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ASEAN et pays d’Asie du Sud-Est/ASEAN and South East countries

lundi 18 juillet 2022, par Yves

Il n’est pas simple de traiter des pays aussi dissemblables que ceux qui constituent l’ASEAN et celle-ci a du mal à dépasser cette contradiction.
It’s uneasy to compare all South East countries which are part of ASEAN and it is difficult for her to go over that contradiction.

(article écrit le 27/2/20022)

L’ASEAN et les pays d’Asie du Sud-Est : comment s’est passée 2021 ?

Traiter de l’ASEAN et surtout des 11 pays de la région n’est pas simple . L’ASEAN en réalité ne fait pas grand chose à part des statistiques et des plans d’action, bridée à l’égard des droits humains par le respect absolu de la souveraineté nationale. Comme le disait Igor Driesmans, ambassadeur de l’UE à Singapour lors d’un webinar ce 26 février, lutter efficacement contre l’inflation, c’est le rôle de la banque centrale européenne . L’ASEAN n’en dispose pas.
Quant aux pays d’Asie du Sud-Est, ils sont d’une hétérogénéité extraordinaire, entre la Birmanie qui n’a échappé depuis la deuxième guerre mondiale à la dictature que quelques années et l’Indonésie, la plus peuplée et plus démocratique, entre le Brunei, émirat pétrolier de 461 000 habitants à comparer avec le Vietnam, 97 Millions d’habitants qui retrouve la croissance, entre eux les différences de performances économiques sont considérables, souvent liées aux politiques menées contre la Covid, et quant aux données non-économiques – (politiques bien sûr mais aussi sociales) elles sont abyssales.
De cet ensemble que l’Asean n’a pas encore rendu plus solide, prisonnière qu’elle est de son principe d’unanimité, les lignes qui suivent tentent de donner une vue d’ensemble. Merci au lecteur de prendre cela avec distance.
Sur le plan politique, l’ASEAN s’est montrée incapable de résoudre le problème que pose la junte birmane.
Une théorie d’envoyés spéciaux (la dernière est Mme Noellen Hizer des Nations Unies) n’ont généralement pas pu négocier. Le dernier ASEAN en date devait s’y rendre le 18 février et le ministre cambodgien des affaires étrangères, Prak Shokonn en mars prochain. Il faudrait un miracle pour qu’ils obtiennent quoi que ce soit de la part d’un gouvernement qui ne tolère aucune critique.
Les pays d’Asie du Sud-Est ne font guère mieux car ils pensent avant tout à leur intérêt.
Leurs entreprises et plus encore celles qui investissent dans ce pays martyr ne veulent pas s’aliéner la junte. L’auteur de ces lignes se souvient qu’au milieu des années 90 venaient à Singapour les généraux qui s’y faisaient soigner car la médecine était (déjà) dans un état peu satisfaisant en Birmanie ; quant aux réfugiés, leurs activités étaient florissantes dans la « petite Rangoun » à condition, comme les autres, de ne pas faire de politique publiquement. Dans la cité-Etat, les affaires sont les affaires et ne sauraient être dérangées.
Car au carrefour du politique et d’autres considérations, c’est bien l’économie qui motive la région. La Covid a sévi là comme ailleurs et rien ne dit qu’on ait fini avec la pandémie. L’économie, si prospère auparavant, en a subi le contrecoup. La situation a été très mauvaise en 2020 et guère meilleure en 2021.
Les chiffres suivants qui regroupent population, capitale, PNB en 2021 ainsi que l’année précédente, et le PNB en USD per capita le montrent :

Thaïlande, Bangkok, 69,7 Mons d’h
PNB 546
 0,3 % (2021)
+7,6% (2020)
17287 per capita.

Birmanie, Nay Pi Daw, 54,8 Mons d’h.
PNB 66,74
 10
+1,69
4544 per capita.

Cambodge, Phnom Penh, 15,8 Mons d’h.
PNB 29,8
 3,1%
+7,1%
4192 per capita.

Laos, Vientiane, 7,2 Mons d’h.
PNB 19,9 Mds $
+0,4%
+5,5%
7806 per capita.

Vietnam, Hanoï, 97,6 Mons d’h.
PNB 290Mds
+5,22 %
-6,02 %
8200 per capita.

Malaisie, Putrajaya, 32,7 Mons d’h.
PNB 359
+3,6 % après -4,5%
26435 per capita.

Singapour, 5,7 Mons d’h.
PNB 390
+6,1
+7,5
93397 per capita.

Indonésie, capitale Jakarta, 270,2 Mons d’h.
PNB 1150
5,02%
3,51%
1445 Per capita

Brunei, capitale Dar Es Salam, 0,46 Mons d’h.
PNB 15.69

Philippines, capitale Manille, 110 Mons d’h.
PNB 379
+7,9%
 8,9%
7954 per capita.

Timor Oriental, capitale Dili,1,3 Mon d’h.
PNB 2
+22 ,73%
4031 per capita.

