Accueil > Blog > Commémoration de la 1re guerre mondiale. / WW1’s commemoration
Commémoration de la 1re guerre mondiale. / WW1’s commemoration
jeudi 21 décembre 2023, par
La 1ère guerre mondiale et l’Asie-Pacifique : un impact méconnu/The 1st World War and Asia-Pacific : a little-known impact.
1/ La commémoration officielle du 11 novembre 2018 à Paris offrait un instantané des principaux protagonistes de la Grande Guerre et reflétait ainsi un monde dominé, en 1918, par les impérialismes européens et, sur leurs talons, les Etats-Unis.
En effet, la plupart des Etats qui constituent aujourd’hui les Nations Unies étaient alors des colonies ; pour autant, ils prirent une part importante à la guerre. On commence à reconnaître en France le rôle des colonisés africains que représentait en quelque sorte durant la cérémonie le Roi du Maroc, mais celui des ressortissants, colonisés ou indépendants, d’Asie-Pacifique est moins connu. Ce fut d’ailleurs une des surprises de la manifestation organisée à l’Arc de Triomphe de voir et entendre une jeune Chinoise lire en mandarin un texte censé évoquer la contribution de nombreux Chinois à l’effort de guerre français en venant remplacer dans l’appareil de production les hommes partis au front.
Sur le sol asiatique, notamment au Vietnam et au Laos, des cimetières militaires accueillent les dépouilles des victimes de toutes les guerres depuis 1914, d’origine locale comme métropolitaine, de religions diverses : catholiques, musulmans, animistes…
C’est en Australie et Nouvelle-Zélande que l’impact de la 1ère guerre mondiale a laissé la trace la plus profonde. 450000 Australiens, soit 40% de la population masculine mobilisable, furent mobilisés et participèrent aux plus durs combats dans la Somme et la Flandre ainsi qu’à Gallipoli (Empire ottoman). 50 à 60 000 d’entre eux y périrent, ainsi que 14000 Néo Zélandais, de même que 27000 hommes originaires des Indes britanniques.
Au sein de l’armée britannique d’Inde, on estime que plus de 200 000 Gurkhas, Népalais donc indépendants, ont participé à la guerre en vertu du traité anglo-népalais de 1816. Leurs pertes s’élevèrent à 20 000 hommes dont plusieurs milliers sont inhumés sur le sol français.
2/ C’est dans le « temps long » d’après cette guerre qu’il convient de jauger son impact sur les pays d’Asie-Pacifique. Trois catégories de conséquences sont à retenir :
– Impact psychologique d’abord, les « indigènes » découvrent la vulnérabilité de ceux qui les dominent, vainqueurs ou vaincus de cette guerre, à la fois parce qu’ils se sont opposés les uns aux autres et aussi parce qu’il a bien fallu apprendre aux dominés à se servir des armes, ce qu’ils n’oublieront pas !
– Impact politique : les puissances coloniales ne peuvent tergiverser sur l’émancipation de leurs colonies les plus actives, ce qui conduit dans l’Empire britannique au statut de Westminster en 1931 qui reconnaît aux dominions, notamment Australie et Nouvelle-Zélande leur souveraineté, dont restent exclues les colonies non blanches à commencer par les Indes – il y faudra une autre guerre mondiale… L’Empire colonial français sera également ébranlé dans sa légitimité. La découverte de la métropole à la faveur de la guerre ainsi que la Révolution russe conduiront certains, notamment Ho Chi Minh, à faire le choix du communisme et de l’indépendance du Vietnam. Au Népal, le mouvement démocratique sera également stimulé par la participation à la guerre.
– Impact économique : la guerre a ruiné les puissances coloniales et leurs colonies, ainsi que les rares pays restés indépendants, notamment le Japon, en tirent parti pour augmenter leurs productions (textile, chantiers navals). Ils vont ainsi entrer en concurrence avec les puissances industrielles occidentales et la « surproduction » s’ajoutant aux fragilités financières débouche sur la grande crise qui commence en 1929. Une autre guerre, encore plus mondiale que la première, en sortira qui verra l’Asie-Pacifique encore plus impliquée dans un nouvel ordre mondial – mais c’est une autre histoire.
NB et commentaire : ce texte de 2018 a été retrouvé par hasard. Il n’a rien perdu de son actualité car derrière beaucoup de conflits actuels, militaires ou autres qui heureusement ne conduisent pas à une 3ème guerre mondiale, se retrouvent encore la volonté de pays éloignés de « l’Occident » de cultiver leur propre identité.
***
1/ The official commemoration on 11 November 2018 in Paris offered a snapshot of the main protagonists of the Great War, reflecting a world dominated in 1918 by European imperialism, with the United States hot on its heels.
Most of the countries that make up today’s United Nations were colonies at the time, but they still played a major part in the war. In France, the role of the colonised Africans, represented by the King of Morocco during the ceremony, is beginning to be recognised, but the role of the colonised or independent citizens of Asia-Pacific is less well known. In fact, one of the surprises of the event organised at the Arc de Triomphe was to see and hear a young Chinese woman read in Mandarin a text that was supposed to evoke the contribution of many Chinese to the French war effort by coming to replace the men who had left for the front.
On Asian soil, particularly in Vietnam and Laos, military cemeteries house the remains of the victims of all the wars since 1914, of local as well as metropolitan origin, and of various religions : Catholic, Muslim, animist...
It was in Australia and New Zealand that the impact of the 1st World War left the deepest mark. 450,000 Australians, or 40% of the eligible male population, were mobilised and took part in the hardest fighting on the Somme and in Flanders, as well as at Gallipoli (Ottoman Empire). Between 50,000 and 60,000 of them died there, along with 14,000 New Zealanders and 27,000 men from British India.
Within the British Indian Army, it is estimated that more than 200,000 Gurkhas, Nepalese and therefore independent, took part in the war under the terms of the Anglo-Nepalese Treaty of 1816. Their losses amounted to 20,000 men, several thousand of whom are buried on French soil.
2/ It is in the long term after the war that its impact on the countries of the Asia-Pacific region must be assessed. There are three categories of consequences :
– Firstly, the psychological impact : the "natives" discovered the vulnerability of those who dominated them, whether they won or lost the war, both because they were opposed to each other and also because the dominated had to be taught how to use weapons, something they will not forget !
– Political impact : the colonial powers could not procrastinate on the emancipation of their most active colonies, which led in the British Empire to the Statute of Westminster in 1931, which recognised the sovereignty of the dominions, in particular Australia and New Zealand, but excluded the non-white colonies, starting with India - it would take another World War...
The legitimacy of the French colonial empire was also shaken. The discovery of the metropolis during the war and the Russian Revolution led some, notably Ho Chi Minh, to choose communism and independence for Vietnam. In Nepal, the democratic movement was also stimulated by participation in the war.
– Economic impact : the war ruined the colonial powers and their colonies, as well as the few countries that remained independent, notably Japan, took advantage of the war to increase their production (textiles, shipyards). This brought them into competition with the Western industrial powers, and "overproduction", combined with financial weakness, led to the Great Depression that began in 1929. The result was another war, even more global than the first, which saw Asia-Pacific more involved in a new world order - but that’s another story.
NB and commentary : this 2018 text was found by chance. It has lost none of its relevance because behind many of today’s conflicts, military or otherwise, which fortunately are not leading to a 3rd World War, we still find the desire of countries far from the "West" to cultivate their own identity.