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Philippines

dimanche 15 mai 2022, par Yves

Le phénomène dynastique dérive vers la dictature des riches contre les pauvres dont beaucoup émigrent faute de trouver à s’employer malgré leurs qualifications. La sujétion aux Etats-Unis qui connaissent aussi des dynasties est forte. Cela peut-il changer ?
Dynasties turn to dictatorship of rich people against poors. Many have no choice but to emigrate since they don’t find a job in tune with their qualfications. The relationship with the US, who also have dynasties, is historically strong. Could this change ?

Les Philippins en votant pour l’élection présidentielle du 9 mai dernier viennent d’élire un héritier et une héritière à la vice-présidence.
Dans ce pays pauvre longtemps marqué par la guerre froide où le PNB par tête est de 8000 $ par personne et par an en PPA, on ne s’attendrait pas à un tel rapprochement avec un des pays les plus riches du monde, Singapour : 93400 $.
Et pourtant les deux pays ont en commun d’être gouvernés par des dynasties. À Singapour, le Premier ministre-fondateur en 1965 a été Lee Kwan Yew, devenu « Senior Minister », donc continuant à diriger le pays quand il a laissé la place en 1990 à Goh Chok Tong et enfin « Minister Mentor » quand son fils Lee Hsien Loong, aujourd’hui encore au pouvoir, a repris le flambeau en 2004.
Singapour connaît les difficultés d’une fin de dynastie. Lee Hsien Loong n’a pas désigné de successeur. A 70 ans passés, échéance qu’il avait fixée pour transmettre le pouvoir à son vice-premier ministre Heng Swee Keat, celui-ci s’est jugé trop âgé et trois ministres lui ont succédé comme prétendants, ceux des finances, de la santé et de l’éducation que la lutte anti-Covid a fait ressortir. Le risque pour Lee Hsien Loong, dont la domination électorale s’est érodée et pour sa dynastie s’il reste trop longtemps au pouvoir est d’apparaître comme ce que beaucoup pensent déjà tout bas : un dictateur.
Aux Philippines, indépendantes depuis 1946, l’histoire est plus hachée et sanglante mais le phénomène dynastique se perpétue. On a vu s’affronter les Aquino, Cory succédant de 1986 à 1992 à son époux Benito, assassiné en 1983 pour avoir conduit la révolte contre Ferdinand Marcos, Président de 1965 à 1986 et sa femme Imelda connue entre autres pour ses milliers de paires de chaussures. Le fils Benigno Aquiño III a été Président de 2010 à 2016. Aujourd’hui, le fils du couple Marcos, Ferdinand, est élu à la Présidence, allié pour la vice-présidence à Sara, fille du précédent Président Duterte (2016-2022), un commissaire de police qui a su s’intégrer au monde des riches dont il protège, au besoin par les armes, les intérêts.
On le voit, les dynasties font la loi dans ces deux pays comme dans d’autres en Asie et ailleurs – il n’y a pas besoin d’aller très loin pour le retrouver même en République.... Les Etats-Unis, où le phénomène dynastique est également très présent , sont régulièrement accusés de le soutenir hors de leurs frontières. Trois amendements récents, en libéralisant l’économie, continuent d’alimenter la pompe à finances et ainsi la corruption.
Celle du 10/12/2021 réduit nettement les exigences en fonds propres pour les grandes enseignes étrangères.
Ensuite l’amendement du 2 mars 2022 pemet aux petits commerçants philippins, qui ont le monopole de la vente, de réduire eux aussi les exigences en fonds propres en les réservant au contenu local.
Enfin, peut-être le plus significatif est un amendement du 21 mars dernier restreignant à la distribution d’énergie, d’eau et réseaux de traitement des eaux usées ainsi qu’aux véhicules le service public protégé, pemettant ainsi aux capitaux étrangers de s’investir librement dans les grandes infrastructures de télécoms, les aéroports, les transporteurs aériens, le transport, etc. Ainsi, le domaine réservé aux intérêts locaux voit son périmètre diminuer. Le système électoral (scrutin de liste) encourage la corruption en favorisant le populisme.
Celui-ci est aussi à l’oeuvre dans une situation géopolitique complexe et évolutive car une partie des îles de mer de Chine du Sud font l’objet d’une dispute avec la Chine dans laquelle le tribunal international de La Haye a donné en 2016 raison aux Philippines, arrêt non respecté par Pékin. On a longtemps cru que la Chine allait imposer sa loi mais, avec l’aide des Américains, les Philippines se sont opposées à la Chine qui risque de s’aliéner l’Asie du Sud-Est par sa posture agressive. Les Philippines sont de ce fait en proie à une vague nationaliste qui renforce la course aux armements.
Enfin, dans ce pays durement touché par la Covid et profitant d’une récente amélioration, le pouvoir se défausse de sa responsabilité en demandant au peuple de s’en charger dans l’unité nationale.
En résumé, ce que Francis Fukuyama appelle « devenir le Danemark », c’est-à-dire devenir un pays moderne et démocratique, est en jeu. La fille du père Duterte alliée au fils Marcos seront-ils à la hauteur ?

