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Nouveaux regards sur l’Asie : Où va la...
dimanche 20 avril 2025, par
Nouveaux regards sur l’Asie :
Où va la Thailande ?
Where is Thailand headed ?
NOUVEAUX REGARDS SUR L’ASIE
L’Asie du Nord-Est dans
l’attente de Trump
Yo-Jung CHEN,
Ancien diplomate français
Où va la Thaïlande ?
Yves Carmona,
Ancien diplomate français
Entretien Nouveaux Regards
Katia Buffetrille,
Ethnologue, tibétologue et professeur
émérite à l’EPHE
Editorial
Courrier adressé le 21 février 2025 par le
président des États-Unis à tous les
départements concernés de l’Administration
américaine dont certaines dispositions sont
susceptibles d’affecter les investisseurs
américains ou même étrangers, « qui ne se
distancieraient pas des pratiques prédatrices
d’investissement et d’acquisition de
technologies conduites par la Chine », ici
qualifiée (au même titre que les Régions
Administratives spéciales de Hong Kong et de
Macao) de « foreign adversary » (au même
titre que Cuba, l’Iran, la Corée du Nord, la
Fédération russe et le Venezuela).[3]
Sont entre autres concernés, les
investissements dans les secteurs chinois des
semi-conducteurs, de l’inteligence artificiele,
du quantique, des biotechnologies, de
l’hypersonique, de l’aérospatial, et de l’énergie
dirigée (tels que lasers et micro-ondes).
On le voit bien, c’est le complexe militaro
industriel chinois avec ses avancées
spectaculaires enregistrées au cours des
dernières décennies qui est ici visé. De même
qu’il s’agit pour Donald Trump de restreindre
sur le sol américain les investissements des
« personnes affiliées à la République Populaire
de Chine » dans les domaines des
technologies, des infrastructures critiques, des
soins de santé, de l’agriculture, de l’énergie,
des matières premières, et « autres secteurs
stratégiques ».
Le président américain pourrait ne pas
s’arrêter là, et suspendre ou mettre fin à,
comme il l’indique dans ce Mémorandum,
l’accord bilatéral de 1984 (également signé
par la France à la même date avec la RPC) en
vue d’éviter les doubles impositions et de
prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts
sur le revenu, « considérant que cet accord au
même titre que l’admission de la Chine à
l’OMC et l’engagement connexe des États
Unis d’accorder sans conditions à Pékin le
traitement de la nation la plus favorisée pour
ses biens et ses services ont conduit à la
désindustrialisation des États-Unis et à la
modernisation technologique de l’armée
chinoise. »
Là encore, la menace du rattrapage (voire du
dépassement) technologico-militaire des
États-Unis par la Chine est dans tous les
esprits des stratèges américains.
Même si Pékin ne se laisse pas impressionner,
il n’empêche que les mesures américaines
prises à son endroit ne sont pas faites pour
l’arranger à l’heure où la Chine ne parvient
pas à relancer son économie depuis la
pandémie de Covid-19, traînant toujours
derrière ele une crise majeure du secteur
immobilier, une consommation atone et un
taux de chômage particulièrement élevé chez
les jeunes mais pas seulement (les quadra et
les quinquagénaires employés dans les
entreprises étrangères, notamment
américaines, en Chine sont également
touchés).
Le président américain ne s’est du reste pas
privé d’appuyer là où ça fait mal en prenant
prétexte de la Covid-19 « venue de Wuhan,
Chine », pour justifier sa décision annoncée le
20 janvier 2025 de sortir les États-Unis de
l’OMS, l’Organisation s’étant rendue coupable
à ses yeux de sa mauvaise gestion de la
pandémie.
Les quelque 110 000 réfugiés birmans répartis
dans une dizaine de camps le long de la
frontière thaïlandaise souffriront quant à eux
de la décision de l’administration Trump de
geler pour trois mois ses aides à l’étranger.
Avec ses 57 milions d’habitants, la Birmanie
était en effet jusqu’à ces dernières années le
premier récipiendaire en Asie des
contributions de l’USAID (238 milions USD en
2024, dont 114 milions accordés au « Plan de
réponse humanitaire 2024 » du Bureau des
Nations Unies pour la coordination des
affaires humanitaires, UNUCHA).[4]
Quant aux aliés asiatiques des États-Unis
(Japon, Corée du Sud, Taïwan, Philippines)
dont la sécurité face à la puissance chinoise
dépend de Washington, ceux-ci ne sont pas
sans s’interroger sur la fiabilité de la
capitale américaine à leur égard, en matière
de défense de leurs intérêts géopolitiques
et stratégiques, après le revirement de
Donald Trump sur la question ukrainienne
dans un contexte international
particulièrement tendu et qui concerne
également leur région avec la guerre
commerciale ravivée par la nouvele
administration trumpienne avec la Chine,
laquele ne peut que les impacter.
Bien que partenaire du Quad (Dialogue
Quadrilatéral pour la sécurité), l’Inde, dont il
est vrai que les droits de douane figurent
parmi les plus élevés au monde, se voit
nommément accusée de « pratiques
commerciales déloyales » (au même titre que
le Brésil et l’Union Européenne) dans le décret
présidentiel du 13 février 2025 sans qu’il soit
annoncé à ce stade l’application de mesures
de rétorsion à son égard.[5]
Simple coïncidence de calendrier ? Il se trouve
que deux semaines après la publication de ce
décret, Delhi accueilait la présidente de la
Commission européenne, Ursula Von der
Leyen et le Colège des Commissaires de l’U.E.
dans le but d’amorcer « des discussions
approfondies » pour « renforcer davantage »
leur partenariat stratégique, ainsi que le
rapportait sans doute intentionnelement sur
la plateforme « X » d’Elon Musk, le ministre des
Affaires étrangères Subrahmanyam
Jaishankar. Dans le même temps, les deux
parties ont manifesté leur volonté d’accélérer
leurs discussions pour trouver un accord de
libre-échange d’ici la fin de l’année. Une
manière pour Bruxeles et la capitale indienne
de rendre la monnaie de sa pièce au
président-homme d’affaires américain ?
Quant au plus important alié des États-Unis
dans la région, à savoir Tokyo, la capitale
nipponne, la plus menacée avec Taïwan par
l’expansionnisme chinois, a fait preuve jusqu’à
présent d’un attentisme distancié mais non
dépourvu d’appréhension. Ainsi répondant à
une question à la Chambre basse sur
l’altercation à la Maison Blanche entre
Trump/Vance et le président Volodymyr
Zelensky, le Premier ministre Shigeru Ishiba
déclarait que son gouvernement n’avait pas
l’intention de prendre parti.
Pour le nouveau chef de gouvernement,
reconnu pour son expertise dans le domaine
de la Défense, mais en position de fragilité au
sein de son propre parti, le PLD (Parti Libéral
Démocrate), le plus important était de
maintenir l’unité au sein du G7 (d’où Moscou
sera exclue dans le format G7 + 1 puis G8
après son annexion de la Crimée en 2014). Le
ministre des Affaires étrangères, Takeshi Iwaya
(ministre de la Défense de 2018 à 2019), se
refusait pour sa part à tout commentaire sur
la suspension de l’aide américaine (depuis
rétablie) à l’Ukraine, faisant valoir, diplomate
on ne peut moins courageux : « la fluidité de la
situation » .[6]
Après la déclaration de la Loi martiale
rapidement avortée du président élu Yoon Suk
Yeol ayant conduit à son arrestation puis à sa
libération conditionnele (la Cour
constitutionnele a validé ce 4 avril, à
l’unanimité la motion de destitution votée par
l’Assemblée nationale en décembre 2024,
démettant ainsi effectivement le président
sud-coréen de ses fonctions et entraînant une
présidentiele anticipée sous soixante jours),
l’actuel président par intérim de la Corée du
Sud a exhorté le 7 mars les ministres du
gouvernement à continuer de travailer avec
les États-Unis « pour éviter tout impact
négatif » sur la coopération scientifique,
technologique et énergétique après que le
Département d’État américain a désigné son
alié comme un pays « sensible ». Le
revirement de Donald Trump à l’égard de ses
aliés a en effet amené Séoul dans la situation
politique confuse qu’ele traverse, à parler de
l’éventualité de développer ses propres
capacités d’armements nucléaires, face à la
menace toujours plus insistante de son voisin
nord-coréen, seul véritable alié de Pékin et
qui s’est depuis nettement rapproché de
Moscou, en envoyant ses troupes combattre
aux côtés des Russes en Ukraine en échange
d’une aide technologique dans le
développement de ses capacités balistiques
pouvant emporter des charges nucléaires.