Elle est venue s’ajouter à un problème de plus en plus crucial, l’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine.
Les pays d’Asie du Sud-Est ont intérêt à ne pas choisir et n’aiment pas avoir à le faire car ils ont besoin à la fois des Etats-Unis pour leur sécurité et de la croissance chinoise.
Regardons maintenant l’histoire de ces pays en s’en tenant à ce qui s’est passé depuis la 2ème guerre mondiale. Là aussi, l’hétérogénéité est frappante car chacun de ces pays est par-dessus tout attaché à son identité, trouvant ses racines dans un passé très ancien. Elle repose sur plusieurs composantes : une histoire politique, la religion, une cohésion nationale souvent difficile à préserver et des langues fort diverses.

Histoire politique : ne parlons pas de la Birmanie où le coup d’Etat est quasi permanent ; un pays comme la Thaïlande, jamais colonisé, punit le crime de lèse majesté mais pas le général Prayud qui a pris le pouvoir par la force ; le Cambodge n’a mis fin au drame des Khmers Rouges que pour tomber sous la coupe de celui qui l’avait permis, le Premier ministre Hun Sen ; en Malaisie, le pouvoir est réservé aux « Bumiputra », fils du sol, ce qui en fait un exemple de prépondérance de l’identité ; à Singapour et Brunei, le pouvoir est de facto ou de jure héréditaire ; en Indonésie, qui est plus près d’une démocratie, le Président doit donner des gages aux extrémistes pour rester au pouvoir ; aux Philippines, le Président Duterte, ancien chef de la police, fait tirer à vue sur les trafiquants de drogue ; quant aux pouvoirs de type communiste donc à parti unique du Laos et du Vietnam, il est bien difficile de savoir ce qui se passe dans le cercle fermé d’une présidence collégiale.
Histoire religieuse : là aussi la diversité est de règle, entre les pays où elle n’existe quasiment pas comme la Malaisie et l’Indonésie et Singapour où une laïcité scrupuleuse pour ne pas dresser les communautés les unes contre les autres envoie en prison ceux qui ont insulté les musulmans. N’oublions pas non plus que les bouddhistes, de diverses appartenances, sont nombreux.

Cohésion nationale : elle est souvent difficile à préserver dans les Etats d’une certaine taille, des exemples de quasi sécession étant fournis par la Birmanie, la Thaïlande, la Malaisie et les Philippines ; dans un passé heureusement révolu ce fut le cas du Cambodge et de l’Indonésie. Les langues sont également d’une grande floraison entre les dérivés du sanskrit, du chinois, de langues europénnes sans parler de langues parlées dans chacune des ethnies.
Mais heureusement, les pays d’Asie du Sud-Est donnent aussi l’exemple du plurilatéralisme et ont ainsi contribué à créer de nombreuses instances de dialogue qui donnent crédit à « l’Asian Way » permettant à des conversations de se tenir en-dehors du cadre formel des réunions : création de l’ ASEAN et de l’Asean Regional Forum en 1967, de l’ ASEM en 1996, du Shangri-La dialogue en 2002, le seul avec la Wehrkunde de Munich à pouvoir rassembler autant de pays au niveau ministériel, le RECAAP en 2004 et enfin l’East Asia Summit en 2005. Il est frappant de voir que des pays aussi différents que ceux de l’ASEAN ont su garder la cohésion que celle-ci a instaurée.
On a peine à croire que 2022 puisse être aussi difficile sur le plan économique mais il reste à voir si le relâchement des règles est possible sans mettre en danger la sécurité sanitaire. Les médecins eux-mêmes ne savent pas comment la Covid va tourner. Le variant Omicron, bien que réputé moins dangereux, tue encore beaucoup, même dans des pays très développés. Une des tâches principales de l’Indonésie, qui préside le G20 en 2022 sera de veiller à ce que le Covax soit diffusé auprès des pays pauvres et il faut lui souhaiter bonne chance, c’est l’intérêt de tous en même temps que des personnes concernées.

Mais en dépassant la seule composante économique, les pays d’Asie du Sud-Est sont soucieux, et y parviennent assez bien jusqu’à présent, de maintenir la « centralité » de leur ensemble. C’est ainsi que le RECAAP permet à des pays qui entretiennent des relations peu amicales avec l’aide de puissances de la région d’assurer ensemble des patrouilles anti-piraterie distinctes mais coordonnées ; c’est aussi grâce à l’ARF que les Etats-Unis et la Corée du Nord ont pu s’asseoir autour de la même table ; c’est au « Shangri-la dialogue » tenu à Singapour que des pays au bord de la belligérance peuvent dialoguer quand ils ne se font pas la guerre ; c’est enfin grâce à l’ASEM que des pays aussi éloignés que la Chine et le Japon peuvent se dire leurs quatre vérités.
Certes, il ne s’agit que de se parler mais n’est-ce pas, comme d’autres crises le montrent, mieux que la guerre ?

***

ASEAN and South Eastern countries : how did they do in 2021 ?

To write about ASEAN and mainly about this area’s countries is not simple.

ASEAN in fact doesnt’t do much except statistics and blueprints for action, constrained as concerns human rights by its total respect of national sovereignty. As Ambassador of the European Union Igor Driesmans said in a webinar from Singapore on February 26, to fight efficiently against inflation is the role of the Central European Bank. ASEAN doesn’t have it.