Commentaires :
Les Philippines ressemblent fort à un pays latino-américain, on y trouve beaucoup d’ingrédients en plus du phénomène dynastique : une propension aux coups d’Etat souvent sanglants, une influence des Etats-Unis parfois remise en cause comme ce fut le cas avec la base de Clarke mais toujours présente – c’est là qu’on va à l’Université, du Président qui vient d’être élu aux simples étudiants quand ils ou elles en ont les moyens, une libéralisation économique dont on peut craindre qu’elle alimente prioritairement les investisseurs étrangers.
Ferdinand Marcos a régné par la corruption, sa femme Imelda s’est rendue célèbre par son goût immodéré des chaussures (on lui prête 3000 paires de brodequins, pas des sandales...) et il a fallu un coup d’Etat pour qu’ils aillent tous deux se réfugier aux Etats-Unis et y finissent leurs jours. Cela explique le phénomène dynastique : la politique est un moyen de durer, pas toujours pour gagner beaucoup d’argent mais en tout cas plus pour se servir que pour donner la parole au peuple surtout occupé à sa survie, d’où une des plus fortes proportions au monde d’émigrés économiques . Fin 2011, plus de 10,45 millions de Philippins vivaient à l’étranger (environ 10%), appauvrissant leur pays car ce sont en général les plus qualifiés qui partent et l’incompétence économique du nouveau Président met son pays en danger.
On peut se demander si les dynasties se poursuivront au-delà des titulaires actuels. Ce serait bon pour la démocratie que ce système laisse la place à un renouvellement permettant à chacun d’exercer le pouvoir mais il est permis d’en douter tant le phénomène est répandu - même dans celles qui aiment tant donner des leçons : les « démocraties ».

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Voting for the Presidential election on May 9th, Philippines elected a heir and a heiress for Vice-Presidency.
In that poor country which was for a long time affected by the cold war and where the GNP is 8000 $ a year per capita in PPP, you wouldn’t expect such a similarity with one of the richest countries in the world, Singapore : 93400 $.
Yet both countries are ruled by dynasties. In Singapore, the prime minister-foundator en 1965 was Lee Kwan Yew who became a “Senior Ministor”, still ruling when Goh Chok Tong was put in place in 1990 and finally “Ministor Mentor” when his son Lee Hsien Loong took over in 2004 and is still ruling.
Singapore experimemts the hardships of an ending dynasty. Lee Hsien Loong has no successor. More than 70 years old, which he had decided as a limit for the transfer of power to his deputy Heng Swee Keat, this one deemed he was too old and three Ministers, Finance, Health and Education whom the Covid crisis stimulated, succeeded as candidates. For a weakened ruler, whose electoral domination was eroded, and for his dynasty if he stays too long in power, the risk is to appear as what many say privately : a dictator.
In Philippines, independent since 1946, history is more complex and bloody, but the dynastic phenomenon is continuing. One could see the Aquino, Cory taking over in 1986 to 1992 from her husband Benito who was killed in 1983 since he was the leader of the revolt against Ferdinand Marcos, president from 1965 to 1986 with his wife Imelda, well known for her thousand pairs of shoes. The son Benigno Aquino III was elected as a President from 2010 to 2016. Today, the son of the Marcos couple, Ferdinand, is elected as a President, allied to Sara, the daughter of the former President Duterte (2016-2022), a police super-intendant who knew how to find his spot among the richest whose interests he protects with weapons if necessary.
As can be seen, dynasties rule in these countries as in many others in Asia and elsewehere – no need to go very far even in a Republic ... The United States, where the dynastic phenomenon is quite current, are often accused of supporting it overseas. Three recent amendments, by liberalizing the economy, still pour water in the finance pump and thus corruption.
The one of 10/12/2021 drastically reduces the equity requirements for foreign big companies.
Then the one of 2nd March 2022 allows small Filipino shopkeepers, who have a monopoly on sales, to also reduce requirements on equity to restrain it to local content Finally, maybe the most substantial is the one on the 12th of March which restricts the distribution of energy, water and the treatment of wastewater as well as vehicles to protected public service, allowing foreign equity to invest freely in the big telecoms infrastructure, airports, air carriers, transportation, etc. The current electoral system (list system) encourages corruption by fostering populism.
The latter one is also at work in a complex and versatile geopolitical situation since part of the South China Sea islands has been disputed with the PRC and the International Tribunal of the Hague has agreed with the Philippines, which China has failed to respect. It was believed for a long time that China would prevail but with the help of the United States, Philippines have opposed China which is in danger of alienating South East Asia with its aggressive posture. For that reason, the Philippines are facing a wave of nationalism leading to an arms race.
Finally, in that hard hit by Covid country and utilizing a recent improvement of the situation, the power has given up his responsability by asking the people to take charge of the pandemics for the sake of national unity.
To summarize, what Francis Fukuyama names “to become the Denmark”, meaning to become a modern and democratic country is at stake. Will the daughter of Mr Duterte together with the Marcos son live up to the expectations ?
Comments :
Philippines look very much like a latin-american country, one can find there many components on top of the dynastic phenomenon : an inclination to often bloody coups, the influence of the United States which sometimes can be challenged as with the Clarke military base but always at work – here are the Universities which cater to the just elected President as well as to simple students when they can afford it, a risk that economic liberalization will mainly benefit to FDI.
Ferdinand Marcos reigned by corruption, his wife Imelda became famous with her immoderate taste for shoes (she is told to have owned 3000 pairs of expansive shoes, not sandals...) and it needed a coup for both of them to take shelter in the United States till the end of their lives. That explains the dynastic
phenomenon : politics is a way to stay there, not always to make a lot of money but in any case more for grabbing power than giving a voice to the people who fight for survival, a reason for one of the biggest proportions in the world of economic emigrates. In the end of 2011, more than 10.45 Million Filipinos (roughly 10% of the population) lived overseas, impoverishing their country since generally the most qualified leave and the economic incompetence of the new President puts its country in danger.
One can wonder if dynasties will continue beyond present holders. It would be good for democracy if that system would leave the way for a renewal allowing everybody to be in charge, but it is doubtful when that phenomenon is so spread out – including in “democracies” which like so much to lecture the whole world.

3 This author was a personal witness of illegallity so it isn’t possible to publish accurate statistics.
4 According to the platform “Information about history-geography and economic emigrates”.
5 According to the Filipino think tank “Action for Economic Reforms”.