S’agissant de Taïwan, son président
démocratiquement élu, Wiliam Lai (Ching-te)
a promis (le couteau sous la gorge) que son
pays alait « étendre ses investissements et
ses achats aux États-Unis afin d’encourager
un équilibre commercial entre les deux pays »,
à la suite des menaces de possibles droits de
douane américains sur les puces
électroniques hautement performantes que
l’île fabrique. Cet engagement est loin de
pouvoir être réalisé, le Parti DPP (Democratic
Progressive Party) du président ne disposant
pas en l’état actuel d’une majorité au sein de
l’organe (Yuan) législatif taïwanais.
Une perspective plus inquiétante se présente
même désormais à des aliés de première
ligne comme les Philippines : l’ascension au
pouvoir aux États-Unis de figures
isolationnistes qui prônent ouvertement une
nouvele entente stratégique, voire un « grand
compromis », avec Pékin. Trump lui-même a
tendu la main à plusieurs reprises à ses
(théoriques) principaux adversaires (Moscou,
Pékin et Pyongyang) et a ouvertement salué
un éventuel « G2 » avec la Chine. Dès lors,
Manile anticipe des changements dans la
dynamique interne de l’aliance.
L’approche transactionnele de Trump
pourrait en effet entraîner des discussions sur
le partage des charges, notamment en ce qui
concerne les garanties et les moyens de
défense de l’archipel.
On se rappelera que dans une initiative sans
précédent, Trump a invité à son investiture Xi
Jinping (qui a délégué à sa place le Vice
président Han Zheng), tout en annulant
l’interdiction de l’application TikTok, malgré la
vive opposition de ses aliés républicains. Et
d’écrire sur le réseau social de son ami Elon
Musk quelques heures avant de retrouver son
fauteuil à la Maison Blanche : « J’espère que
nous résoudrons de nombreux problèmes
ensemble avec la Chine, et ce,
immédiatement. Nous avons discuté de
l’équilibre commercial, du fentanyl, de TikTok
(l’équivalent de Douyin en Chine) et de bien
d’autres sujets ». Puis ajoutant au sujet de son
appel téléphonique avant son investiture : « Le
président Xi et moi ferons tout notre possible
pour rendre le monde plus pacifique et plus
sûr ».
Voilà les aliés occidentaux et asiatiques de
l’Amérique rassurés, si l’on peut dire…
[1] Situation mise à jour : le 2 avril 2025, le président
américain Donald Trump a annoncé une hausse de 34%
des droits de douane sur les produits chinois importés
aux États-Unis. Cela s’ajoute aux 20% déjà en vigueur,
portant ainsi la hausse tarifaire totale imposée à la Chine
à 54 %, donc proche des 60 % qu’il avait annoncés avant
même son retour à la Maison Blanche. La Chine a alors
répondu le 4 avril en augmentant à son tour de 34% les
droits de douane sur les produits américains.
[2] Voir Patturaja Murugaboopaathy, Gauva Dogra, «
Asian countries in the crosshairs of Trump’s tariffs”,
Reuters, March 7, 2025,
https://www.reuters.com/markets/asia/asian-countries
cross-hairs-trump-tariffs-2025-03-06/
[3] https://www.whitehouse.gov/presidential
actions/2025/02/america-first-investment-policy/
[4] Une participation américaine cependant inférieure à
l’ensemble des aides apportées par l’Union Européenne
et des pays européens (Royaume Uni).
[5] https://www.whitehouse.gov/fact
sheets/2025/02/fact-sheet-president-donald-j-trump
announces-fair-and-reciprocal-plan-on-trade/
[6] Voir l’article du correspondant du journal Le Monde à
Tokyo, Philippe Pons, publié le 5 mars 2025, « En Asie du
Nord-Est, les aliés des États-Unis sur le qui-vive ».
Jean-Raphaël Peytregnet
Diplomate de carrière après s’être consacré à la
sinologie en France puis à l’aide au développement
au titre d’expert international de l’UNESCO au Laos
(1988-1991), Jean-Raphaël Peytregnet a, entre
autres, occupé les fonctions de consul général de
France à Canton (2007-2011) et à Pékin (2014-2018)
ainsi qu’à Mumbai/Bombay de 2011 à 2014. Il était
responsable de l’Asie au Centre d’Analyse, de
Prospective et de Stratégie (CAPS) rattaché au
cabinet du ministre de l’Europe et des Affaires
étrangères (2018-2021) puis enfin Conseiler spécial
du Directeur d’Asie-Océanie (2021-2023).
Entretien Nouveaux Regards
Katia Buffetrille, ethnologue,
tibétologue et professeur émérite à
l’École Pratique des Hautes Études
Propos recueillis par Jean-Raphaël Peytregnet
5
Jean-Raphaël Peytregnet : Ethnologue et
tibétologue, vous êtes spécialiste de la culture
tibétaine à la fois ancienne et moderne. Quelle
est la situation aujourd’hui de cette « Région
autonome du Tibet » (RAT), telle qu’elle a été
administrativement découpée par Pékin, au
même titre que celles du Ningxia, de Mongolie
intérieure, ouïghoure du Xinjiang et Zhuang
du Guangxi ?
Katia Buffetrille : La Région autonome
du Tibet, fondée en 1965, n’a rien
« d’autonome » car elle est totalement
dépendante des financements et des
décisions du gouvernement central. Depuis
l’accession au pouvoir de Xi Jinping en 2012,
le contrôle du Parti Communiste Chinois
s’est considérablement renforcé dans tout
le Tibet et particulièrement dans cette
région.
La nomination de Chen Quanguo, ancien
militaire, secrétaire du Parti de la RAT de 2011
à 2016, y est pour beaucoup. Il est à
l’origine d’un système de surveillance
particulièrement performant et intrusif qui
s’est renforcé au fil des ans avec les progrès
technologiques.
À cela, il faut ajouter un nombre de
migrants Han qui ne fait qu’augmenter dans
la RAT et qui est un des éléments de la
sinisation que connaît le Tibet actuellement.
Lors de ma dernière visite à Lhassa en 2024,
j’ai été frappée par l’accroissement
considérable de la population d’ethnie han
par rapport à ce que j’avais connu en 2017,
par la sinisation de l’espace : drapeau
chinois sur toutes les maisons et édifices,
religieux ou non, et le long des routes,
l’installation en 2019 de pavillons chinois sur
les stèles érigées devant le temple du
Jokhang à Lhasa, dont l’une datant de
821/822 porte le traité de paix entre l’empire
tibétain (VII-IX siècle) et l’empire Tang, la
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
désacralisation des lieux religieux avec, par
exemple, l’installation d’un restaurant KFC
(Kentucky Fried Chicken) et d’un Pizza Hut le
long du Barkor, le chemin de
circumambulation qui entoure le temple du
Jokhang, le temple le plus sacré du Tibet et
l’utilisation de symboles religieux à des fins
décoratives et touristiques : moulins à
prières dans les gares ou autre lieu
inapproprié, ou stupas le long des routes.
