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Le véhicule électrique/The EV

lundi 17 juin 2024, par Yves

Le véhicule électrique : une histoire récente mais l’automobile a toujours été un sujet politique.
The electric vehicle : a recent story, but the automobile has always been a political issue.

NB as suggested by one reader : there is an English version down there.
Comme l’a suggéré un autre lecteur, j’ai corrigé une erreur.

Le véhicule électrique : une histoire récente mais l’automobile a toujours été un sujet politique.
On ne parle plus que de cela : le véhicule électrique, une bataille planétaire qui est politique depuis que le moteur à explosion s’est imposé.

L’automobile est apparue – déjà, mais c’était un prototype - chez l’Empereur de Chine en 1668, reprise par Cugnot avec une machine à vapeur en 1769 puis par Bollée en 1873 ; le moteur à explosion et le pétrole en font un produit de masse avec l’apparition de la Ford T, 500 000 exemplaires en 1914. Henry Ford applique à ses usines le « taylorisme », c’est-à-dire la décomposition en un petit nombre d’opérations infiniment répétées. Il déclare ainsi : « Tout le monde peut avoir une Ford T de la couleur de son choix… à condition que ce soit le noir ! ». Il s’agit en effet d’augmenter la productivité pour son plus grand bénéfice : il devient un des hommes les plus riches du monde.

Environ 100 millions d’exemplaires de voitures individuelles aujourd’hui sont produits chaque année dans le monde.

C’est la voiture aussi qui fait la fortune du pétrole, dont le raffinage commence dans les années 1860 et devient stratégique avec les Rockefeller, Drake etc.

Enfin, la diffusion du véhicule électrique, que les pouvoirs publics tentent de promouvoir pour lutter contre le gaz à effet de serre dont les moyens de transport sont les principaux émetteurs, constitue aujourd’hui l’enjeu d’une géopolitique dont l’histoire est en train de s’écrire.

L’automobile n’est pas seule, elle est en concurrence avec d’autres moyens de transport : la traction animale, encore indispensable dans de nombreux pays, la bicyclette et le train nés avant elle et aujourd’hui l’avion, apparu à peine plus tard, mais aussi – c’est encore en partie futuriste - le taxi volant pour survoler les embouteillages.

La Chine compte sur « l’économie de basse altitude » pour redonner plus de croissance à une économie pour le moment ralentie. A Canton et Shenzhen, un plan d’investissement dans les infrastructures d’1 milliard de dollars doit le permettre aux nouveaux véhicules. Parmi leurs promoteurs, on trouve des spécialistes du transport aérien : Airbus et Boeing.

Autre information, un Webinaire de Sciences Po Paris auquel a assisté l’auteur de ces lignes indiquait récemment que la bataille opposait principalement la Chine, le Japon, la Corée du Sud et l’Américain Tesla, avec des stratégies différentes.

Le Japon répartit le risque entre électrique, hybride et thermique : il continue à y investir alors que d’autres privilégient la voiture 100% électrique.

A plus long terme, 12 entreprises nippones se rassemblent pour créer l’ASRA (Advanced SoC Research for Automotive) annoncée le 28 décembre 2023 pour ne pas laisser à la Chine le monopole du marché. Le but est de développer des puces nouvelle génération d’ici 2028. En 2023, une voiture électrique est composée d’environ 1 000 semi-conducteurs. La place qu’occupent les technologies est de plus en plus critique. L’automobile est peut-être même le secteur qui connaît la plus grande transformation. En effet, il y a l’électrification, la promesse de véhicules autonomes, mais aussi cette fameuse transition de véhicules définis par le matériel à des véhicules définis par le logiciel. Toutes ces évolutions nécessitent logiquement des innovations dans le domaine de l’électronique.

Ce sont donc douze entreprises nippones qui composent l’ASRA : Toyota, Honda, Mazda, Nissan et Subaru du côté des constructeurs automobiles. Denso et Panasonic pour les fabricants de composants. Et Cadence Design Systems, Mirise Tech, Renesas Electronics, Socionext, Synopsys Japan, pour les spécialistes des semi-conducteurs, ce que le Japon fait de mieux en matière de nouvelles technologies. Un conglomérat similaire existe en Europe. Il est dirigé par l’Imec en Belgique.

Par ailleurs le marché accueille de nouveaux entrants : la Thaïlande (mais en pratique avec un constructeur chinois), l’Indonésie qui répartit les risques sur 2 ou 3 marques/sites (mais pas Tesla pour le moment) , le Vietnam pour qui il n’est pas question de constructeur chinois et qui repose sur le producteur national VinFast.

