Une conférence d’Hubert Védrine

Le 5 mars 2025 Hubert Védrine Espace Ausone.

L’auteur de ces lignes avait lu sur liseuse des extraits du « dictionnaire amoureux de géopolitique ». M. Védrine, ancien ministre des affaires étrangères, l’a présenté à l’espace Ausone de la libraire Mollat devant une salle comme d’habitude comble.
L’intervieweur Jean Pétiaux et donc lui-même ont surtout évoqué l’Ukraine. Celle-ci constitue une nouvelle entrée dans cette édition d’un dictionnaire géopolitique déjà paru en 2021 et a été naturellement au centre de cette conférence –il faut laisser à des spécialistes du monde russe le soin de l’évoquer et relater essentiellement les propos qui concernent l’Asie.
A noter qu’il y a 30 ans déjà, Kissinger et Brzezinski, conseiller à la sécurité nationale de Jimmy Carter (1977-1981), pour une fois d’accord, avaient déjà proposé que l’Ukraine soit neutralisée, donc ce débat existe aux Etats-Unis depuis au moins 30 ans.
Il a d’ailleurs alimenté les thèses de Francis Fukuyama en 1992 sur la « fin de l’histoire » puis de Samuel Huntington en 1996 sur le « choc des civilisations » dont le Président Chirac disait qu’il ne fallait surtout pas qu’il se produise. Aujourd’hui, les foucades du Président Trump provoquent l’affolement de la fourmillère européenne car l’Union europénne n’a pas de compétence en matière de défense.
S’agissant plus précisément de l’Asie, le conférencier a évoqué la Chine et Taiwan ainsi que les BRICS en réponse à des questions.
Xi Jin Ping est un vrai problème. A l’âge de 34 ans, Hubert Védrine, conseiller diplomatique du Président Mitterrand, était son preneur du notes et Xi Jinping, encore jeune membre du PCC, était lui aussi présent en entretien, ce qui vaut au conférencier un grand prestige auprès des Chinois qu’il rencontre.
Le « Piège de Thucydide » (Thucydide’s trap) va-t-il conduire la Chine à faire la guerre à Taiwan demande son intervieweur ? Il n’est pas sûr que Xi Jinping attaque, compte tenu du coût humain et matériel d’une guerre à Taiwan, pas facile à conquérir, alors que la cyber guerre et la relocalisation de l’entreprise taiwanaise TSMC qui fabrique les meilleures puces du monde pourraient suffire.
Il est d’autant moins sûr qu’une telle guerre soit déclenchée que le Président Trump n’aurait pas non plus forcément envie de venir au secours de l’île alors que l’adversaire principal, c’est la Chine et que pour le moment, il s’efforce plutôt de revenir à une Amérique du 19ème siècle (MAGA dit son slogan) : conquête de l’Ouest en chassant les Indiens autochtones, doctrine de Monroe en 1823 interdisant aux Européens d’intervenir dans les affaires d’Amérique latine, guerre contre l’Espagne (1898) conduisant celle-ci à reconnaître l’indépendance de Cuba et à céder les Philippines, Porto Rico et Guam.
Autre question, la guerre menée par la Russie en Ukraine la met dans la main de la Chine, grave erreur de calcul de Poutine. Ne pourrait-il s’agir d’asseoir un peu plus l’influence chinoise au sein des BRICS qui deviendraient des BICS ? En tout cas, la Russie s’est dissociée de la Chine dont l’intérêt n’est pas de reconnaître une conquête rejetée par la « communauté internationale » même si, par ailleurs, M. Védrine met en doute son existence.
Conclusion : dans une situation géopolitique qui évolue chaque jour, il était salutaire d’entendre le conférencier rappeler l’importance de l’Histoire – il a évoqué la bataille de Qadesh 1274 avant JC – tout en signalant que le « vainqueur » Ramsès II ne l’était pas forcément car c’est lui qui raconte une bataille qu’il a peut-être perdue contre les Hittites ! Car l’Histoire est « ce mensonge sur lequel nous nous sommes mis d’accord, selon Napoléon » écrit-il dans sa Préface.
Et c’est pourtant cette Histoire fragile qui se poursuit et il faut s’appuyer sur elle pour mieux comprendre le présent.
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5 March 2025 Hubert Védrine Espace Ausone

The author of these lines had read excerpts from the ‘dictionnaire amoureux de géopolitique’ on his reader. Mr Védrine, a former minister of foreign affairs, presented the book at the Mollat bookshop’s Espace Ausone to what was, as usual, a packed house.
The interviewer, Jean Pétiaux, and himself in particular spoke about Ukraine. The Ukraine is a new entry in this edition of a geopolitical dictionary already published in 2021, and was naturally at the centre of this conference - it should be left to specialists in the Russian world to talk about it, and mainly the remarks concerning Asia will be reported.
It should be noted that 30 years ago, Kissinger and Brzezinski, Jimmy Carter’s national security adviser (1977-1981), for once in agreement, had already proposed that Ukraine be neutralised, so this debate has been going on in the United States for at least 30 years.
In fact, he fuelled Francis Fukuyama’s theses on the ‘end of history’ in 1992 and Samuel Huntington’s on the ‘clash of civilisations’ in 1996, which President Chirac said should never happen. Today, the outbursts of President Trump are causing panic in Europe, because the European Union has no competence in defence matters.
Turning more specifically to Asia, the speaker mentioned China and Taiwan, as well as the BRICS, in response to questions.
Xi Jin Ping is a real problem. At the age of 34, Hubert Védrine, President Mitterrand’s diplomatic adviser, was his note-taker and Xi Jinping, still a young member of the CCP, was also present for the interview, which earned the speaker great prestige with the Chinese he met.
Will ‘Thucydides’s trap’ lead China to wage war on Taiwan, asks his interviewer ? It is not certain that Xi Jinping will attack, given the human and material cost of a war in Taiwan, which is not easy to conquer, whereas cyber warfare and the relocation of the Taiwanese company TSMC, which manufactures the best chips in the world, could suffice.
It is even less certain that such a war will be launched, as President Trump would not necessarily want to come to the island’s rescue either, given that his main adversary is China and that, for the moment, he is striving to return to 19th century America (MAGA, as his slogan says) : conquest of the West by driving out the indigenous Indians, the Monroe Doctrine in 1823 forbidding Europeans to intervene in Latin American affairs, war against Spain (1898) leading the latter to recognise Cuba’s independence and cede the Philippines, Puerto Rico and Guam.
Another question : Russia’s war in Ukraine has put it in China’s hands, a serious miscalculation on Putin’s part. Could it not be a question of consolidating China’s influence a little more within the BRICS, which would become the BICS ? In any case, Russia has dissociated itself from China, whose interest does not lie in recognising a conquest rejected by the ‘international community’, even if Mr Védrine doubts its existence.
Conclusion : in a geopolitical situation that is changing every day, it was salutary to hear the lecturer remind us of the importance of History - he mentioned the battle of Qadesh 1274 BC - while pointing out that the ‘victor’ Ramses II was not necessarily the ‘victor’, because it is he who is recounting a battle that he may have lost to the Hittites ! History is ‘that lie on which we have agreed, according to Napoleon’, he writes in his Preface.
And yet it is this fragile History that continues, and we must rely on it to better understand the present.