Quelle est l’origine du mot « Tibet » ?
Comment les Tibétains eux-mêmes
dénomment-ils leur terre ancestrale ?
Les Tibétains appellent leur pays Bö (Bod).
Le nom Tibet semble avoir été emprunté au
persan (Tibbat, Tibit, Tibbet) ou au mongol
(Töböt). Ces formes persanes seraient
basées sur la forme arabe Tubbat que l’on
trouve dans des textes dès le IXe siècle, elle
même héritée peut-être du sogdien ‘Topet’.
Le nom Tibet apparaît dès les XI-XIII siècles
dans les écrits de Jean de Plan Carpin (1180
1252), Guillaume de Rubrouk (1215-1295) ou
Marco Polo (1254-1324).
En remontant encore plus loin, on trouve
Töpüt dans des inscriptions turques du VIII
siècle. Des chercheurs (Louis Bazin et James
Hamilton) pensent que ces différents noms,
qu’ils associent au turc töpä signifiant
« sommet, hauteur », sont d’origine turco
mongole. Ils se seraient répandus par
l’intermédiaire des Tuyuhun, un peuple
appartenant au groupe linguistique turco
mongol, qui vivait entre le IV et le VII siècle
à l’interface des mondes chinois, turc et
tibétain.
Les écrivains chinois contemporains utilisent
le terme Tubo. De manière surprenante, ce
terme Tubo a été utilisé au Musée Guimet
dans le contexte de l’exposition sur « La
Avril 2025
5
Chine des Tang ». A l’époque Tang, les
Chinois appelaient le Tibet Tufan, un terme
qui aurait été prononcé Tubo d’après une
lecture moderne. Pourtant, cette affirmation
a été réfutée dès 1915 par le grand sinologue
Paul Pelliot (1878-1945). Cette appellation,
encore utilisée en République populaire de
Chine pour parler de l’empire tibétain, lui
permet de dissocier les Tibétains
d’aujourd’hui de leur prestigieux passé
impérial.
Le Musée Guimet avait montré en 2024 qu’il
désirait se plier au diktat de la Chine en
changeant l’appellation des salles
d’exposition « Tibet-Népal » au profit d’un
vague « Monde himalayen », une appellation
qu’aucun scientifique sérieux n’utiliserait
pour désigner le Tibet mais qui a l’avantage
d’éviter le terme Tibet honni des autorités
chinoises puisqu’il renvoie à un pays et à un
peuple totalement distincts sur les plans
culturel, linguistique, religieux, des Han,
l’ethnie majoritaire à 92 % en République
populaire de Chine.
Tout comme les Chinois exigeaient de
Bertrand Guillet, directeur du musée de
Nantes, que les termes « Gengis Khan,
empire et mongol » ne soient pas utilisés
dans l’exposition sur Gengis Khan en
échange de prêts d’objets, on peut penser
que des demandes de même type ont été
faites auprès du Musée Guimet.
Mais alors que l’on observait, au musée
Guimet, la disparition du terme Tibet au
moment même où débutait l’année de
commémoration des 60 ans de
l’établissement des relations franco
chinoises marquée par quatre expositions
sur la Chine avec prêt d’objets, le musée de
Nantes, lui, avait renoncé à sa collaboration
avec la Chine afin de respecter les « valeurs
humaines, scientifiques et déontologiques »
défendues par l’Institution. Cependant, en
2024, une magnifique exposition sur « Gengis
Khan et la naissance de l’empire mongol »
était organisée au musée de Nantes avec
des objets provenant des collections
nationales de Mongolie, de grands musées
européens et des collections privées.
L’emploi de Tubo dans l’exposition sur les
Tang est un moyen d’éviter de parler
d’empire tibétain. L’absence de toute carte
participe à cette confusion. Tout est fait
dans cette exposition pour faire oublier que
l’empire tibétain rivalisait en puissance avec
l’empire Tang et que ce dernier le
ménageait grâce à une politique de
cadeaux et d’alliances matrimoniales.
Le terme Tubo est inconnu du grand public
et connu des seuls spécialistes. Cela permet
de l’utiliser, dans cette exposition, pour
désigner un peuple, une époque, un style ou
une culture. Ainsi, certains cartels portent la
mention : « Dynastie Tang, époque tubo »,
laissant croire que Tubo réfère à une
période de la dynastie Tang. Le but est de
conduire les visiteurs à penser que ces
« Tubo » étaient sous la dépendance des
Tang. Le même processus est utilisé en ce
qui concerne le Turkestan oriental afin de
faire croire que les Ouighours étaient
également sous la dépendance des Tang,
ce qui est historiquement faux. Cela
s’appelle réécrire l’histoire pour coller au
nouveau narratif chinois.
Le terme chinois pour désigner la Région
autonome du Tibet est Xizang. Il apparaît
dans les sources chinoises sous la dynastie
mandchoue des Qing (1644-1912). Les
Tibétains n’utilisent jamais ce terme
lorsqu’ils parlent tibétain. Son emploi a été
réclamé en 2023 par des chercheurs chinois
lors d’un colloque à Pékin. Depuis, toutes les
revues chinoises en langues occidentales
l’emploient et la Chine cherche à l’imposer
également à l’étranger.
Que faut-il entendre par « Tibet historique »
ou « Grand Tibet », termes auxquels le peuple
tibétain semble très attaché ?
Le Tibet recouvre pour les Tibétains les trois
provinces du Ütsang (Tibet central) Kham
(province orientale) et Amdo (province
nord-est). De 1642 au soulèvement de Lhasa
de 1959, le gouvernement des Dalaï-lamas,
appelé Ganden phodrang, régnait sur un
territoire qui correspond à peu près à celui
de la Région autonome du Tibet. Les régions
du Kham et de l’Amdo connaissaient
traditionnellement des organisations
politiques diverses : royaumes, chefferies
sous l’autorité de religieux ou de rois laïcs.
Cependant, tous regardaient vers Lhasa, où
vivait le Dalaï-lama car, ainsi que l’exprime
un dicton célèbre : « Ne pas aller en
pèlerinage à Lhasa, c’est n’être qu’à moitié
humain ».
Ce territoire immense, 2 500 000 km, un
quart de la RPC, avait une faible densité de
population, environ 6 millions de Tibétains. Si
les identités locales étaient fortes, le
bouddhisme, une culture bien spécifique,
une langue savante écrite commune, une
même mythologie et une même histoire
donnaient à la population de l’immense
plateau tibétain le sentiment d’appartenir à
un ensemble partageant un grand nombre
de traits identitaires.
Il est vrai que la dynastie mandchoue des
Qing a mis progressivement en place, au
cours du XVIII siècle une forme de
protectorat sur le gouvernement des dalaï
lamas, avec un contrôle plus ou moins
effectif ou nominal selon les périodes. Mais le
gouvernement tibétain était toujours en
place et les dirigeants du pays sont restés,
dans une très large mesure, tibétains.
En 1979, Deng Xiaoping invita à Pékin, Gyalo
Thondup, le deuxième frère aîné de Sa Sainteté
le Dalaï-lama, et lui indiqua à cette occasion
qu’hormis l’indépendance du Tibet, toutes les
autres questions concernant cette région
pouvaient être discutées et les problèmes
résolus. Deng proposa que le Dalaï-Lama
envoie des délégations d’enquête au Tibet afin
d’observer les conditions de vie des Tibétains.