Bref, c’est l’Asie qui, en matière de véhicules électriques, tire le reste du monde.

Jusqu’à l’aventure bien connue de la Proton, voiture nationale lancée par le Premier ministre Mahathir en 1985, soutenue par le Japonais Mitsubishi, victime de la crise asiatique en 1997-98 puis rachetée par le Chinois Geely dont elle vend les modèles en 2017 : l’ambition technologique a été battue en brèche mais la Malaisie est devenue derrière l’Indonésie le 2ème marché d’Asie du Sud-Est, doublant la Thaïlande.

L’Inde, avec sa population maintenant la plus nombreuse de la Terre, dispose d’un constructeur national, Tata, dont un modèle bon marché est à l’abri de taxes d’importation qui atteignent 100%. Tesla, dont les prix sont beaucoup plus élevés, ne peut rivaliser.

Les constructeurs chinois, eux, parviennent à forcer la porte : pour ceux-ci, il n’y a pas de petit marché et ils inondent le marché américain, par exemple avec la Seagull à seulement 10000 dollars. Les constructeurs américains ne s’en soucient guère : avec des taxes d’importation élevées, les automobiles produites sur le sol américain sont protégées par un droit de douane de 100%, que l’Union européenne vient en partie de contrebalancer avec un droit de 38% - il fallait ne pas trop effaroucher la Chine car on y vend aussi des voitures européennes, surtout allemande.

A noter qu’en France, Toyota dont les importations n’ont pu être exclues du marché a implanté près de Valenciennes une usine qui ne cesse de grandir et d’embaucher – des ouvriers plus jeunes et moins revendicatifs, ce qui fait débat parmi les syndicats.

Plus généralement, la préoccupation mondiale est l’accès aux ressources : semi-conducteurs et autres matériaux rares, dont la consommation augmente proportionnellement à la production.

Deux produits essentiels sont ainsi en conflit. En effet, il faut des semi-conducteurs toujours plus nombreux et de technologie de plus en plus élevée à la fois pour la voiture électrique et pour l’intelligence atificielle, très consommatrice.

Peut-être faudra-t-il, comme le Guardian s’en réjouit, circuler en « Microlino », petite voiture bon marché et surtout moins polluante, comme un certain nombre d’autres voitures électriques, pas chères car légères, ce qui correspondrait mieux à la circulation contemporaine ; en tout cas, elles seraient en passe de damer le pion aux lourds SUV qui occupaient 50% du marché en 2023.

Quel que soit le prix de la voiture électrique, il faut aussi pour la construire des matières premières comme le cuivre, le lithium, le nickel etc. Au point que dans le contexte d’une agressivité grandissante entre la Chine et les Etats-Unis, des terres rares ont été classées comme « produits stratégiques » interdits à la Chine car des applications militaires pouvaient fragiliser la sécurité nationale.

Les entreprises chinoises n’hésitent pas à exploiter des ressources dans le monde entier : Golfe, Brésil, Afrique, etc, et en ont pris conscience plus tôt que Washington, ce qui leur permet actuellement de dominer ce marché.

Voilà qui est excellent pour les compagnies d’électricité dont les profits s’envolent, mais qui pose un défi de plus pour la transition énergétique. On avait anticipé le basculement progressif des voitures vers l’électricité, mais on n’avait pas prévu pas que l’intelligence artificielle allait la devancer avec autant de vigueur.

On n’avait pas non plus imaginé que les Etats-Unis allaient pratiquer la politique industrielle, sur laquelle Biden et Trump rivalisent de protectionnisme, avec pour conséquence un retard de plus en plus grand dans la « technologie verte » qu’est censée assurer la voiture électrique. En fait, les importations de voitures électriques chinoises, BYD en tête, atteignent 34 Milliards de dollars et menacent la domination de Tesla. Le chercheur américain David Wallace-Wells se demande si le mur construit autour de l’industrie nationale pourrait suffire à gagner une guerre commerciale. Surtout que la Chine est non seulement en tête pour les batteries mais aussi pour les énergies renouvelables.

La France a pris du retard en matière d’électrification ; n’est-ce pas pour partie dû aux imprécations protectionnistes de Jacques Calvet, Président de Peugeot de 1983 à 1997, qui s’est opposé en vain à la constitution du marché unique européen (traité de Maastricht en 1992) et donc aux quotas nationaux ? Peugeot s’est pourtant agrandi en rachetant notamment Citroën, mais peine désormais à livrer bataille sur la voiture électrique – hors subvention gouvernementale bien sûr.

