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15 août/15th August
dimanche 27 août 2023, par
Un jour, une histoire : le 15 août 1945, fin de la guerre ? 15th August, the end of the war ?
Avec mon article sur le 14 juillet, j’ai envoyé un sondage, heureusement sans m’engager sur un taux de réponse à vrai dire assez faible mais non nul : ceux qui ont réagi m’encouragent à continuer, j’ai retrouvé les adresses e-mail de certains retraités et augmenté, comme on me l’avait demandé, la diffusion. Donc, le sondage reste :
Est-ce que mes articles vous apportent quelque chose ?
Est-ce qu’il vaut la peine de continuer à en écrire ?
***
Article : « Un jour une histoire » : 15 août 1945 : fin de la guerre ?
15 août : Pour beaucoup, le 15 août est une date de vacances, de baignades, ça le sera d’ailleurs de plus en plus avec le réchauffement climatique.
Mais en Asie, il n’en va pas toujours ainsi. Pour la plupart des bouddhistes, c’est une commémoration des morts qui peut prendre la forme d’une danse rituelle.
A l’ambassade de France au Japon, on avait coutume de plaisanter : deux catastrophes se sont produites le 15 août 1945, la naissance de l’ambassadeur et la reddition du Japon.
Cette mauvaise blague ne doit pas faire oublier combien le 15 août 1945 fut à la fois un traumatisme et une libération.
Un traumatisme pour la plupart des Japonais, qui n’avaient jamais entendu la voix de l’empereur Hiro-Hito (devenu Shôwa après sa mort) et l’entendre diffusée par la radio était en soi un choc. Ce seul fait a suscité une tentative de coup d’Etat pour l’empêcher dont l’échec a provoqué plusieurs suicides, de même que les manœuvres infructueuses pour subtiliser les enregistrements…
On peut entendre un fac-similé aujourd’hui au Shôwakan, à deux pas du Palais où l’empereur a vécu. Cette voix chevrotante, dans des conditions techniques approximatives du fait de l’époque, de la guerre et des événements décrits ci-dessus, celle de l’empereur qui annonçait dans une langue que peu comprenaient en-dehors de la Cour la reddition sans condition du Japon, qui l’a vraiment comprise ? Beaucoup en tout cas ont pleuré en l’entendant déclarer qu’il fallait accepter d’ « endurer ce qui ne saurait être enduré et en supportant l’insupportable », et c’est peut-être cette phrase qui a été le mieux entendue.
En effet, en acceptant la déclaration de Potsdam (26 juillet 1945), l’empereur se résoud à une reddition sans condition et se réfère pour la justifier aux bombardements nucléaires de Hiroshima (6 août) et Nagasaki (9 août).
Une photo montre ensuite ses envoyés signant le 2 septembre sur le cuirassé « Missouri » la capitulation du Japon, en présence du vainqueur, le général Douglas Mac Arthur.
Même si le 15 août symbolise la fin de la guerre, en fait elle en est bien loin, quitte à ne plus être mondiale mais en marquant l’Extrême-Orient pour longtemps.
C’est à l’intérieur de l’archipel, exsangue, qu’elle permet les plus grands changements et la libération.
Le Commandement militaire (GHQ) les impose à des autorités nippones héritières du militarisme et de la guerre. Relisons ce qu’a écrit à ce propos le professeur Seizelet : « Les deux formations conservatrices qui prennent la suite des partis d’avant-guerre considèrent qu’il suffirait d’une simple révision de la Constitution de Meiji (1889) laissant à l’empereur la souveraineté et un bonne part de l’exercice du pouvoir. Nouveau venu, le parti socialiste veut le réduire à un rôle protocolaire (…) seul le parti communiste réclame une république mais il n’obtient que 3,5% des suffrages aux élections du 10 avril 1946 ». L’empereur et surtout le système impérial sont sauvegardés.
Le GHQ impose de son côté une démocratisation qui est cohérente avec les attentes du pouvoir démocrate à Washington.
C’est qu’en fait, loin de mettre fin à la guerre, la reddition du 15 août 1945 est seulement une étape et la paix ne sera signée entre les Etats-Unis et le Japon que le 8 septembre 1951 à San Francisco, doublée d’un traité de sécurité nippo-américain confiant de facto au parapluie nucléaire américain la sécurité du Japon contre des attaques armées de l’extérieur.
De fait, la guerre a changé de théâtre car avant même le 15 août 1945, la guerre froide est devenue l’enjeu prioritaire.
En effet, dès le 8 mai 1945 (le 9 mai compte tenu du décalage horaire), l’URSS cherche à étendre sa sphère d’influence, à Berlin comme en Asie, comme la conférence de Yalta en février 1945 l’y a, estime-t-elle, autorisée.
