Aung San

ASSK [1] bien sûr ? Bon, elle sera évoquée bien sûr mais dynastie oblige, c’est sur son père le major général Bogyoke [2] Aung San que cet article est centré.

Il faut le rappeler, leur pays, la Birmanie, n’a guère connu la démocratie.

Tantôt occupant, tantôt occupé, d’une grande complexité - les « minorités ethniques » y représentent au moins 30% de la population et les religions y ont toujours été multiples - envahisseur ou envahi, le pays [3] a été progressivement colonisé par les Britanniques, d’abord à l’aide du Siam à partir de 1824 alors que d’autres pays de la région l’ont été bien avant lui [4] et il a tout fait pour se défendre contre ses nombreux voisins. Mais la Birmanie est devenue une province de l’Empire « sur lequel le soleil ne se couche jamais » [5] avec pour capitale Rangoun en 1886.

Ce survol historique tente d’éclairer plusieurs étapes par lesquelles ce pays aux nombreux voisins et religions, qui a peu connu la démocratie et changé plusieurs fois de capitale, est déjà passé.

Aung San naît dans la province orientale de Natmauk, dans le contexte de la montée du nationalisme birman, l’économie du pays étant accablée à la fois par la dépendance de l’Empire britannique et par les taxes qu’impose la nouvelle administration qui se double de la confiscation par des Indiens, secondant les Britanniques [6], de postes de dirigeants.

Il vit dans une famille anti-colonialiste, au point pour certains d’être décapités [7] par les Britanniques, entre à l’Université en 1932, ce que lui permet son niveau social, mais après avoir adhéré à un mouvement nationaliste, il crée un syndicat étudiant anti-colonialiste en 1936 auquel il se voue, abandonnant ses études de droit en 1937, et le restera toute sa vie. En 1938, le mouvement anti Britannique mène à la Révolution des 1300 [yc1] bientôt beaucoup plus nombreux, l’un deux meurt à Rangoon et 17 à Mandalay, Aung San reste 15 jours en prison.

Il est secrétaire général d’un mouvement communiste en août 1939 mais à l’explosion de la guerre en Europe le 1er septembre 1939, il forme le « Freedom Block » et déclare inacceptable l’entrée en guerre de la Birmanie sans discussion ni consultation des textes légaux, rejoint le « Burma Revolutionnary Party », branche secrète de la Dobama Asi Ayone et se rend en Inde où il rencontre Gandhi et Nehru, ce qui lui vaut d’être arrêté avec eux par les Britanniques.

A la recherche de soutiens armés à l’indépendance, il prend contact avec le Japon qui repose notamment sur le colonel Suzuki, chargé de rassembler des informations en vue de l’invasion du pays. Aung San et 29 autres indépendantistes débarquent sur l’île de Haïnan administrée par les Japonais depuis 1939 pour y recevoir un entraînement militaire.

Le 6 septembre 1941 a lieu une conférence où l’invasion de la Birmanie est décidée, en préliminaire à l’entrée en guerre du Japon contre les Etats-Unis, la Grande Bretagne et les Pays-Bas. Suzuki y fait venir les indépendantistes y compris 200 thaï d’origine birmane et cette armée prend la route de Mae Sot, avec l’essentiel des troupes Japonaises d’invasion.

Fin 1941, l’armée nippone envahit la Birmanie et met sur pied une autorité nationale birmane et un parti unique dont Thakin Nu est le secrétaire général. Le 1er août 1943, lorsque le gouvernement birman pro-nippon est constitué, avec Ba Maw comme leader, Nu devient ministre des Affaires étrangères et le général Aung San ministre de la Guerre. En août 1944, cette jeune équipe, nationaliste mais de gauche, crée une sorte de Front national, la Ligue antifasciste pour la liberté du peuple (Anti-Fascist People’s Freedom League, AFPFL) et, sentant le vent tourner, prend contact secrètement avec les Alliés.

L’AFPFL contribue à la reconquête du pays par les Britanniques qui, face au puissant mouvement nationaliste, semblent disposés dès 1946 à accorder, sous certaines conditions, l’indépendance à la Birmanie. En septembre 1946, Aung San devient président de l’AFPFL, Nu le vice-président et ils expulsent de la Ligue les communistes qui s’opposent à toute négociation avec Londres. Aung San signe avec Clement Attlee le 27 janvier 1947 le traité anglo-birman : l’indépendance sera accordée dans un délai d’un an et le pouvoir sera transféré à un gouvernement démocratique issu d’élections libres. Nu est président de l’Assemblée constituante élue le 9 avril 1947, mais avant même que la Constitution soit adoptée, Aung San est assassiné, le 19 juillet.