Le 14 mars 1980, se tint à Pékin le premier
Forum de travail sur le Tibet organisé par le
Secrétariat du Comité central du PCC, sous la
présidence de son Secrétaire général d’alors,
Hu Yaobang. Le mois suivant eut lieu la
première tournée d’inspection au Tibet par
une délégation tibétaine. Suivront quatre
autres missions d’enquête entre 1979 et 1985 et
deux délégations de pourparlers (juillet 1980
et octobre 1984) conduites par Lobsang
Samten, un autre frère aîné du Dalaï-Lama à
Pékin. Après cette date, un canal de
communication entre Dharamsala et Pékin a
été maintenu mais il semble que le dialogue
entre les autorités chinoises et tibétaines soit
au point mort depuis 2010. Quels sont les
points bloquants qui empêchent ces
discussions d’avancer du côté chinois comme
tibétain ?
L’élément problématique des discussions est
que les Chinois ne veulent parler que du
statut du Dalaï-lama. En 1988, le hiérarque a
annoncé, dans un discours au Parlement
européen à Strasbourg, renoncer à
l’indépendance du Tibet pour une
autonomie réelle de toutes les zones
tibétaines à l’intérieur de la République
populaire de Chine, dans le cadre de la
constitution chinoise. Cette revendication
paraît tout à fait irréalisable dans le contexte
de la politique actuelle menée par le
président Xi Jinping. Il est vrai que certains
membres de l’administration tibétaine ont
dit qu’il existait de nos jours encore des
canaux de discussions mais rien n’a été
officiellement dit sur la teneur d’éventuelles
discussions.
Pékin déploie depuis 2014 une politique
assimilationniste théorisée par certains
chercheurs. Pour ces derniers, l’avenir de la
Chine repose sur une « nation chinoise »
(zhonghua minzu) unique, dans laquelle les
lois seraient identiques pour tous, Han et
non-Han, où il n’y aurait plus de régime
d’autonomie accordé aux régions non-han,
ni de mention de « nationalités » (minzu) sur
les cartes d’identité. Ils rêvent d’une Chine
totalement chinoise dans laquelle Han et
non-Han ne formeraient qu’une même
nation chinoise.
Sa Sainteté le XIVème Dalaï-lama, Tenzin
Gyatso, approche de l’âge vénérable de 90 ans
(il est né le 6 juillet 1935 dans un village situé
dans la province du Qinghai, l’ancien Amdo
tibétain). Se pose la question de sa succession,
bien qu’il ait prédit à au moins deux reprises
qu’il vivrait jusqu’à l’âge de 113 ans, ce que l’on
ne peut que lui souhaiter. Comment envisage
t-il sa succession après qu’il a renoncé à son
autorité temporelle en 2011 au profit du
gouvernement tibétain en exil installé à
Dharamsala, dans l’État indien de l’Arunachal
Pradesh, pour ne conserver que son autorité
spirituelle ?
Le Dalaï-lama a effectivement dit plusieurs
fois qu’il vivrait jusqu’à 110 ou 113 ans. Selon
certains chercheurs, ce serait une manière
de dire aux autorités chinoises : c’est avec
moi qu’il faut discuter. Il a également
affirmé à différentes reprises que lorsqu’il
arriverait à 90 ans, il annoncerait si et où il
se réincarnerait. Or, il vient d’écrire un livre
dans lequel il dit clairement que sa
réincarnation naîtra dans le monde libre,
donc hors de Chine et hors du Tibet occupé.
Il est souvent difficile pour les Occidentaux
de comprendre l’importance qu’a le
hiérarque pour son peuple. Pour les
Tibétains, le Dalaï-lama est l’émanation d’
Avalokiteshvara, le bodhisattva protecteur
du Tibet.
Il est fort probable que les autorités
chinoises craignent des troubles au
moment du décès du Dalaï-lama. On peut
se demander si l’envoi de cadres han un
peu partout dans les villes et les villages n’a
pas pour but d’éviter des débordements à
ce moment.
Je ne doute pas pour ma part que les
autorités chinoises nommeront leur propre
Dalaï-lama, comme elles l’ont fait pour le
Panchen-lama (le deuxième plus grand
chef spirituel du bouddhisme tibétain). Cela
a été annoncé de multiples fois et les
autorités chinoises cherchent, dès à
présent, à convaincre les pays étrangers
d’accepter leur choix.
Katia BUFFETRILLE est ethnologue et tibétologue. Elle
étudie depuis trente-cinq ans les rituels «
populaires », particulièrement les pèlerinages
autour des montagnes sacrées et les
changements qu’ils connaissent au sein de la RPC.
Ses intérêts portent également sur les phénomènes
‘bouddhiques’ actuels (immolations, végétarisme)
et les relations sino-tibétaines. Ele se rend
régulièrement au Tibet pour plusieurs mois depuis
1985 et au Népal depuis 1974. Ele a publié de
nombreux articles et livres dont L’âge d’or du Tibet :
XVI et XV I siècles. Beles Lettres, 2019.
L’Asie du Nord-Est dans l’attente de
Trump.
Par Yo-Jung CHEN
L’Asie du Nord-Est (Chine, Japon, les deux Corées, Taïwan, et, plus éloignée, Russie orientale) est une région
ayant plus ou moins en partage l’influence de la culture chinoise. Malgré cette communauté culturelle, c’est une
région profondément divisée, aujourd’hui encore, par les mémoires amères de la Deuxième Guerre mondiale et par
les rivalités de la Guerre froide, tout en étant unie dans une croissance économique et technologique remarquable
qui en fait, avec l’Asie du Sud-Est, le « nouveau centre du monde ».
Entretenus par une importante présence
militaire américaine face aux pays
communistes autoritaires (Chine, Corée du
Nord) de la région, les antagonismes
idéologiques et nationalistes persistants
n’ont pas permis à la région d’évoluer au
delà des mentalités de la Guerre froide pour
réaliser une intégration régionale du type de
celles de l’UE ou de l’ASEAN.
L’Asie du Nord-Est est, sur le plan politique,
profondément divisée selon une
démarcation typique de l’affrontement Est
Ouest. D’un côté, l’alliance des régimes
autocratiques (Chine, Corée du Nord,
Russie) fait face aux alliés démocratiques
de l’Amérique : Japon, Corée du Sud, Taïwan.
Dans le contexte de cette rivalité politico
militaire persistante, les deux blocs, à
l’exception de la Corée du Nord, participent
à une constellation d’interdépendances
économiques centrées sur le désormais
incontournable dit « Empire du Milieu »
(Zhongguo).
Cette Asie du Nord-Est s’attend aujourd’hui
avec appréhension à voir son ordre
géopolitique et géoéconomique bouleversé
par le retour au pouvoir à la Maison Blanche
d’un Donald Trump plus erratique, plus
impulsif et plus intraitable que celui du
premier mandat de 2016. D’autant plus que
la nouvelle administration américaine a
déjà laissé entendre que sa priorité
géostratégique dorénavant ne serait plus le
« Vieux Continent » mais l’Asie, avec un focus
particulier sur la République Populaire de
Chine, son plus grand rival.
