord et l’Iran.
Le débat sur la Birmanie s’est intensifié à Singapour ces derniers mois. On répugnait à l’usage de la manière forte, eu égard aux riches clients chinois et moyen-orientaux. « Etre la « Suisse de l’Asie » était un motif de gloire, mais désormais le risque en matière de réputation l’emporte sur les bénéfices ». Beaucoup, se préparent à une action similaire de la part des deux autres grandes banques, OCBC et DBS.
Certes, des banques thaïlandaises seraient prêtes à les remplacer mais les intérêts birmans sont à tous égards en risque d’isolement.

Commentaires personnels :
1/ le drame birman dure au moins depuis le général Ne Win en 1962 (cf yvescarmona.fr le 30 mai 2022 « Aung San »).

2/ Le ministre français des affaires étrangères était venu à Singapour en 2007 dans l’espoir que la pression des Occidentaux sur la cité-Etat permettrait de faire plier la junte birmane et y a vite renoncé. La puissance américaine y parviendra-t-elle ?

Any hope for Burma ?

Oh no, no false hope, the junta is still in power - has it ever really stopped ? Aung San Suu Kyi (ASSK), despite a partial pardon, remains under house arrest and the trials are raining down on the Lady of the Lake who, at 78, will end her days, barring any upheaval, without knowing freedom.
Neither ASEAN, which is incapable of finding a solution to the Burmese tragedy because the junta refuses to allow it to meet ASSK or the Government of National Unity, nor the United Nations Special Rapporteur, admittedly a long-standing expert on Burma (he was even a consultant to the Burmese government in exile), can do anything about it : the junta’s agreement is required before either of them can visit the country or meet its legitimate leaders under supervision.
However, there are a few signs of hope that the regime’s brutality will be lessened, although this can only be moderate.
The general situation there continues to deteriorate
Firstly, the humanitarian situation, although it is impossible to know how many victims the repression has claimed and continues to claim. The junta, of course, does not wish to communicate on this point, but at least 5,000 civilians have already died in the war between it and the NLD (National League for Democracy).
The latest development is that the NLD has formed an alliance with the minorities who have long been at war with the Burmese majority. There are many ethnic groups, some of which, such as the Rohingya Muslims, are not recognised by the government. No credible census has been taken recently, so their proportion cannot be quantified. What is certain is that in this threatening civil war, the junta is reacting by systematically destroying villages in defiance of the civilian population.
To these must be added the victims of COVID. In a country where the health system has collapsed, many people are dying without care, and it was even said that the Tatmadaw (the Burmese army) was killing the sick on sight...
In any case, official websites put the death toll at 20,000.
How many refugees are there outside Burma ? Experts prefer the more encompassing term "diaspora", because refugee status does not describe the totality of voluntary exile. The author of these lines remembers a "Little Myanmar" in Singapore where the most dynamic Burmese were successfully engaged in a wide variety of activities - studies, restaurants, the fabric trade, financial activities, etc. - enabling 50,000 to 100,000 people to live better than in Burma and to send remittances there. In those days (2008), the generals of the junta liked to be treated there : just a stone’s throw from ’Little Myanmar’, the hospitals welcomed them generously : money has no smell.

Now, faced with a seemingly hopeless deadlock, the junta has for the first time expelled a diplomat on the pretext that his government was talking to the Government of National Unity (NUD). It is probably no coincidence that it has chosen a weak country, Timor Leste, which is still poor but democratic, and an as yet unapproved candidate for ASEAN membership.
In fact, and this is what gives cause for hope, the economic crisis is such that the junta is aware of the risks it faces. With GDP per capita estimated by the World Bank at $4870 in 2022, the lowest in ASEAN, the situation is deteriorating.
Above all, the "sound of the cash drawer", Singapore’s main soundtrack according to a friend who has since passed away, no longer works the way it used to.
Singapore’s main bank, United Overseas Bank (UOB), has recently informed Burmese banks of restrictions on the movement of funds, which will also apply to credit cards and include the closure of accounts for transactions with Burma located in Hong Kong.
UOB is the bank of choice in Burma for generals, large companies and wealthy individuals, as well as investors operating in Burma from the city-state. According to some analysts, this unprecedented tightening of the screws on Singapore is the result of pressure from the US, as the island has done everything in its power to ensure that Burma’s military regime circumvents the sanctions imposed by Washington. It is also the result of rising costs and the risks to the island state’s reputation. The island state plays an important role in arms sales to Burma, but its monetary authority (Monetary Authority of Singapore, MAS) has just indicated that this will no longer be the case. The new banking regime comes into force in all major currencies, including the US dollar, the euro and the Singapore dollar, on 1 September. Burma’s largest commercial banks have begun notifying their customers.
It should be noted that there have been several high-level US visits to Singapore in recent months and this was no doubt part of Prime Minister Lee Hsien Loong’s talks in Washington in May 2022.
UOB, which opened a representative office in Rangoon in 1994 and was among the first foreign banks to obtain a full banking licence in 2014 was increasingly uncomfortable with its Burmese operations. In July, it warned Myanmar International Airways, a company close to the regime, that it would close its accounts in mid-August.
A financial analyst also points out that the GAFI (the Paris-based international body that combats money laundering and terrorism) has added Burma to a list that already includes North Korea and Iran.
The debate on Burma has intensified in Singapore in recent months. There was a reluctance to use strong-arm tactics, given the country’s wealthy Chinese and Middle Eastern clients. "Being the ’Switzerland of Asia’ used to be a source of glory, but now the reputational risk outweighs the benefits". Many are preparing for similar action from the other two major banks, OCBC and DBS.
Thai banks may be ready to replace them, but Burmese interests are at risk of isolation in every respect.

Personal comments :
1/ The Burmese drama has been going on at least since General Ne Win in 1962 (see yvescarmona.fr on 30 May 2022 "Aung San").

2/ The French Foreign Minister came to Singapore in 2007 in the hope that Western pressure on the city-state would bring the Burmese junta to comply, but he quickly gave up. Will American power succeed ?

Yves Carmona