Dans cette bataille planétaire, le constructeur japonais Panasonic, principal fabricant de batteries pour véhicules électriques et gros fournisseur de Tesla, crée un millier d’emplois au Kansas dont il contribue à la revitalisation économique.

Au-delà des enjeux industriels et malgré ses défauts au regard de l’environnement, il est indéniable que la voiture continue de faire rêver, d’assurer un statut social envié et d’offrir la liberté du transport individuel.

Liberté très relative car la voiture électrique a besoin de points de recharge. Il y en a déjà par exemple 130 000 en France mais leurs tarifs varient de 1 à 9. Le ministre de l’industrie rappelle qu’on peut charger à la maison ou en entreprise. Et depuis que le gouvernement s’est mis à son tour à protéger le marché national et européen, les parts de marché de voitures chinoises ont fortement baissé. Exemple plus ancien, l’usine Toyota d’Onnaing déjà citée.

Sujet politique, l’automobile peut se révéler risquée, surtout quand elle dépend d’un constructeur étranger : le Chinois Great Wall Motor ferme son siège européen à Munich, met 100 employés à la porte à cause de résultats décevants sur le marché européen, qui reste le plus gros du monde.

C’est au reste la situation actuelle. Le marché du véhicule électrique va mal faute d’acheteurs, et c’est pourtant l’Europe qui constitue la cible principale des constructeurs chinois car la forteresse américaine est imprenable.

On ne déjeune pas avec le diable, même avec une très longue cuillère ?

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The electric vehicle : a recent story, but the automobile has always been a political issue.

It’s the talk of the day : the electric vehicle, a global battle that has been political ever since the internal combustion engine stood out.

The automobile first appeared - albeit as a prototype - with the Emperor of China in 1668, and was taken up by Cugnot with a steam engine in 1769, then by Bollée in 1873. The internal combustion engine and petrol made it a mass product with the birth of the Ford T, 500,000 of which were built in 1914. Henry Ford applied "Taylorism" to his factories, i.e. the breakdown of work into a small number of infinitely repeated operations. He declared : "Everyone can have a Ford T in the colour of their choice... as long as it’s black ! » The aim is to increase productivity for his own benefit : he becomes one of the richest men in the world.

Today, around 100 million individual cars are produced around the world every year.

It is also the car that makes the fortune of oil, refining of which began in the 1860s and became strategic with the Rockefellers, Drake and others.

Finally, the spread of the electric vehicle, which the public authorities are trying to promote in order to combat the greenhouse gases that are emitted mainly by means of transport, is now at the heart of a geopolitics whose history is currently being written.

The car is not alone, it is in competition with other means of transport : animal traction, which is still indispensable in many countries, the bicycle and the train, which came into being before the car, and now the aeroplane, which appeared only a little later, but also - and this is still partly futuristic - the flying taxi for flying over traffic jams.

China is counting on the "low-altitude economy" to restore growth to an economy that is currently slowing down. In Guangzhou and Shenzhen, a 1 billion dollar infrastructure investment plan should enable the new vehicles to do just that. Among their promoters are air transport specialists Airbus and Boeing.

In other news, a Sciences Po Paris webinar attended by the author of these lines recently indicated that the battle was mainly between China, Japan, South Korea and the American Tesla, with different strategies.

Japan is spreading the risk between electric, hybrid and internal combustion engines : it is continuing to invest in these, while others are favouring 100% electric cars.

In the longer term, 12 Japanese companies are joining forces to create ASRA (Advanced SoC Research for Automotive), announced on 28 December 2023, in order to prevent China from monopolising the market. The aim is to develop next-generation chips by 2028. In 2023, an electric car was made up of around 1,000 semiconductors. The role of technology is becoming increasingly critical. The automotive industry is perhaps the sector undergoing the greatest transformation. There is electrification, the promise of autonomous vehicles, and also the transition from hardware-defined to software-defined vehicles. All these developments logically require innovations in the field of electronics.

They are Toyota, Honda, Mazda, Nissan and Subaru on the carmaker side. Denso and Panasonic for component manufacturers. And Cadence Design Systems, Mirise Tech, Renesas Electronics, Socionext and Synopsys Japan for semiconductor specialists - Japan’s best in new technologies. A similar conglomerate exists in Europe. It is led by Imec in Belgium.

The market is also welcoming new entrants : Thailand (but in practice with a Chinese manufacturer), Indonesia, which is spreading the risks over 2 or 3 brands/sites (but not Tesla for the moment), and Vietnam, where there is no question of a Chinese manufacturer and which relies on the national producer VinFast.