A Berlin, elle impose que la capitulation du IIIème Reich soit signée simultanément auprès d’elle et des Occidentaux.
En Extrême-Orient, la guerre mondiale n’est pas finie car l’URSS, dont le secrétaire général Joseph Staline a promis à Roosevelt que l’URSS entrerait en guerre contre le Japon 90 jours après la défaite de l’Allemagne, tient ce calendrier. L’invasion soviétique de la Mandchou-rie commence le 8 août 1945, après le bombardement atomique sur Hiroshima le 6 août et la chaîne des Kouriles ainsi que la moitié sud de Sakhaline (à savoir les « Territoires du Nord » japonais) sont incorporées durablement à l’Union soviétique en 1946.
La déclaration commune soviéto-japonaise de 1956 pose bien un cadre préparatoire à la né-gociation d’un traité de paix définitif et de facto elle en tient lieu, mais un traité de paix en bonne et dûe forme n’a jamais pu être conclu. Les relations entre l’URSS puis la Russie et le Japon restent mauvaises jusqu’à aujourd’hui.
Ces différentes paix et déclarations n’ont donc pas mis fin aux guerres en Asie et certains s’en émeuvent. L’Appel de Stockholm contre l’arme nucléaire du 19 mars 1950, soutenu notamment par les partis communistes, en est le symbole. De retentissement mondial, on trouve parmi ses promoteurs, à part les Américains qui restent très prudents puisqu’ils détiennent l’arme nucléaire, le jeune Jacques Chirac comme des féministes japonaises qui refusent de voir leurs maris et fils tués. Aux Etats-Unis, le début concomitant du maccarthysme vaudra aux soutiens de cet appel des refus de visa et aux époux Rosenberg, accusés à tort d’être des espions soviétiques, la chaise électrique.
Il faut dire que la guerre de Corée vient d’éclater et elle restera typique de la guerre « froide » - elle n’est froide que pour les superpuissances nucléaires URSS et Etats-Unis dont la guerre par procuration fait des millions de victimes coréennes, chinoises et onusiennes, de facto américaines, pour se retrouver le 27 juillet 1953 avec un armistice et une ligne de cessez-le-feu calée sur le 38ème parallèle à Panmunjon qui n’a pas varié depuis. Paradoxalement, en transformant le Japon en arsenal pour ce conflit interminable, elle contribue à la « haute croissance » de l’archipel.
Le Vietnam, dont la guerre américaine est engagée en 1955, peu après la paix française (Genève 20 jullet 1954), suit le même parcours.
Aujourd’hui encore, les missiles nord-coréens menacent jusqu’au territoire continental américain et la Chine manifeste régulièrement sa volonté de prendre militairement le contrôle de Taiwan.
La Corée du Nord et le Japon restent légalement en état de guerre et la première expédie régulièrement au-dessus de l’archipel des missiles, qui pourraient être nucléaires, et dont aucun n’a jusqu’à présent touché la terre nipponne.
Sans oublier que les deux Corée sont également en état de guerre et que celle du Nord menace périodiquement de réduire en cendres Séoul, distante de 45 km à peine de la zone démilitarisée (DMZ) séparant les deux pays.
Commentaires.
On peut se persuader - et il vaut mieux y croire - que le principe de la destruction mutuelle assurée (MAD) nous préserve d’une guerre nucléaire. Mais on voit bien aussi que le nombre de puissances équipées d’une arme qui garantit leur survie augmente petit à petit, d’autant mieux que ceux qui y ont renoncé sont en grand danger, comme Sadam Hussein, capturé puis exécuté en 2006 ; à l’inverse, en avoir sans le dire, comme Israël, le rassure entouré qu’il est de ceux qui ne l’ont jamais accepté…
Cependant, le non emploi d’armes nucléaires continue à faire de considérables dégâts.
Les armes à fragmentation (cluster bombs) déjà expérimentées par les Etats-Unis au Vietnam, au Cambodge et au Laos lors de la guerre qu’ils y ont menée de 1955 à 1975 et que le Président Biden vient à nouveau de décider de livrer à l’Ukraine en sont le dernier exemple. L’auteur de ces lignes a vu comment 40 ans après la fin de la guerre, elles continuaient à tuer et estropier des paysans laotiens, souvent parce que les pilotes américains les avaient larguées au passage, de retour de missions au Vietnam.
Aujourd’hui, le concept du moment met l’accent sur la « stratégie indo-pacifique » inspirée par Shinzo Abe, comme l’écrit en anglais le Nikkei : “The diplomatic concept of the Indo-Pacific was first mentioned by Japan’s then-Prime Minister Shinzo Abe when he addressed India’s Parliament in 2007. In his speech, titled "Confluence of the Two Seas," Abe said, "The Pacific and the Indian Oceans are now bringing about a dynamic coupling as seas of freedom and of prosperity. A ’broader Asia’ that broke away geographical boundaries is now beginning to take on a distinct form."