L’inquiétude que partage l’ensemble de la
région porte notamment sur un trait
spécifique à Donald Trump et à certains
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
membres de sa nouvelle administration : s’il
a désigné l’Asie comme le point focal de sa
diplomatie, le 47ème président américain
fait preuve d’une ignorance inquiétante des
subtilités de cette région. En plus de
l’incapacité de son équipe (son Secrétaire à
la Défense, Pete Hegseth) de nommer un
seul pays membre de l’ASEAN, cette
inquiétude générale est confirmée par
exemple par sa façon de s’offusquer de
« l’inégalité de traitement au détriment de
l’Amérique » constatée dans les dispositions
du Traité de Sécurité nippo-américain (les
Américains s’engagent à défendre le Japon
mais les Japonais ne sont pas tenus de
défendre l’Amérique en cas d’attaque). Le
chef d’État américain fait là la preuve de
son ignorance oubliant que c’est son propre
pays qui avait dans les années 1950 imposé
ce Traité au Japon par souci d’endiguer
l’expansion du communisme en Asie.
Une mise en cause de ce Traité par son
« auteur » même risque de remettre
complètement en question la fondation sur
laquelle repose la sécurité nationale du
Japon depuis la fin de la Guerre du
Pacifique. Par ailleurs, la manière de
M. Trump de menacer de retirer les
garnisons américaines au Japon et en
Corée du Sud démontre également son
ignorance quand c’est l’Amérique elle
même qui avait imposé le stationnement
de ses troupes en Asie dans les années de
la Guerre froide. Il semble ne pas savoir que
ces déploiements des forces américaines
servent plus les intérêts stratégiques de son
propre pays que ceux des pays hôtes !
Sur le plan économique, aucun pays de
cette région n’échappera à la guerre
commerciale tous azimuts dans laquelle
Avril 2025
s’est précipité Trump-I, et chacun va devoir
trouver sa façon d’y faire face selon l’état et la
nature de ses relations avec l’Amérique. Sur le
plan stratégique, tout le monde, aliés ou non
de Washington, retient son souffle devant les
bouleversements inévitables de la carte
géostratégique régionale qui s’annoncent,
sachant qu’avec Trump-I, et au vu de sa
façon de traiter avec mépris les aliés
européens et l’Ukraine, il ne faudra plus
compter sur les valeurs partagées ni les
amitiés/aliances nouées jusqu’ici avec la
capitale américaine. Dorénavant, c’est la loi
des échanges transactionnels intéressés,
chère au nouveau locataire de la Maison
Blanche, qui va dominer toutes les relations de
l’Amérique avec le reste du monde.
Dès avant le retour de M. Trump, l’ensemble de
l’Asie, a liés ou non de l’Amérique, entretenait
déjà un doute croissant sur la fiabilité de la
« Pax Americana ». Le retour d’un président
américain isolationniste, transactionnel et
s’aliénant ses aliés européens, ne fait
qu’accentuer la prémonition des aliés
asiatiques comme le Japon, la Corée du Sud
et Taïwan quant à la crédibilité de
l’engagement américain à les défendre. L’on
doute que M. Trump risquerait une guerre
ouverte avec la puissante Chine pour
défendre des aliés en Asie qui, de surcroît, ne
« paient même pas la facture de leur
protection américaine », à l’entendre.
C’est le sort de Taïwan qui est en tête des
préoccupations stratégiques dans la région.
Témoins de la façon dont M. Trump traite ses
aliés européens et l’Ukraine, affichant au
passage et sans le moindre scrupule son
admiration pour un dictateur comme
M. Poutine, une grande partie des acteurs de
la région sont persuadés que l’homme
d’affaires du Bureau Ovale n’hésiterait pas à
« lâcher » Taïwan en échange d’une
concession avantageuse que lui concéderait
l’autre dictateur siégeant à Pékin. Une tele
éventualité aurait des répercussions
stratégiques catastrophiques pour tous les
autres aliés américains (Japon, Corée du Sud,
Philippines…) en Asie et même pour l’Amérique
ele-même.
L’attitude décomplexée de Trump-I à l’égard
du dictateur russe en Europe dans le dossier
ukrainien, amène les observateurs en Asie à ne
plus exclure la possibilité de le voir se
comporter de la même façon vis-à-vis des
deux autres despotes en Asie : Xi Jinping et Kim
Jong-Un. Dépendants de la plus ou moins
large latitude des concessions que Trump
serait prêt à leur faire, Tokyo et Séoul (et peut
être aussi Taïwan) pourraient alors être tentés
de s’embarquer sur une voie jugée tabou
jusqu’ici : l’acquisition de leur propre
armement nucléaire pour faire face, sans
l’Amérique, aux États dotés à leur proximité.
L’Asie du Nord-Est serait alors plongée dans
une spirale dangereuse de course à
l’armement nucléaire.
Asie du Nord-Est : chacun ses soucis
avec Trump
En pleine montée en puissance, la Chine
suscite l’envie et la convoitise du fait de son
énorme potentiel économique, mais aussi une
appréhension générale face à sa musculature
militaire renforcée qu’ele n’hésite pas à fléchir
devant ses voisins et ses adversaires
occidentaux. Émergeant du « siècle
d’humiliation » infligée par l’occupation
occidentale, la nouvele Chine de Xi Jinping
exige à sa façon le respect que le monde
vouait par le passé à la Chine des Hans
(l’empire Ming) d’avant la dynastie
mandchoue Qing (1644-1911).
Alors que les activités économiques en
accélération dans la région tournent autour
de ce nouvel Empire, le réveil du géant
représente une menace sécuritaire aussi bien
pour ses voisins (Japon, Taiwan, Corée du
Nord, pays de l’Asie du Sud-Est), avec lesquels
subsistent des contentieux territoriaux, que
pour l’Amérique dont la suprématie sur
l’ensemble du Pacifique est de plus en plus
contestée.
Dans l’immédiat, ses revendications
territoriales sur l’ensemble de la Mer de Chine
méridionale provoquent des tensions
croissantes avec les pays limitrophes
(Vietnam, Philippines, Malaisie), l’Amérique et
ses aliés occidentaux. Pour contrer cette
revendication ilégitime (puisque rejetée en
2016 par la Cour permanente d’arbitrage
(CPA) de La Haye) et empêcher que cet
espace international ne soit transformé en un
lac chinois, les marines américaine, française,
alemande, britannique, australienne,
néozélandaise et japonaise pratiquent
régulièrement des démonstrations de « libre
passage » dans les eaux internationales de
cette mer.
S’ajoute la dispute sino-japonaise autour des
îles Senkaku (appelées Diaoyutai par les
Chinois) dont l’administration a été « confiées »
au Japon par l’Amérique à la fin de la
Seconde Guerre mondiale, ce que
contestent la Chine et, sur un ton moins
véhément, Taïwan. Les incursions fréquentes
des garde-côtes chinois dans les eaux
territoriales de ces îles inhabitées
constituent une menace de tous les instants
pour Tokyo.
Il ne faut pas oublier non plus la menace
chinoise très réelle et imminente qui pèse
sur Taïwan n’excluant pas le recours à la
force pour « unifier » (comprendre annexer)
ce territoire devenu démocratique mais que
Pékin considère comme sien alors qu’il a
toujours été autonome (sans être «
indépendant » de jure) et de surplus jamais
administré par la RPC depuis sa fondation
en 1949.
À plus grande échelle, les ambitions
maritimes croissantes de la Chine sont en
train de poser un défi à la prédominance
stratégique américaine dans le Pacifique.
Pour l’instant, la capacité de la flotte
chinoise, avec ses deux - bientôt trois
porte-avions et ses sous-marins nucléaires
d’attaque, est encore géographiquement
restreinte par l’obligation de se faufiler à
travers la première « chaîne » que forment
les îles japonaises d’Okinawa et de Taïwan
pour sortir en pleine mer dans le Pacifique.
Mais Pékin place déjà ses pions en nouant
avec des États-îles du Sud-Pacifique des
accords sur les droits d’escale pour sa flotte
militaire en échange d’une coopération
économique généreuse.
