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Bon 14 juillet !

vendredi 14 juillet 2023, par Yves

Bon 14 juillet/A good 14th July

Aujourd’hui, cet article est l’occasion d’inaugurer une nouvelle rubrique dans Gavroche : « Un jour, une histoire », toujours en Asie. Alors, comme il est de saison, c’est le moment d’évoquer le 14 juillet.

Quoi, le 14 juillet ? On connaît, les feux d’artifice, la parade militaire, les bals, l’été, les vacances, etc. Quel rapport avec l’Asie ?

Hmm, le 14 juillet, on croit le connaître mais est-ce bien sûr ?

On sait que le 14 juillet 1789 a été la prise de la Bastille, prison parisienne symbole de l’arbitraire royal – on y « embastillait » pas seulement des délinquants mais aussi des gens qui n’avaient commis d’autre méfait que de déplaire à l’absolu. Cet événement déjà sanglant marque le début de la Révolution française, qui permit toutes sortes de bouleversements – y compris la guillotine appliquée au Roi et à la Reine, objet encore de reproches – non seulement en France mais dans le reste du monde. Fils de la Révolution, Napoléon Bonaparte fut quelques années maître de l’Égypte puis d’une bonne partie de l’Europe avant d’être vaincu par les armées coalisées, de larges parties du Code Napoléon ou Code Civil sont encore en usage en France mais aussi jusqu’en extrême-Orient.

En fait, si on relit ses manuels d’Histoire, on y voit que le 14 juillet n’est devenu fête nationale qu’en 1880 dans une République qui avait été approuvée par l’Assemblée nationale à une voix de majorité en 1875.

Ce n’était ni la dernière République française ni le dernier tournant d’une Histoire qui en est pleine.

La République française, c’est aussi pour une large part le régime qui a engagé la colonisation et a par la suite réalisé la décolonisation, et cela nous ramène en Asie car l’Asie du Sud-Est en a fait partie avec l’Indochine coloniale.

Nous avons déjà consacré des articles le 17 janvier 2023 au Vietnam, le 26 décembre 2022 au Laos et le 1er septembre 2022 au Cambodge. Il n’est cependant pas inutile d’en rappeler les principales dates.

Le Vietnam a connu 80 ans de colonisation française (1862 – 1945) au sein de l’Indochine, les premières conquêtes y datent de 1858. La 2ème guerre mondiale est marquée par l’occupation japonaise de 1940 à 1945. Après la 2ème guerre mondiale, le gouvernement parisien a cru que la guerre permettrait de juguler l’indépendantisme dont les premiers mouvements avaient déjà commencé avant la guerre. Un pouvoir vichyssois ébranlé, une métropole qui n’arrivait pas à comprendre les aspirations indépendantistes débouchent sur une guerre qui prit fin avec la bataille de Dien Bien Phu (1954), victoire inattendue et sans appel du Viet Minh. Le relais a été pris par les Etats-Unis, vaincus à leur tour et qui ont dû accepter la réunification du Vietnam en 1975.

Au Laos, en 1861, l’explorateur Henri Mouhot (qui avait retrouvé les temples d’Angkor l’année précédente) arrive à Luang Prabang. Le Cambodge en 1863 signe avec la France un traité de protectorat qui se traduit rapidement par la domination de la puissance coloniale, qui prendra fin elle aussi en 1975.

C’est peut-être l’Exposition coloniale de 1931, en mettant en exergue un monde de 100 Millions de personnes, qui donne la mesure des attentes de la métropole.

Inaugurant l’Exposition, le ministre Paul Reynaud déclarait : « Mais cette œuvre ne peut être accomplie que si les indigènes participent au labeur et au profit. Les indigènes participeront au labeur et au profit. Les indigènes… nos associés. « Ne les traitez jamais en sujets mais en alliés », disait déjà Richelieu qui, comme Colbert, comme les plus grands ministres français, a été un grand colonial. »

En 1950, même à Paris, le défilé de la fête nationale était l’occasion d’évoquer le Vietnam parmi les guerres en cours : « le défilé populaire des ” organisations démocratiques “, associées au comité national des combattants de la paix, s’est déroulé comme de coutume de la Bastille à la Nation. On avait rajeuni les slogans. Aux mots d’ordre classiques : ” Paix au Vietnam. “, ” Des tracteurs et pas de canons. “, on ajoutait hier : ” La Corée aux Coréens. “, ” Bas les pattes devant la Corée. ” (Le Monde 17 juillet 1950).

