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Ishihara Shintarô

mercredi 9 février 2022, par Yves

Ishihara Shintarô : pourquoi écrire sur lui ? Parce que la complexité du personnage va avec celle du Japon jusqu’à sa récente disparition.
Ishihara Shintarô : why writing about him ? Because that complex character goes along with Japan’s one till his recent demise.

Ishihara Shintarô

Pourquoi l’auteur de ces lignes écrit-il sur Ishihara Shintarô qui vient de disparaître à Tôkyô à 89 ans ? D’ailleurs, pourquoi écrire sur un homme politique d’un pays, le Japon, dont l’image se réduit souvent à des clichés et des anecdotes ? Ah si, des confrères ont publié sa nécrologie, peut-être quelques articles savants l’évoqueront. Mais dans cette « province de Chine » comme on l’a entendu dire, sa disparition a suscité de nombreux articles et témoignages très médiatisés.
D’accord dira-t-on, ça doit être un politicien japonais comme tant d’autres passés par des Universités coûteuses et héritant d’une longue lignée d’hommes puissants - les « femmes puissantes », elles ne sont pas bien nombreuses et quand elles essaient, on les fait généralement taire.
Eh bien non, Ishihara Shintarô n’a pas été que cela et c’est cette complexité qui en fait l’intérêt. Ses quatre fils ont évoqué sa vie à la TV à sa mort et parmi eux, l’aîné homme politique et ministre Nobuteru : n’ont-ils pas ce faisant représenté toutes ses facettes ?
C’est d’abord un homme de culture, un auteur qui remporte le prix Akutagawa, équivalent nippon du prix Goncourt à l’âge de 23 ans, un écrivain apprécié dans son pays. Fils d’un employé, il travaille dur et ne bénéficie en rien des réseaux qui font la réussite. Celle-ci, il la conquiert seul.
Il la conquiert aussi dans le cinéma, non qu’il ait été l’égal d’un Kurosawa ou d’un Mizoguchi mais sa fréquentation d’un frère chanteur et acteur et du célèbre Ôshima Nagisa, même si ses opinions politiques ont été différentes l’ont plongé aussi dans le bain de l’image. Autre facette, celle de la francophonie. Il est allé faire des études pas forcément académiques en France où il a connu André Malraux, Raymond Aron, Francois Truffaut qu’il a inspiré et en est revenu parlant assez bien français pour traduire Villiers de l’Isle Adam. Quitte plus tard à en critiquer la logique.
C’est au titre de la francophonie que Bertrand Delanoé, Maire de Paris et donc, conformément à la tradition, Président de l’Association des Maires Francophones, est venu en 2004 le rencontrer, ce qui a donné à l’auteur de ces lignes l’occasion de le voir et de constater entre ces deux grands personnages une connivence qui allait au-delà de la courtoisie diplomatique.
Discutables sinon condamnables, la misogynie quand l’âge fait de lui un « tonton » à l’ancienne, il s’est cependant marié à 23 ans sans jamais se séparer de son épouse et a consacré du temps à ses quatre fils ; le nationalisme qui était déjà perceptible dans son « Japon qui peut dire non » co-écrit en 1989 avec Morita Akio, PDG de Sony, pamphlet dénonçant ces élites occidentales qui accusaient le Japon de vouloir conquérir le monde tout en remplissant leurs demeures d’appareils nippons...
Nationalisme ou patriotisme qu’il juge insuffisant chez le PLD majoritaire avec lequel il sera de plus en plus en porte-à-faux.
Cela ne l’empêche pas, en tant que gouverneur de Tôkyô , de mener une politique « écologiste », proposant par exemple de faire du pâté de corbeaux et y lançant le marché du carbone. Il a aussi obtenu que les Jeux Olympiques soient attribués à sa ville – la Covid a conduit le gouvernement à les tenir en 2021 sans spectateurs.
Son obsession politique le conduit, pour conquérir et garder son siège parlementaire , à dériver vers l’extrême quand il tente une alliance avec Mme Koike, ministre de la Défense puis sa successeure comme gouverneure de la capitale, ce qui ne l’empêche pas de regretter « l’identité japonaise est la cupidité ».
Il achète au nom de sa ville en 2012 les îles Senkaku pour obliger l’Etat à les préempter, ce qui bien sûr n’a pas peu contribué à envenimer les relations avec la Chine, et fonde ses derniers partis : le « Parti du Soleil », « Ishin » c’est à dire le nom qui avait été donné à la révolution Meiji , relativement libérale au début mais franchement réactionnaire sur sa fin, avant de laisser la jeune génération bénéficier des ses conseils.
Ce tableau serait fort incomplet si on ne rappelait qu’il a été parlementaire de 1968 à 1973 - avec ses amis politiques, ils signent leur manifeste de leur sang - et jusqu’à son élection comme gouverneur en 1999 puis de nouveau de 2012 à 2014 ; et si on ne citait aussi ses accointances avec la pègre. Où peuvent conduire le patriotisme y compris sur le plan religieux et l’aversion des étrangers - toute ressemblance avec d’autres leaders politiques ne peut être que fortu Alors, ce qui définit le mieux la longue vie aux innombrables facettes d’Ishihara Shintarô, n’est-ce pas sa liberté de parole, pour contestable qu’elle ait pu être souvent dans la seconde partie de sa vie ?