économique. Le tout dernier Congrès
annuel du Peuple a d’ailleurs adopté début
mars un objectif « officiel » de croissance
plutôt modeste de 5%, sans avoir la
conviction de pouvoir l’atteindre (mais le
PCC pourra s’arranger pour qu’il le
devienne). Les premiers décrets en forme
de punitions tarifaires signés par Trump ont
déjà provoqué un début d’exode des
entreprises étrangères implantées en Chine,
américaines en premier, pour lesquelles
l’environnement s’était déjà sensiblement
détérioré dans la mauvaise conjoncture
politico-économique actuelle de ce pays
qui ressemble de moins en moins à un
eldorado.
Avec la promesse d’autres sanctions
tarifaires venant de Washington, la Chine
creuse ses tranchées et affirme sa
détermination de répondre du tac au tac en
s’attaquant aux produits américains.
Récemment, l’Australie et la Nouvelle
Zélande, les deux alliés américains dans le
Pacifique, ont eu la désagréable surprise
d’assister, sans préavis, à un exercice à
munitions réelles conduit par trois vaisseaux
chinois dans la Mer de Tasman qui sépare
les deux pays.
L’incident a tous les airs d’une provocation
en direction de Washington porteuse du
message que l’Amérique n’est plus seul
maître dans le Pacifique.
Le Vice-Président Vance a averti l’Europe fin
février que les États-Unis ne voulaient plus
perdre leur temps avec les Européens
quand leur attention se portait dorénavant
principalement sur l’Asie, c’est-à-dire sur la
Chine, son plus grand rival.
Le moment ne peut qu’être pire pour Pékin
qui traverse actuellement un ralentissement
spectaculaire de sa croissance
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
Sur le plan stratégique, on ignore encore,
avant la rencontre au sommet sino
américain prévue en juin, ce que M. Trump
envisage concrètement à l’encontre de la
Chine ou de l’Asie en général. Ses prises de
position sur le dossier brûlant de Taïwan par
exemple évoluent de façon chaotique au
quotidien, laissant soupçonner une
inquiétante ignorance du dossier. Il
s’offusque non sans raison de l’énorme
déséquilibre de la balance commerciale en
faveur de Pékin. Il se plaint de la présence
chinoise croissante partout dans le monde,
notamment aux deux extrémités du Canal
de Panama (dont les ports ont depuis été
rachetés par Washington) et au Groenland,
qui se présentent dans sa bouche comme
des projets d’annexion (et du Canada !). Il
accuse aussi la Chine d’inonder son pays
de fentanyl, un produit opiacé hautement
addictif et létal.
Malgré tout, la Chine semble garder un
certain optimisme quant à sa capacité à
engager un dialogue constructif avec son
rival américain. Du fait de son économie en
berne, Pékin souhaite plutôt pour l’heure
éviter de croiser le fer avec l’Amérique. Par
ailleurs, connaissant maintenant bien la
personnalité de M. Trump depuis son
premier mandat, notamment son penchant
particulier en faveur des autocrates, M. Xi
semble être confiant de pouvoir trouver
avec l’auto-proclamé « génie du
marchandage » un accord « gagnant
gagnant » sur les grands dossiers qui
occupent les deux superpuissances.
La Chine a beaucoup à gagner d’un tel
dialogue surtout si elle parvient à intéresser
le président des États-Unis à ses grands
projets à l’échelle mondiale comme son
initiative des nouvelles Route de la Soie, ou
la proposition que Pékin avait faite (sans
succès) du temps de Barack Obama d’un
égal partage de l’Océan Pacifique entre les
deux superpuissances.
Japon
Premier allié de l’Amérique en Asie, le Japon,
jadis deuxième puissance économique du
monde, a perdu sa magnificence d’antan
au cours de la dernière décennie face à la
concurrence de la Chine et d’autres
puissances émergentes comme la Corée
du Sud et Taïwan.
À cause de sa maladresse dans le
règlement définitif des séquelles d’une
guerre qu’il avait déclenchée il y a près d’un
siècle, à laquelle s’ajoute un litige territorial
avec tous ses voisins sans exception, le
pays du Soleil-Levant reste impopulaire
dans la plupart des pays de l’Asie du Nord
Est. En plus de l’antagonisme idéologique, la
Chine l’accuse aujourd’hui encore de
refuser de reconnaître ses crimes de guerre
commis il y a plus de 80 ans. Accusation
partagée par la Corée du Sud, ancienne
colonie japonaise, qui est pourtant un allié
stratégique pour le Japon et l’Amérique. La
Corée du Nord, avec son développement
accéléré et incontrôlé de missiles
balistiques et d’armes nucléaires, constitue,
en plus de la Chine, une menace pressante
pour Tokyo et Séoul. La Russie, alliée de Pékin
et de Pyongyang, refuse de restituer au
Japon les quatre îles (Kouriles) au nord de
Hokkaido dont l’URSS s’était emparée après
la défaite du Japon en 1945, laissant en
suspens la question de la fin officielle des
hostilités entre les deux pays. Il n’y a que
Taïwan, en permanence menacée d’une
annexion par la Chine, qui demeure
véritablement nippophile dans toute cette
région.
Vivant sous la protection du parapluie
nucléaire américain depuis la fin de la
Seconde Guerre mondiale, le Japon, en
contrepartie et dans le cadre du Traité de
Sécurité nippo-américain, se montre un
hôte particulièrement généreux à l’égard de
l’armée américaine qui maintient plus de 70
bases et 50 000 militaires répartis sur
l’ensemble du territoire de l’archipel en se
comportant comme le véritable maître du
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
pays.
Dans ce contexte, le premier souci de Tokyo
face à l’avènement de Trump-II est celui
des menaces généralisées de tarifs
douaniers supplémentaires que ce dernier
lance au monde entier. Avec une économie
qui dépend largement des USA, le Japon
s’empresse d’obtenir un « traitement spécial
de faveur » de la part du nouveau président
américain. A la différence des autres pays, il
n’est jamais question pour Tokyo de
« riposter » en utilisant les mêmes méthodes
aux menaces de son suzerain dans cette
guerre commerciale. Le Japon s’efforce
donc, sans succès, de convaincre l’équipe
de M. Trump de prendre en considération
l’amitié personnelle que ce dernier avait
nouée avec feu Abe Shinzo, ancien Premier
ministre assassiné en 2022, ainsi que les
énormes efforts d’investissements consentis
jusqu’ici par le Japon aux USA, et les
promesses d’autres à venir, pour obtenir ce
« traitement de faveur » tant désiré par
Tokyo.
Il est vrai que le nouveau locataire de la
Maison Blanche tient souvent des propos
« aimables » sur le Japon et a reçu l’actuel
Premier ministre Ishiba dès sa prise de
fonction (juste après Benjamin
Netanyahou). Cette attitude amicale
apparente n’a cependant pas empêché
M. Trump de s’offusquer de l’énorme déficit
commercial enregistré par son pays avec le
Japon et de crier au scandale en
découvrant une soi-disant inégalité au
détriment des USA dans les dispositions du
Traité de Sécurité nippo-américain (voir
supra). Ces prises de positions de M. Trump
ont suffi pour convaincre Tokyo qu’il lui sera
inévitable de devoir « payer » davantage
pour satisfaire le président-homme
d’affaires américain. La capitale nipponne
s’est résignée à (devoir) payer des droits
douaniers supplémentaires imposés par M.