Les trois pays de l’Indochine, s’ils n’ont pas été colonies de peuplement, ont gardé avec l’ex-Empire après l’indépendance un rapport particulier mais de plus en plus concurrencé.

Car la domination n’est pas l’apanage de la France. Dans ce qu’on appelle actuellement le « Sud mondial » (Global South) entre de plus en plus le souhait que les affaires du monde ne soient pas régies uniquement par l’Occident. Le G20, présidé cette année par l’Inde, est le théâtre de cette bataille d’opinion. Celui de 2022, présidé par l’Indonésie, a montré que de grands pays asiatiques avaient cette capacité.

Pour revenir à une Histoire encore récente, la guerre du Vietnam conduite massivement par les États-Unis qui sortaient à peine de la guerre de Corée, dans le contexte de la guerre froide, prit le relais de la guerre française.

Le Laos et le Cambodge, neutres, ont vu le Viet Minh passer sur leur territoire (« piste Ho Chi Minh ») jusqu’à ce que Washington fomente des coups d’État de généraux proches, laissant pilonner leur pays au point que les bombes à fragmentation américaines, dont on n’a pas fini de reparler, tombent chez eux, tuant et estropiant jusqu’à aujourd’hui villageois, femmes et enfants, car rien ne garantit que ces bombes sophistiquées ne feront pas pendant des décennies de nombreuses victimes civiles. Un jour où je me référais à la célèbre phrase de Kennedy « ne vous demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays », un éminent ami laotien m’a dit « n’évoquez jamais Kennedy dans ce pays, il a assumé la guerre du Vietnam et nous héritons de ses bombes ».

En France, d’où ces lignes sont écrites, si le 14 juillet ne fait pas l’unanimité, le Tour de France reste un événement extrêmement populaire, auprès de touristes du monde entier mais aussi d’autochtones dont certains n’hésitent pas à s’installer tôt le matin pour être sûrs de ne pas en rater une miette, malgré la chaleur et la rapidité avec laquelle passent les coureurs ; ils font aussi la promotion de leur région, brandissant son drapeau pour s’en faire les hérauts : le tour de France, ce n’est pas seulement Paris, il fait vraiment le tour de la France.

Ainsi cette année est-il passé par le pays basque, oui, le pays basque, espagnol puis français, pacifié après des attentats qui avaient dissuadé ses organisateurs. Le Tour d’avant prenait fin le 14 juillet, c’est maintenant un peu plus tard mais la fête nationale en reste marquée, au point que même pendant l’occupation nazie il s’est trouvé un journaliste collaborateur pour organiser son ersatz…

Cela nous éloigne de l’Asie ? Pas tant que ça car cet événement est mondial.

L’auteur de ces lignes a organisé maintes fois la fête nationale, qui coïncide en Asie avec des pluies intenses qui peuvent être dévastatrices : cela n’empêche pas d’y danser avec l’aide du champagne à volonté.

Au Japon, le 14 juillet est parfois concomitant d’un redoutable typhon mais miracle républicain, celui-ci s’était arrêté de sévir la dernière fois qu’il a participé à la traditionnelle garden-party. La chaleur, elle, n’a pas diminué, bien au contraire avec le réchauffement climatique, au point que beaucoup déjà préféraient au jardin les rares bouches d’air climatisé des salons…

Il y a belle lurette que le Ministère des affaires étrangères ne donne plus un sou pour la fête, il faut donc faire la chasse aux mécènes, ce qui n’est pas si difficile car ils considèrent comme un honneur d’être photographiés avec l’ambassadeur et l’ambassadrice devant le logo de leur entreprise.

Quand la communauté française est peu nombreuse, ce qui est généralement le cas en Asie du Sud-Est, ce mécénat suffit mais quand elle est plus abondante, il faut instaurer un numerus clausus, ce qui ne manque pas de susciter frustrations et récriminations.

En 2017, le Président français avait invité le Président Trump et fait jouer la fanfare pour lui, y compris sur un air d’inspiration américaine ; ça lui avait tellement plu qu’il a voulu faire de même à Washington mais, pas de chance, la parade militaire pour la fête nationale n’est pas dans les habitudes outre-Atlantique, au point d’ailleurs que certaines ambassades ne célèbrent pas leur fête nationale le 4 juillet : il pleut trop.

En France, la fête nationale, c’est le 14 juillet, ce jour reste sacré. Les récentes émeutes ont fait du traditionnel feu d’artifice une arme contre les forces de l’ordre, au point que le gouvernement les interdit en partie, malgré le désaccord de certains édiles qui souhaitent maintenir les festivités habituelles. Y aura-t-il encore des pétards pour célébrer la fête nationale ce soir là ?