This eventually led to Japan’s "free and open Indo-Pacific" strategy, though Abe himself resigned a month after his speech, before becoming PM again in 2012.”
L’objectif de Abe Shinzo : rétablir la grandeur impériale du Japon de son grand-père Kishi Nobusuke, détenu par les forces d’occupation américaines comme criminel de classe A jusqu’à sa libération sans procès en 1948. Cette stratégie, dirigée contre la Chine et sa puissance miltaire croissante, n’aggrave-t-elle pas le risque de guerre ?
On peut se demander si la France, en se ralliant à cette politique, ce que semble faire son Président, alors qu’elle n’a guère les moyens militaires d’agir en Asie-Pacifique comme l’ont reflété l’affaire des sous-marins Scorpène qui devaient permettre de faire de l’Australie un grand partenaire dans l’Océan Pacifique ainsi que le pacte AUKUS, en même temps que le peu de canons dont elle dispose sont consacrés à la guerre en Ukraine, ne risque pas d’y perdre toute crédibilité ?
With my article on 14 July, I sent out a survey, fortunately without committing myself to a response rate that was actually quite low but not zero : those who responded encouraged me to continue, I found the e-mail addresses of some retired readers and increased the circulation, as I had been asked to do. So the survey remains :
Do you get anything out of my articles ?
Is it worth continuing to write them ?
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Article : "Un jour une histoire" : 15 August 1945 : the end of the war ?
15 August : For many people, 15 August is a date for holidays and swimming, and increasingly so with global warming.
But in Asia, it’s not always like that. For most Buddhists, it’s a commemoration of the dead, which can take the form of a ritual dance.
At the French embassy in Japan, we used to joke that two disasters occurred on 15 August 1945, the birth of the ambassador and the surrender of Japan.
This bad joke should not obscure the fact that 15 August 1945 was both a trauma and a liberation.
This was traumatic for most Japanese, who had never heard the voice of Emperor Hiro-Hito (who became Shôwa after his death) and hearing it broadcast on the radio was a shock in itself. This fact alone prompted a coup attempt to prevent it, the failure of which led to several suicides, as did the unsuccessful attempts to steal the recordings...
A facsimile can be heard today at the Shôwakan, a stone’s throw from the palace where the Emperor lived. The voice of the Emperor announcing Japan’s unconditional surrender in a language that few outside the Court could understand, in conditions that were technically approximate at the time, the war and the events described above - who really understood it ? In any case, many wept when they heard him declare that "enduring what cannot be endured and bearing the unbearable" had to be accepted, and it was perhaps this phrase that was heard best.
In fact, by consenting to the Potsdam Declaration (26 July 1945), the Emperor resigned himself to an unconditional surrender and, to justify it, referred to the nuclear bombings of Hiroshima (6 August) and Nagasaki (9 August).
A photo then shows his envoys signing Japan’s surrender on 2 September on the battleship Missouri, in the presence of the victor, General Douglas MacArthur.
Although 15 August symbolised the end of the war, it was in fact a long way from it, even if it meant that it would no longer be a world war, but one that would leave its mark on the Far East for a long time to come.
It was within the archipelago, bled dry, that it brought about the greatest changes and liberation.
The Military Command (GHQ) imposed these changes on the Japanese authorities, heirs to militarism and war. Let’s reread what Professor Seizelet wrote on this subject : "The two conservative parties that followed in the footsteps of the pre-war parties considered that all that was needed was a simple revision of the Meiji Constitution (1889), leaving the emperor with sovereignty and a large share of the exercise of power. As a newcomer, the Socialist Party wanted to reduce him to a ceremonial role (...) only the Communist Party called for a Republic, but it obtained only 3.5% of the votes in the elections of 10 April 1946". The Emperor and above all the imperial system were safeguarded.
For its part, the GHQ imposed a democratisation that was consistent with the expectations of the Democrats in Washington.
In fact, far from putting an end to the war, the surrender of 15 August 1945 was only a stage in the process, and peace was not signed between the United States and Japan until 8 September 1951 in San Francisco, accompanied by a Japanese-American security treaty that de facto entrusted Japan’s security against external armed attacks to the American nuclear umbrella.
In fact, the theatre of war had changed, because even before 15 August 1945, the Cold War had become the main issue.
From 8 May 1945 (9 May because of the time difference), the USSR sought to extend its sphere of influence, both in Berlin and in Asia, as it believed it had been authorised to do at the Yalta conference in February 1945.