Trump, notamment pour ses exportations
de voitures et d’acier. Ses exportations de
voitures vers les USA par exemple verront
augmenter leurs tarifs douaniers de 2,5% à
25%. Par ailleurs, Tokyo, avec sa sécurité
nationale reposant entièrement sur le
dispositif de sécurité nippo-américain, et en
dépit de sa « Constitution pacifique », se
résigne, devant la pression soutenue
américaine (il n’est jamais question dans
l’esprit de Tokyo de résister aux desiderata
de l’Amérique !) à relever sensiblement son
budget de défense. Prévu de passer à 2% de
son PIB d’ici 2027, celui-ci devrait atteindre à terme 3% si l’on
en croit les propos d’Elbridge Colby,
nouveau Sous-secrétaire à la Défense. Et le
Japon devra aussi payer davantage pour
les frais d’entretien des forces US sur son sol.
Corée du Sud
Face à la menace constante de son frère
voisin du Nord depuis l’armistice mettant
fin (provisoirement ?) à la Guerre de Corée,
Séoul est le 2ème plus important allié des
États-Unis après le Japon dans la région.
Démocratie prospère et hautement
industrialisée, elle dépend fortement des
forces américaines (plus de 30 000 soldats)
stationnées sur son sol pour maintenir
une paix fragile face à Pyongyang.
Sur le plan économique, cette nouvelle
puissance industrielle semble se résigner à
subir de plein fouet les attaques
américaines en matière de droits douaniers
supplémentaires. Le pays est actuellement
immobilisé sur le plan diplomatique par la
grave crise politique qu’elle traverse avec
son chef d’État destitué, arrêté et inculpé
pour avoir décrété la loi martiale en
décembre 2024. La paralysie politique qui
s’est ensuivie ne permet pas à Séoul de
prendre les initiatives nécessaires vis-à-vis
de Washington pour obtenir un régime de
faveur.
Ceci étant dit, l’importance stratégique de
ce pays, faisant face au pays autoritaire le
plus dangereux au monde, ne permet pas à
l’Amérique, même avec un président
imprévisible et isolationniste, de l’ignorer.
Trump par le passé a déjà menacé de
retirer les troupes américaines si Séoul ne
payait pas davantage pour leur maintien
dans la péninsule. Anticipant la demande
américaine, Séoul a rehaussé sa
contribution de 8,3 % entre 2026 et 2030
(soit 1,3 Mds USD/an).
En plus de cette pression renouvelée de la
part de l’Amérique de Trump pour un effort
accru en matière de défense, les Sud
Coréens doivent aussi se préoccuper de
l’amitié personnelle bien connue entre
M. Trump et Kim Jong-Un, qui se sont
rencontrés à plusieurs reprises lors de son
premier mandat. Connaissant la
personnalité imprévisible de Donald Trump,
l’éventualité pour Séoul d’être trahie par
l’Amérique à la suite d’une transaction
Trump-Kim n’est pas à exclure.
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
L’incertitude croissante sur la fiabilité de
l’allié américain semble avoir relancé à
Séoul le débat sur la nécessité d’acquérir
une indépendance en matière de défense
nationale. Le débat comprend l’éventualité
pour la Corée du Sud de se doter d’armes
nucléaires afin de se protéger d’une Corée
du Nord déjà reconnue (par inadvertance !)
en tant que « puissance nucléaire » par
Donald Trump. Une telle éventualité a
toujours été catégoriquement rejetée par
l’Amérique par souci de non-prolifération
nucléaire. Or, l’Amérique n’est plus ce qu’elle
a été et il n’est pas certain que son nouveau
maître ait la moindre idée de la signification
de la non-prolifération.
Certains experts, sur la base des propos
tenus par M. Colby lors de son audition de
confirmation au Sénat, soupçonnent que la
nouvelle équipe à Washington pourrait
entretenir l’idée de pousser Séoul à se
charger de sa propre sécurité nationale afin
de mettre les forces américaines
stationnées en Corée au service d’un
engagement contre la Chine en cas d’une
agression par cette dernière de Taïwan.
Taïwan
Comme nous l’avions décrit dans « Le Japon
coincé entre la Chine et Taïwan » (voir le
numéro de janvier 2025 de « Nouveaux
Regards sur l’Asie »), l’île, première
démocratie en Asie et jouissant d’une
grande prospérité, est au centre des
préoccupations stratégiques dans cette
partie du monde. Constamment menacée
d’annexion forcée par la Chine et exclue de
la communauté internationale sous
pression chinoise, l’île doit sa survie jusqu’ici
à la détermination de l’Oncle Sam de la
protéger.
Le sort de Taïwan comporte une importante
incidence sur l’ensemble de la sécurité
stratégique de cette région. Si les États-Unis
décidaient d’abandonner l’île à son sort à la
suite d’une transaction entre Xi Jinping et
Trump Donald, comme ce dernier semble
vouloir le faire actuellement avec l’Ukraine,
cela remettrait totalement en question la
crédibilité des alliances que l’Amérique
entretient jusqu’ici dans la région. Une telle
perte totale de confiance en l’Amérique
lancerait nécessairement Tokyo et Séoul (et
Taïwan ?) dans une course aux armements,
pouvant aller jusqu’à l’acquisition rapide
d’armes nucléaires du fait de leur degré
d’avancement dans ce domaine.
Ce scénario ne pourrait que conduire à une
explosion de la tension avec la Chine et la
Corée du Nord déjà nucléarisées,
transformant l’ensemble de la région en une
formidable poudrière prête à exploser.
Un autre scénario plus pacifique mais non
moins catastrophique pour l’hégémonie
américaine dans la région est aussi
envisageable : la perte éventuelle de Taïwan
signifierait pour Tokyo et Séoul que la Chine
prenne contrôle de leur route vitale
d’approvisionnement en matières
premières (pétrole, gaz .) en provenance du
Moyen-Orient, laquelle passe au large de
l’île. Ces deux alliés démocratiques de
l’Amérique se verraient alors obligés de se
plier davantage aux exigences diverses de
la Chine communiste, finissant en fin de
compte par rejoindre la sphère d’influence
chinoise.
La région entière retient donc son souffle en
attendant de voir comment l’homme
d’affaires du Bureau ovale va se pencher
sur le dossier épineux de Taïwan,
connaissant le respect amical qu’il a pour le
président chinois et sachant qu’avec lui et
qu’au vu de sa façon de traiter les alliés
européens, les intérêts passent avant les
valeurs du monde libre.
Pour le moment, M. Trump laisse planer un
flou sur ce qu’il a en tête pour Taïwan.
Tantôt il rejette l’idée de risquer une guerre
avec la Chine pour défendre une île « qui
n’a même pas payé la facture de sa
protection », tantôt il affirme vouloir punir la
Chine de 200% de tarifs douaniers si cette
dernière tente de s’emparer de l’île.
Par ailleurs, M. Trump a en février dernier fait
une sortie virulente contre Taïwan qu’il
accusait d’avoir « dérobé » aux États-Unis
son industrie de semi-conducteurs. En fait,
Taïwan, avec sa firme TSMC, est aujourd’hui
le premier fournisseur mondial de
microprocesseurs de pointe, un avantage
qui constitue un atout majeur pour sa
sécurité nationale. L’accusation soudaine de
l’homme le plus puissant du monde a
suscité une levée de boucliers à Taipei et,
afin de ne pas s’aliéner M. Trump, a poussé
TSMC à annoncer un investissement de
l’ordre de 100 milliards de dollars en Arizona.