Sa fille est née et lui succèdera.

ASSK ne se comprend pas sans sa famille.

« The Lady » est née en 1945 dans une famille aisée. Elle aurait pu se contenter de faire des études supérieures à Oxford où elle a connu Michael Aris (1946-1999), éminent tibétologue avec lequel elle s’est mariée en 1972 mais elle est devenue en 1990, à la tête de la LND [8] , l’héroïne non-violente de la résistance de son peuple à la junte au pouvoir lors d’un soulèvement et s’est vu accorder le prix Nobel de la Paix en 1991. Assignée à résidence dans sa maison du lac, elle n’en est libérée qu’en 2010 sans avoir revu son mari avec lequel elle a eu deux enfants : mort à Oxford en 1999.

Comme on sait, libérée sous contrainte [9] , elle a de nouveau été mise en résidence surveillée en 2021 et la junte lui a intenté suffisamment de procès pour qu’elle y finisse ses jours. Au moins n’est-elle pas comme tant d’autres Birmans tuée, protégée sans doute par sa réputation mondiale [10]. Elle refuse de partir, sachant très bien que la junte ne la laisserait pas revenir.

Pourquoi un tel sacrifice de soi alors qu’elle aurait pu se contenter de faire de brillantes études en Angleterre et n’est rentrée en Birmanie qu’en 1989 voir sa mère, vieillissante ? A la fois parce qu’elle a vu la situation insupportable de son peuple et aussi parce qu’étant la fille de son père et bien que l’ayant à peine connue directement, elle a hérité de lui le courage indomptable qui a valu à celui-ci l’assassinat et vaudra à ASSK, peut-être, la détention à vie.

Élue députée deux ans après son assignation à résidence, à l’issue des élections partielles de 2012, elle mène son parti à la victoire aux législatives de 2015, organisées plus librement que les précédentes. L’année suivante, alors qu’une disposition constitutionnelle [11] l’empêche de devenir présidente de la République, elle est nommée ministre des Affaires étrangères, conseillère spéciale de l’État et porte-parole de la Présidence, sa position étant celle d’un chef de gouvernement de facto.

Bien que la Birmanie ait entamé une transition démocratique, le gouvernement auquel elle participe doit composer avec une armée toujours très puissante, ne serait-ce que parce que la Constitution de 2008 lui réserve un certain nombre de sièges.

ASSK est d’abord birmane. Elle a déçu l’opinion publique occidentale parce que Ministre de facto des affaires étrangères, elle a soutenu devant la Cour internationale de La Haye la position de la junte selon laquelle les Rohingyas, musulmans, ne sont pas birmans. [12] Pas libre, comme les faits n’ont pas tardé à le montrer, ou sincèrement convaincue que les traitements inhumains infligés à ce peuple musulman ne sont pas l’affaire de la Birmanie ?

En février 2021, quelques mois après des élections ayant renforcé sa majorité au Parlement, elle est renversée par un coup d’État militaire, situation qui ne fait que s’aggraver.

Enfin, le général Aung San doit également être perçu dans son environnement politique.

L’anticolonialisme reste plusieurs années le plus fort et c’est U [13] Nu (1907-1995), son successeur jusqu’en 1956 qui proclame l’indépendance en 1947, mais avec face à lui une insurrection communiste et une de minorités contre laquelle il faut appeler à la rescousse notamment le général Ne Win qui établira sa dictature en 1962. U Nu est un socialiste neutraliste, un des organisateurs de la conférence afroasiatique de Bandoeng (1955) qui reste fondatrice du non-alignement.

Dag Hammarskjöld, économiste suédois de 47 ans, le plus jeune que l’Organisation des Nations Unies ait connu, en a été secrétaire général de 1953 à 1957 et réélu jusqu’à sa mort dans un « accident » d’avion au Congo belge en 1961 alors qu’il essayait d’être l’intermédaire de négociations entre le gouvernement central et les rebelles après avoir créé les forces de maintien de la paix (PKO). Cela déplaisait à certains : un témoignage de 2011 affirme que l’accident était un meurtre.