As concerns the South-East Asia countries, their disparity is outstanding, whether between Myanmar which since WWII got out of dictatorship only briefly and Indonesia, the most populated and more democratic, between Brunei, an oil emirate with 461 000 inhabitants to compare with Vietnam, 97 Million people who are back to growth, between them the gap in economical performances is huge, very often depending on Covid policies, and when it comes to non-economic (political but also social) data, they are abysmal.

The following lines try to shape a broad view of this set ASEAN didn’t yet succeed in making a sound one, prisoner of the principle of unanimity. Thanks to the reader to take that with a grain of salt.

On the political level, ASEAN didn’t show any capacity to solve the problem of the Burmese junta.
A long line of special envoys (the last one is Mz Noellen Hizer of the United Nations) generally couldn’t go inside Burma. The last to date should have been there on February18th and the Cambodian minister of foreign affairs, Prak Shokonn is expected in March.

South-East Asia countries don’t do much better since they mainly think of their interests.
Their companies and overall those which invest in that martyr country don’t want to antagonize the junta. This writer remembers that in the mid 90s the generals came to Singapore to get a medical treatment because it (already) was not good enough in Burma ; as for the refugees, their activities were flourishing in “little Rangoon”, provided – like anybody else – they wouldn’t do any public politics. In the city-State, business is business and should not be disturbed.

Because at the crossroad between politics and other issues, the biggest motivation of this region is economy. Covid has affected it like anywhere else and nobody knows when this pandemics will stop. Economy, so much booming before, has suffered its effects. The situation was very bad in 2020 and hardly better in 2021.
The following figures which concern population, headtown, GNP in 2021 as well as a year before and GNP per capita show.

It added to a more and more critical issue, the struggle between the United States and China.
The South Asian countries have no interest in choosing and dislike to do it because they need altogether the United States for their safety and China’s growth.

Let us look now at their history standing by to the wake of World War II.
In that area too, heterogeneity is striking since every country is above anything else attached to its identity, basing its roots on a long history. It relies on many components : a political history, religion, a national cohesion which is often difficult to secure and very diverse languages.

Political history : let’s not talk about Myanmar where the coup is almost permanent ; a country like Thaïland, never a colony, punishes words against the King but not general Prayud who seized the power by force ; Cambodia put an end to the Khmers Rouges massacre only to fall under the thumb of the one who had allowed it, Premier minister Hun Sen ; in Malaysia, the power is reserved to “Bumiputra”, sons of the soil, which makes it an example of identity’s prevalence ; in Singapore and Brunei, power is either de facto or de jure hereditary ; in Indonesia, which is closer to a democracy, the President has to give favorable gestures to extremists to keep his power ; in Philippines, President Duterte, a former police chief, allows police officers to shoot drug dealers ; as for communist powers like Laos and Vietnam, it is very difficult to know what is happening inside the collegial presidency.

Religious history : diversity there too is a rule between countries which almost deny it like Malaysia as well as Indonesia and Singapore where a scrupulous laïcity, to prevent communities to struggle against each other, sends to jail those who insult Muslims. Let’s not forget there are also many Buddhists of various affiliations.
National cohesion : it is ofen difficult to preserve in big enough states, quasi secession examples could be found in Myanmar, Thaïland, Malaysia and Philippines ; in a fortunately bygone situation, it has been the case in Cambodia and Indonesia. Languages are also flowering between those who derived from Sanskrit, Chinese and European languages, not to mention languages spoken in every ethnic group.

But fortunately, South East Asian countries also give an example of plurilateralism and thus have been contributing to create many forums of dialogue which give credit to the “Asian way” by allowing for conversations to take place outside the official meetings : creation of the ASEAN and the ARF (Asian Regional Forum) in 1967, of the ASEM in 1996, of the Shanri-La dialogue in 2002, the only one besides Wehrkunde in Munich to be able to gather so many countries at the ministerial level, RECAAP in 2004 and finally the East Asia Summit in 2005. It’s very baffling to see how the ASEAN countries are so different, yet they are somehow bound by the cohesion it started.

It is hard to believe that 2022 might be as bad as the previous years on economic terms but it remains to be seen if it will be possible to relax policies without jeopardizing the sanitary safety. The doctors themselves don’t know what will happen with Covid. Omicron variant, although told to be less dangerous, is still killing even in very developed countries. One of the most important tasks of Indonesia, which presides the G20 in 2022, will be to see that Covax is distributed in poor countries and luck for her should be wished, it is the interest of everyone as well as the one of those concerned.

But going further than the economic dimension, East Asian countries are keen to preserve the “centrality” of their grouping and they have succeded so far to be in the driving seat. That’s why RECAAP enables countries which maintain not so friendly relationships to fight piracy, with the support of other regional powers ; it is also thanks to the ARF that the United States and North Korea could sit at the same table ; it is in the “Shangri-La dialogue” held in Singapore that two countries at the verge of being at war can have a dialog ; finally, it is thanks to ASEM that countries so far from each other as China and Japan can tell each other their truth.

Yes, they are only talk shops, but isn’t it, like other crisis demonstrate, better than war ?