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Ishihara Shintarô

Why does the author of these lines write about Ishihara Shintarô who just passed away in Tôkyô at the age of 89 ? Besides, why write about a politician from a country, Japan, whose image is often reduced to clichés and anecdotes ? Oh yes, a few fellow journalists published his obituary, maybe some specialized academic articles will evoke him. But in that “province of China” like it has been told, his life has sparked many high-profile articles and testimonies.
OK, he must be a Japanese politician like so many others, graduating from expansive Universities and a member of a long line of powerful men – the “powerful women”, they are not so many and when they try, most of them are silenced ?
No, Ishihara Shintarô has not been only that and it is his complexity that makes him interesting. His four sons told on TV about his life at his death and among them, the eldest was Nobuteru, politician and minister : didn’t they therefore represent all his facets ?
First and foremost, he is a man of culture, an author who wins the Akutagawa prize, a Japanese one at the highest rank, at the age of 23, a writer anyone in his country would appreciate. The son of an employee, he works hard and doesn’t benefit from the networks that make success. That one, he wins it by his own efforts.
He conquers it too in movie-making, not that he has been equal to Kurosawa or Mizoguchi but his association with a singer and actor brother and the famous Ôshima Nagisa , even if his political opinions have been different also plunges him into the bath of the image.
Another facet is that of the Francophonie. He studies, not necessarily in University, in France where he meets André Malraux, Raymond Aron, François Truffaut whom he inspires and comes back speaking French well enough to translate Villiers de l’Isle Adam. But he later criticizes the questionable logic of numbers like 70,80 and 90 and makes it an object of controversy –he also wins the lawsuit against left-wing teachers who have prosecuted him for that.
It is in the name of the Francophonie that Bertrand Delanoé, Mayor of Paris and therefore, in accordance with tradition, President of the Association of Francophone Mayors, comes in 2004 to meet him, which gives the author of this lines the opportunity to be there and see between these two major figures a connivance that goes beyond diplomatic courtesy.
Questionable if not reprehensible, misogyny when age makes him an old fashioned “tonton”, he nevertheless marries at 20 years old without ever separating from his wife and devotes time to his four sons ; nationalism is already blatant in his “Japan that can say no” he writes together with Morita Akio, CEO of Sony, a lampoon denouncing Western elites who accuse Japan of plotting to conquer the world while filling their homes with Japanese equipment...
Nationalism or patriotism he deems insufficient in the ruling LDP with which he is more and more in trouble.
It doesn’t prevent him, as a Governor of Tôkyô, to make an “ecologist” policy, for example proposing to make pies with crows and to launch the carbon market. He also gets for his city the Olympic Games – Covid leads the government to keep them in 2021 without audience.
His political obsession leads him, to conquer and to keep his parliamentary seat , to drift towards the extreme when he tries an alliance with Mz Koike, Defence minister and his successor as a Mayor of the headtown, which doesn’t prevent him to complain : “the Japanese identity is greed”.
He buys in the name of his city in 2012 the Senkaku islands to compel the government to preempt them, which of course deteriorates in a big way the relationships with China, and founds his last parties : the “Sun party ”, “Ishin” which has been the name given to the Meiji revolution, liberal to a certain extent in the beginning but truly reactionary in the end and finally giving advices to a younger generation.
That picture would be very sketchy if it wasn’t reminded that he has been a member of parliament from 1968 to 1973 – he signs with his friends in blood their manifesto – and until his election as a Governor in 1999, then again from 2012 to 2014 ; and if his relationships with the mob were not mentioned. That’s where patriotism religion included and refusal of foreigners can lead – any similarity with foreign leaders can only be accidental...
So what defines Ishihara Shintarô’s long life with numerous facets, isn’t it his freedom of speech, even if it has often been questionable in the end ?