Son successeur a été le birman U Thant de 1961 à 1971. Il est mort d’un cancer et était tellement détesté par le général Ne Win, dans son refus de lui rendre honneur, que son cercueil a été porté par un groupe d’étudiants sur les lieux où Ne Win avait fait détruire en 1962 les locaux de l’Union des étudiants. En ce temps-là, le Secrétaire Général des Nations Unies prenait des risques, notamment celui du compromis, et c’est aussi en cela que la Birmanie d’aujourd’hui est concernée.

Commentaires : Le sort funeste de la Birmanie sous la junte ne cesse de s’aggraver sous l’effet d’une répression plus féroce que jamais, de la fuite des Birmans quand ils le peuvent, de la Covid qui là comme ailleurs n’est pas terminée mais aussi des cyclones d’une gravité particulière dans ce pays démuni faute d’un traitement efficace par l’autorité politique alors que la Birmanie est si belle, de la montée des eaux, etc.

Tout ce qu’on peut espérer, c’est qu’un regard sur le passé aide à mieux comprendre ce pays ruiné et permette un autre avenir.

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Aung San.

ASSK (1) of course ? Well, she will be raised, dynasty is a must but this paper is mainly about her father, Major General Bogyoke (2) Aung San.
Should it be recalled, Burma (3) their country has a small experience in democracy.
A very complex country – “ethnic minorites” represent roughly 30% of the population and religions at all times have been numerous – invador or invaded, it has been colonised by the British, first together with the help of Siam while other countries in the area were already for a while, it tried as much as it could to defend itself against all his neighbours (4). But Burma in 1886 became part of « the empire on which the sun never sets” (5) with Rangoon as the headtown.
This historical survey tries to shed light on steps that country with many neighbours and religions, which has not been accustomed to democracy and changed headtowns many times has gone through.
His family is anti-colonialist, to the point for some of being beheaded by the British, he enters the university in 1932 which is allowed by his social level, but after subscribing to a nationalist movement, he creates in 1936 a student’s Nationalist Union to which he dedicates himself, giving up with his law studies in 1937 for the rest of his life. In 1938, the anti-British movement leads to the “1300 Revolution”, their numbers quickly increasing, one dies in Rangoon and 17 in Mandalay, Aung San stays 15 days in jail.
Aung San is born in the Eastern region of Natmauk, in the context of Burmese nationalism, the conutry’s economy being burdened together by the dependency on the British Empire and taxes the new administration imposes and with the confiscaton by Indians, siding with the British (6), of leaders’ domination.
His family is anti-colonialist, to the point for some to be beheaded by the British, he enters University in 1932 which his social level allowes, but after subscribing to a nationalist movement, he creates in 1936 a student’s nationalist union which he engages, giving up with his law studies in 1937 for the rest of his life. In 1938, the anti-British movement leads to the “1300 Revolution”, their numbers quickly increasing, one dies in Rangoon and 17 in Mandaly, Aung San stays 15 days in jail.
He is the general Secretary of a communist movement in August 1939 but when the war in Europe starts on the 1st September 1939, he creates the “Freedom Block” and declares the participation of ,Burma to that war without consultations or legal texts is not acceptable, joins the “Burma Revolutionnary Party”, a secret branch of Dobama Asi Ayone and goes to India where he meets Gandhi and Nehru and is arrested with them by the British.
1/ Aung San Suu Kyi.
2/ Honorary title.
3/ Burma or Myanmar.
4/ Burma always had good warriors, whether for the best or for the worst.
5/ That wording was borrowed from Spain’s Carolus Quintus.
6/ They practiced in their Empire « indirect rule ».
7/ Including his grand-uncle among the first.