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Article and survey
Hello to all readers. For once, I’m late, and writing not just about Asia.
What’s worse, many of you are on holiday, so is this a good time to be reading my foolish words ?

Indeed but geopolitics don’t stop, and my articles try to do just that, on Asia. So not on Ukraine and Russia or the Middle East. Although Russia is Eurasian, I’ve never been there and have no desire to travel in that country ; is that a reason to ignore what’s going on ? Of course, the TV channels are full of people who talk about places where they have never been, or where they have been so long ago that one wonders whether their analyses are still valid, but that doesn’t stop them from predicting what’s going to happen, and among them the military are very good at making plans for the last war - a good reason for the French army to lose it.
Well, if you aren’t already weary, I’m going to start with an opinion poll, it’s fashionable :

Do you get anything out of my articles ?
Is it worth continuing to write tem ?

As usual, the same article appears both on the Gavroche website (11,000 readers according to its editor), as well as in the e-mail I send you and finally on my website yvescarmona.fr. For technical reasons, it only sends out 110 emails a day, so it may take a few days.
Whatever the way it’s distributed, my article is free with no copyright, so it can be redistributed at will and - I hope - sometimes read. That’s why I’m translating it into English, as I’ve found that automatic translation has its limits.

An anecdote to end this introduction.
On 22 September 2022, in my article on Timor-Leste, I wrote :

"The leader of this struggle, won in 2002 by the recognition as a state of Timor Leste ? The fighter Xanana Gusmao (who died in 2015) and Jose Ramos-Horta (born in 1949 in Dili to a Portuguese father and a Timorese mother), winner of the Nobel Peace Prize in 1996, etc." Curiously, I had not translated these few words into English.
Thanks to ’The Economist’, I learn that Xanana Gusmao is not dead at all, since he has been Prime Minister again since 1st July - yes, Timor Leste is definitely a democratic country, but I’m unhappy with my mistake, a mistake shared by at least 200 readers, who are probably too busy to have noticed or only read English...
So I corrected it and my site reposted a corrected article from last year. I apologise for this palinody !

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Today’s article is the first in a new series in Gavroche : "A day, a story", as always in Asia. So, as is in season, it’s time to talk about the 14th July.
What about 14th July ? We’ve all heard of it, the fireworks, the military parade, the dancing, the summer, the holidays and so on. What’s that got to do with Asia ?

Hmm, we think we know all about 14 th July, but are we really sure ?
We know that on 14 July 1789, the Bastille was taken, a Parisian prison that symbolised royal arbitrariness - not just delinquents but also people who had committed no wrongdoing other than to displease the absolute ruler were "locked up". This already bloody event marked the beginning of the French Revolution, which led to all sorts of upheavals - including the guillotine for the King and Queen, which is still the subject of criticism - not only in France but throughout the rest of the world. The son of the Revolution, Napoleon Bonaparte was master of Egypt and then a large part of Europe for a few years before being defeated by the coalition armies. Large parts of the Napoleonic Code or Civil Code are still in use not only in France but also in the Far East.

In fact, if you reread your history textbooks, you’ll see that the 14th July only became a national holiday in 1880 in a Republic that had been approved by a one-vote majority in the National Assembly in 1875.

It was neither the last French Republic nor the last turning point in a history that is full of them.
The French Republic was also, to a large extent, the regime that initiated colonisation and subsequently led to decolonisation, and this brings us back to Asia, since South-East Asia was part of it, along with colonial Indochina.
We have already devoted articles to Vietnam on 17 January 2023, Laos on 26 December 2022 and Cambodia on 1 September 2022. However, it is worth recalling the main dates.

Vietnam underwent 80 years of French colonisation (1862-1945) within Indochina, with the first conquests dating back to 1858. The 2nd World War was marked by the Japanese occupation from 1940 to 1945. After the 2nd World War, the Parisian government believed that the war would make it possible to curb independence movements, which had already begun before the war. A shaken Vichy government and a metropolis that failed to understand the aspirations of independence led to a war that ended with the battle of Dien Bien Phu (1954), an unexpected and decisive victory for the Viet Minh. The United States took over, but were also defeated and had to accept the reunification of Vietnam in 1975.
In Laos, in 1861, the explorer Henri Mouhot (who had rediscovered the temples of Angkor the previous year) arrived in Luang Prabang. In 1863, Cambodia signed a protectorate treaty with France, which quickly led to domination by the colonial power, which also came to an end in 1975.