In short, Asia is driving the rest of the world when it comes to electric vehicles.

Until the well-known adventure of Proton, the national car launched by Prime Minister Mahathir in 1985, supported by Japan’s Mitsubishi, which fell victim to the Asian crisis in 1997-98 and was then bought by China’s Geely, whose models it is selling in 2017 : its technological ambitions have been dashed, but Malaysia has become the 2nd largest market in South-East Asia after Indonesia, overtaking Thailand.

India, with its population now the largest on Earth, has a national manufacturer, Tata, whose cheap model is protected by import taxes of up to 100%. Tesla, whose prices are much higher, cannot compete.

Chinese manufacturers, on the other hand, manage to force their way in : for them, there is no small market and they are flooding the American market, for example with the Seagull priced at just $10,000. American manufacturers don’t care : with high import taxes, cars produced on American soil are protected by a 100% customs duty, which the European Union has just partly counterbalanced with a 38% duty - it was important not to frighten China too much, because European cars are also sold there, especially German ones.

In France, Toyota, whose imports could not be excluded from the market, has set up a plant near Valenciennes that is constantly growing and hiring new workers - younger and less demanding, which is causing debate among the Unions.

More generally, the global concern is access to resources : semi-conductors and other rare materials, consumption of which is increasing in proportion to production.

This is causing a conflict between two essential products. There is a need for more and more high-tech semiconductors, both for electric cars and for artificial intelligence, which consumes a great deal.

Perhaps, as the Guardian is delighted to see, we’ll have to drive around in a "Microlino", a small car that’s cheap and above all less polluting, like a number of other electric cars that are cheap because they’re light, which would be better suited to today’s traffic ; in any case, they would be on the way to overtaking the heavy SUVs that will occupy 50% of the market in 2023.

Whatever the price of an electric car, it also requires raw materials such as copper, lithium and nickel. So much so that, in the context of growing hostility between China and the United States, rare earths have been classified as "strategic products" that are banned to China because military applications could undermine national security.

Chinese companies have no qualms about exploiting resources all over the world - in the Gulf, Brazil, Africa, etc. - and realised this earlier than Washington, which has enabled them to dominate this market.

This is great news for the electricity companies, whose profits are soaring, but it poses a further challenge for the energy transition. We had anticipated the gradual switch from cars to electricity, but we had not foreseen that artificial intelligence would overtake it with such vigour.

Nor did we imagine that the United States would adopt an industrial policy on which Biden and Trump vie with each other in terms of protectionism, with the result that it is falling further and further behind in the "green technology" that electric cars are supposed to provide. In fact, imports of Chinese electric cars, led by BYD, have reached $34 billion and are threatening Tesla’s domination. American researcher David Wallace-Wells wonders whether the wall built around the national industry could be enough to win a trade war. Especially as China is not only the leader in batteries but also in renewable energies.

France has fallen behind in terms of electrification ; isn’t this partly due to the protectionist declarations of Jacques Calvet, Chairman of Peugeot from 1983 to 1997, who opposed in vain the creation of the single European market (Maastricht Treaty in 1992) and therefore national quotas ? Although Peugeot has expanded, notably by acquiring Citroën, it is now struggling to compete in the electric car market - without government subsidies, of course.

In this global battle, the Japanese manufacturer Panasonic, the leading manufacturer of batteries for electric vehicles and a major supplier to Tesla, is creating a thousand jobs in Kansas, helping to revitalise the economy.

Industrial issues aside, and despite its environmental shortcomings, there is no denying that the car continues to be a source of inspiration, of enviable social status and of freedom for individual transport.

This freedom is relative, because electric cars need recharging points. There are already 130,000 of them in France, for example, but their rates vary from 1 to 9. The Minister for Industry points out that cars can be charged at home or at work. And since the government took its turn to protect the national and European market, the market share of Chinese cars has fallen sharply. An older example is the Toyota plant at Onnaing, mentioned earlier.

A political issue, the automotive industry can be risky, especially when it depends on a foreign manufacturer : China’s Great Wall Motor is closing its European headquarters in Munich, sacking 100 employees because of disappointing results on the European market, which remains the world’s biggest.

And that’s exactly the current situation. The electric vehicle market is doing badly because of a lack of buyers, and yet Europe is the main target for Chinese manufacturers because the American fortress is impregnable.

You can’t have lunch with the devil, even with a very long spoon ?


Voir en ligne : https://www.gavroche-thailande.com/