Looking for armed support to the independence, he contacts Japan which relies mainly on colonal Suzuki, who is tasked to gather informations to prepare the invasion of the country. Aung San and roughly 220 other independentists land on Hainan island, which has been occupied by the Japanese since 1939, to get military training.
On the 6th September 1941, the invasion of Burma is decided in a conference, as a preliminary to the start of the war of Japan against the United States, the United Kingdom and the Netherlands. Suzuki invites independantists includnig 200 Thaïs with a Burmese background and that army takes the road to Mae Sot, with the invading Japanese army.
In the end of 1941, the Japanese troops invade Burma and set up a Burmese national authority and a single party whose general Secretary is Thakin Nu. On the 1st August 1943, when a pro-Japanese Burmese government is made up, with Ba Maw at his head, Nu becomes minister of Foreign Affairs and general Aung San is minister. In August 1944, that young team, nationalist but left-leaning, creates a kind of National Front called the “Anti-Fascist People’s Freedom League” (AFPFL).
The AFPFL helps reconquer the country with the British who, facing a powerful nationalist movement, seem ready to provide, under some conditions, independence to Burma. In September 1946, Aung San becomes the President of AFPFL, Nu Vice -President and they expel the communists, who oppose any negotiation with London, from the League. Aung San signs on 27 Jan 1947 with Clement Attlee the Anglo-Burmese Treaty : independence will be provided within one year ant the power transferred to a democratic governement from free elections. Nu is the President of the constituent assembly on 9 April 1947, but even before the Constitution is adopted, Aung San is murdered on the 19th July.
His daughter is born and will succeed him.
ASSK cannot be undersood without her family.
“The Lady” was born in a well-to-do family. She could have been just pursued higher education in Owford where she met Michael Aris (1946-1999), a renowned specialist of Tibetan studies whom she married in 1972 but she became in 1990, as the head of the LND (8), a non-violent heroine of resistance of her people to junta in an uprising and was given the Peace Nobel prize in 1991. Under house arrest since july 1989 in her lake house, she was freed only in 2010 without meeting again her husband with whom she had two children : he died in Oxford in 1999.
As it is well known, she was freed with conditions (9) and again under house arrest in 2021 and she has been sued so many times that she can finish her life there. At least, like many other Burmese, she was not killed, probably protected by her world-wide fame (10).
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8/ She was part of the foundation of the LND in 1988.
9/ The junta-decided Constitution reserves to the Army a certain number of seats.
10/ Some diplomats contributed to it by pretneding that she spoke to their ear, a brilliant accelaarator of their career…
Why such a self-sacrifice whereas she could have just pursued high level studies in England and she only came back to Burma in 1989 to see her aging mother ? Together because she saw the unbearable situation of her people and also because being her father’s daughter, and although she hardly met him directly, she inherited from him indomitable courage which earned him assassination and ASSK, maybe, life arrest.
She was elected as a parlementarian two years after being in house-arrest following by-elections in 2012 and led her party to victory at the general elections in 2015 which were more freely organized than the previous ones. The following year, as a constitutional provision forbid her to be President of the Republic, she was appointed as the minister of Foreign affairs (11), special counselor to the State and spokesperson of the Presidency, her position being de facto equivalent of a chief of government..
Although Burma began a democratic transtion, the government she belongs to must cope with a very powerful Army, not least because the 2008 Constitution reserves a certain number of seats for it.
ASSK is first Burmese. She disappointed the Western public opinion because as a minister of foreign affairs, the adopted before the Hague’s International Court the junta’s position according to which muslim Rohingyas are not Burmese. Not free, as later events showed, or sincerely convinced that the inhuman treatment inflicted to this Muslim people is not the concern of Burma ?
In Feb 2021, a few months after the elections which made her majority in Parliament stronger, she was brought down by a military coup and it is getting worse by the day.
Finally, general Aung San must also be percieved in his political environment.
Anti-colonialism remained for many years the strongest and U (13) Nu (1907-1995), his successor till 1956 proclaimed independence in 1947, but facing a communist rebellion and a minorities one. To fight it, he had to call for help in particular general Ne Win who will become a dictator in 1962. U Nu is a neutralist socialist, one of the organizers of the Afro-Asian conference of Bandoeng (1955) which still is considered as the foundation of non-alignment.
Dag Hammarskjöld, a 47 years old Swedish economist, the youngest the UN has ever had, was it’s secretary general from 1953 to 1957, then reelected until his death in an “accidental” plane crash in 1961 in the Belgian Congo while he tried to be a broker between the central government and the rebels, after founding the Peace Keeping Organization (PKO). That displeased many : a 2011 witness claims that the accident was a murder.
He was succeeded by the Burmese U Thant from 1961 to 1971. He died from cancer and was so much hated by general Ne Win, who refused to pay tribute to him, that his coffin was carried by a group of students to the very location of premises of the students Union Ne Win had destroyed in 1962. In those times, the Secretary General of the United Nations took risks, including the one of compromises, and that is also a matter of concern in nowadays Burma.
Comments : The tragic fate of Burma is getting worse and worse with a more butal than ever repression, Burmeses escaping when they can, Covid which there like in other places is not over and also cyclones with particular consequences in that country, impoverished by an inept political authority while Burma is so beautiful, by rising waters and so on.
All hope is that to look candidly to the past well allow a better understanding of that ruined country to allow for a better future.
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11/ Having married to a foreigner.
12/ This author heard the same position when he stood in Laos (2012 -2015).
13/ Honorific title.