It was perhaps the Colonial Exhibition of 1931, by highlighting a world of 100 million people, that gave the measure of metropolitan France’s expectations. Inaugurating the Exhibition, Minister Paul Rey-naud declared :
"But this work can only be accomplished if the natives participate in the work and in the profits. The natives will share in the work and the profits. The natives... our partners. "Never treat them as subjects, but as allies", said Richelieu who, like Colbert and the greatest French ministers, was a great colonialist.”

In 1950, even in Paris, the National Day parade was an opportunity to evoke Vietnam among the wars in progress :
"the popular parade of the ’democratic organisations’, associated with the national committee of combattants for peace, took place as usual from the Bastille to the Nation. The slogans had been updated. In addition to the classic slogans : "Peace in Vietnam", “Tractors, not guns" yesterday they added : "Korea to the Coreens" and "Hands off Korea. "(Le Monde 17 July 1950).

The three countries of Indochina may not have been settlements, after independence they maintained a special but increasingly competitive relationship with the former Empire.

For domination is not France’s monopoly. In what is now called the "Global South", there is a growing desire for world affairs not to be governed solely by the West. The G20, chaired this year by India, is the scene of this battle of opinion. The 2022 G20, chaired by Indonesia, showed that major Asian countries have this capacity.

To go back to recent history, the Vietnam War, massively conducted by the United States, which had just emerged from the Korean War in the context of the Cold War, took over from the French war.
Laos and Cambodia, which were neutral, saw the Viet Minh pass through their territory ("Ho Chi Minh trail") until Washington fomented Coups d’Etat by generals close to them, allowing their countries to be shelled to the point where American cluster bombs, about which we have not heard the last, fell on them, killing and injuring villagers, women and children to this day, because there is no guarantee that these sophisticated bombs will not claim numerous civilian victims for decades to come. One day, when I was referring to Kennedy’s famous phrase "don’t ask yourself what your country can do for you, ask yourself what you can do for your country", an eminent Laotian friend said to me "never mention Kennedy in this country, he undertook the Vietnam war and we are inheriting his bombs".

In France, where these lines are being written, the Tour de France may not be universally acclaimed, but it remains an extremely popular event, not only with tourists from all over the world, but also with locals, some of whom don’t hesitate to set up camp early in the morning to make sure they don’t miss a thing, despite the heat and the speed with which the riders pass by ; they also promote their region, waving its flag and acting as its heralds : the Tour de France isn’t just about Paris, it’s really about France.
So this year it passed through the Basque country, yes, the Basque country, Spanish then French, pacified after attacks that had dissuaded its organisers. The Tour used to end on 14 July, now it’s a little later, but the national holiday is still marked by it, to the extent that even during the Nazi occupation, it so happened that a collaborationist journalist organised its ersatz...

Does that take us away from Asia ? Not so much, because this is a global event.
The author of these lines has organised the national holiday many times, which in Asia coincides with intense rainfall that can be devastating : but that doesn’t stop dancing with the help of unlimited champagne.
In Japan, 14th July sometimes coincides with a fearsome typhoon, but it was a republican miracle that the typhoon had stopped raging the last time he took part in the traditional garden party. As for the heat, it hasn’t abated, quite the contrary with global warming, to the extent that many people were already preferring the rare air-conditioning outlets inside living rooms to the garden...

It’s been a long time since the Ministry of Foreign Affairs donated a penny for the festival, so we have to go on the hunt for sponsors, which isn’t so difficult because they consider it an honour to be photographed with the ambassador and his wife in front of their company logo.
When the French community is small, which is generally the case in South-East Asia, this sponsorship is sufficient, but when it is more abundant, a numerus clausus has to be introduced, which inevitably leads to frustration and recrimination.

In 2017, the French President invited President Trump and had the brass band play for him, including an American-inspired tune ; he liked it so much that he wanted to do the same in Washington but, unluckily, the military parade for the bank holidays is not customary on the other side of the Atlantic, so much so that some embassies do not celebrate their national day on the 4th July : it rains too much.
In France, the national holday is on 14th July, and this day remains sacred. The recent riots have turned the traditional fireworks display into a weapon against the police, to the point where the government has partially banned them, despite the disagreement of some local councillors who wish to maintain the usual festivities. Will there still be firecrackers to celebrate Bastille Day that evening ?

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Back to the poll : did you like these few lines, did they bring you anything ?