In Berlin, it insisted that the capitulation of the Third Reich be signed simultaneously by the USSR and the West.
In the Far East, the World War was not over because the USSR, whose General Secretary Joseph Stalin had promised Roosevelt that the USSR would go to war against Japan 90 days after Germany’s defeat, was keeping to this timetable. The Soviet invasion of Manchukuo began on 8 August 1945, following the atomic bombing of Hiroshima on 6 August, and the Kuril chain and the southern half of Sakhalin (the Japanese "Northern Territories") were permanently incorporated into the Soviet Union in 1946.
The joint Soviet-Japanese declaration of 1956 did provide a framework for the negotiation of a definitive peace treaty, but a full-scale peace treaty was never concluded. Relations between the USSR and then Russia and Japan remain poor to this day.
These peace agreements and declarations have not put an end to the wars in Asia, and some people are upset about this. The Stockholm Appeal against Nuclear Weapons of 19 March 1950, supported in particular by the Communist parties, was a symbol of this. With a worldwide impact, its promoters included the young Jacques Chirac, as well as Japanese feminists who refused to see their husbands and sons killed, apart from the Americans, who remained very cautious because they had nuclear weapons. In the United States, the concomitant onset of McCarthyism meant that supporters of this appeal were refused visas and the Rosenbergs, wrongly accused of being Soviet spies, were sent to the electric chair.
It has to be recognized that the Korean War had just broken out, and it would remain typical of the "cold" war - cold only for the nuclear superpowers USSR and the United States, whose proxy war claimed millions of victims in Korea, China and the United Nations, de facto the United States, ending on 27 July 1953 with an armistice and a ceasefire line drawn on the 38th parallel at Panmunjon, which has not changed since. Paradoxically, by transforming Japan into an arsenal for this endless conflict, it contributed to the "high growth" of the archipelago.
Vietnam, whose American war began in 1955, shortly after the French peace agreement (Geneva 20 July 1954), followed the same course.
Even today, North Korean missiles threaten the American mainland, and China regularly expresses its desire to take military control of Taiwan.
North Korea and Japan remain legally in a state of war, and the former regularly sends missiles - which could be nuclear - over the archipelago, none of which has yet hit Japanese soil.
Not to mention the fact that the two Koreas are also in a state of war, with North Korea periodically threatening to burn Seoul to the ground, just 45 km from the demilitarised zone (DMZ) separating the two countries.
Comments.
It is easy to believe - and it is better to believe - that the principle of Mutually Assured De-struction (MAD) protects us from nuclear war. But we can also see that the number of powers equipped with a weapon that guarantees their survival is gradually increasing, all the more so because those who have renounced it are in great danger, like Sadam Hussein, who was captured and executed in 2006 ; conversely, having it without saying so, like Israel, reas-sures it, surrounded as it is by those who have never accepted it...
However, the non-use of nuclear weapons continues to cause considerable damage.
The cluster bombs already tested by the United States in Vietnam, Cambodia and Laos during the war it waged there from 1955 to 1975, and which President Biden has just de-cided to deliver to Ukraine, are the latest example. The author of these lines saw how 40 years after the end of the war, they were still killing and maiming Laotian peasants, often because American pilots had dropped them on their way back from missions in Vietnam.
Today, the concept of the moment emphasises the "Indo-Pacific strategy" inspired by Shinzo Abe, as written in English in the Nikkei : “The diplomatic concept of the Indo-Pacific was first mentioned by Japan’s then-Prime Minister Shinzo Abe when he addressed India’s Parliament in 2007. In his speech, titled "Confluence of the Two Seas," Abe said, "The Pacific and the Indian Oceans are now bringing about a dynamic coupling as seas of freedom and of prosperity. A ’broader Asia’ that broke away geographical boundaries is now beginning to take on a distinct form."
This eventually led to Japan’s "free and open Indo-Pacific" strategy, though Abe himself resigned a month after his speech, before becoming PM again in 2012.”
Abe Shinzo’s objective : to re-establish the imperial grandeur of the Japan of his grandfa-ther Kishi Nobusuke, detained by the American occupation forces as a class A criminal until his release without trial in 1948. Doesn’t this strategy, directed against China and its grow-ing military power, increase the risk of war ?
One wonders whether France, by rallying to this policy, as its President seems to be doing, when it hardly has the military means to act in the Asia-Pacific, as reflected in the Scorpene submarine affair, which was supposed to make Australia a major partner in the Pacific Ocean, and in the AUKUS pact, at the same time as the few guns it owns are devoted to the war in Ukraine, is not in danger of losing all credibility ?
Voir en ligne : https://www.gavroche-thailande.com/...