Le projet a été accueilli avec satisfaction
par Donald Trump qui n’a pu cependant
s’empêcher de rajouter une remarque qui
semble trahir une arrière-pensée plutôt
inquiétante, à moins qu’il ne s’agisse que
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
que d’une mauvaise blague comme il en a
pris l’habitude : « Maintenant que la
technologie de pointe de TSMC va être
transférée chez nous, nous n’avons plus à
nous faire de soucis sur le sort de Taïwan ! »
Heureusement pour Taipei, en dépit du flou
pesant sur les intentions du chef d’État
américain, la nouvelle administration
américaine semble continuer à fonctionner
sur le mode de la défense de Taïwan, en
conformité avec les dispositions du « Taiwan
Relations Act » (TRA) qui a force de loi. Mais
Taipei devrait consentir un budget de
défense sensiblement supérieur, allant
jusqu’à 10% de son PIB, comme l’a suggéré le
nouveau Sous-secrétaire à la Défense
précédemment cité. L’île devra par ailleurs
effectuer un achat massif d’armes
américaines pour calmer le
mécontentement de M. Trump concernant
le déséquilibre commercial bilatéral.
Certains experts, sur la base des propos
tenus par M. Colby lors de son audition de
confirmation au Sénat, soupçonnent que la
nouvelle équipe à Washington pourrait
entretenir l’idée de pousser Séoul à se
charger de sa propre sécurité nationale afin
de mettre les forces américaines
stationnées en Corée au service d’un
engagement contre la Chine en cas d’une
agression par cette dernière de Taïwan.
Corée du Nord
État paria, la Corée du Nord se voit
constamment condamnée par les
résolutions de l’ONU et à des sanctions de la
communauté internationale, dans sa
course démesurée en vue de se doter
d’armes nucléaires et de missiles balistiques
toujours plus puissants.
Sous la direction de KIM Jong-Un, cette
course folle à l’armement affame sa
population et inquiète ses voisins, dont en
premier lieu Séoul et Tokyo. Sa politique en
la matière a même mis mal à l’aise Pékin,
son seul et véritable allié. La capitale
chinoise semble en effet voir d’un mauvais
œil le récent rapprochement entre
Pyongyang et Moscou, avec l’engagement
de troupes nord-coréennes aux côtés de
celles de Moscou dans sa guerre contre
l’Ukraine, qui s’accompagne en contrepartie
pour Pyongyang d’une aide de la Russie
dans le développement de son arsenal
balistique, contribuant à davantage
déstabiliser cette partie du monde.
À en juger par ses actions passées (essais
nucléaires et tests de missiles
intercontinentaux), on pourrait soupçonner
que le dictateur nord-coréen tente par
dessus tout de faire reconnaître par
Washington son statut de « puissance
nucléaire » lui permettant de rivaliser avec
les pays dotés. Ce n’est pas faute d’avoir
essayé de l’atteindre à la suite de ses trois
rencontres avec Trump-I en juin 2018 à
Singapour, en février 2019 à Hanoï et en juin
2019 à Panmunjom, cette dernière n’ayant
pas eu de suites. De surcroît, M. Trump,
apparemment dans l’ignorance de la
gravité de ses propos, a qualifié en février
dernier la Corée du Nord de « puissance
nucléaire », une qualification que la
communauté internationale a
soigneusement évitée jusqu’ici. Il accorde
ce faisant à Kim Jong-Un le couronnement
qu’il briguait depuis tant d’années et que la
communauté internationale, dont
précisément les USA, refusait justement de
lui accorder.
Il est donc tout à fait possible que Trump-II,
qui n’a de cesse de se vanter de sa relation
amicale avec M. Kim, poursuive sur cette
ligne de détente avec Pyongyang. Si tel était
le cas, la question pour le moins
préoccupante pour les alliés traditionnels
de l’Amérique en Asie serait de savoir si le
président américain irait jusqu’à pousser
cette détente avec le Nord au mépris de ses
intérêts avec le Sud, allant peut-être jusqu’à
réduire sa présence militaire dans la zone.
Un tel scénario ne manquerait pas de
plonger l’ensemble de l’Asie du Nord-Est
dans la plus grande confusion stratégique
jamais imaginée jusqu’à récemment.
Yo-Jung CHEN
Né en 1947 à Taïwan, CHEN Yo-Jung a grandi au
Vietnam et à Hong Kong. Il a fait ses études
supérieures au Japon puis a servi pendant 23
années à l’ambassade de France à Tokyo en tant
qu’attaché de presse et traducteur
interprète. Naturalisé Français en 1981, Chen Yo
Jung est devenu en 1994 fonctionnaire titulaire du
Quai d’Orsay. Il a servi en tant que consul
adjoint/conseiler de presse dans plusieurs postes
diplomatiques et consulaires français, dont à Tokyo,
Los Angeles, San Francisco, Singapour et Pékin,
avant de prendre sa retraite au Japon en 2012.
Où va la Thaïlande ?
Par Yves Carmona
C’est en vain que l’auteur de ces lignes chercherait dans ses articles un papier sur la Thaïlande : tous portent sur un
cadre plus général, ASEAN ou autre. Il est vrai que le quotidien est couvert, mais ici on tente d’adopter un point de
vue plus général sans écrire aussi longuement que dans les livres, qui au demeurant sur la « Terre des Thaïs » sont
nombreux.
La Thaïlande, on la connaît surtout comme
un lieu de tourisme : plages magnifiques,
mer encore limpide, diversité des lieux et
paysages, belles jeunes personnes très
accessibles pour les adeptes du tourisme
sexuel…
Et puis de temps à autre, elle est présente
dans les médias comme lieu interlope,
favorisant les activités frauduleuses
notamment aux frontières - elles sont
nombreuses et pas toujours contrôlées :
Birmanie, Laos, Cambodge, Malaisie.
Un coup d’œil dans l’histoire récente fait de
ce royaume une base logistique majeure
des États-Unis pendant la guerre du
Vietnam (1954-1975). Elle a alimenté ses
troupes en adjuvants permettant de
supporter les horreurs de la guerre mais,
après la paix, elle a su se réconcilier avec
ses voisins communistes Laos, Vietnam et
Cambodge au sein de l’ASEAN, créée en
1967 par l’Indonésie, la Malaisie, Singapour, la
Thaïlande et les Philippines et rejointe par le
Brunei (1984), le Vietnam (1995), le Laos et la
Birmanie (1997) et enfin le Cambodge
(1999).
Jamais colonisée à la différence de ses
voisins, ce dont elle est fière, monarchie
constitutionnelle depuis 1932, la Thaïlande
est une démocratie sans cesse remise en
cause. Depuis le 16 août 2024, elle a une
jeune Première ministre, Paetongtarn
Shinawatra, 38 ans lors de son élection,
alors que sa tante Yingluck avait été
renversée par l’armée en 2014. Il est vrai que
le système dynastique se porte bien à
travers l’ensemble de l’Asie du Sud-Est.
Thaksin Shinawatra, magnat des
télécommunications et ancien Premier
ministre, père de la nouvelle cheffe de
gouvernement, a expliqué, lors d’un grand
gala donné le 22 août 2024 en son honneur,
que la vision égalitaire de l’opposition était
« impossible dans la société thaïlandaise »,
à cause du « système de séniorité ». Son
propre parti s’efforce, a-t-il défendu, de
« donner des opportunités égales » aux
moins fortunés.
Il n’empêche, les coups d’État sont
fréquents : 12 depuis 1932 et 7 tentatives, les
militaires thaïlandais ont toujours joué un
rôle majeur sur la scène politique
thaïlandaise. Institution complexe et
versatile, l’armée a, dans l’histoire, défendu
avant tout ses propres intérêts, s’appuyant
tantôt sur la monarchie, tantôt sur les
classes défavorisées, à travers un discours
nationaliste et populiste.
La scène la plus extraordinaire dans
l’histoire récente de l’opposition entre
l’armée qui n’échappe pas à la corruption
et ses opposants est celle montrant en 1992
l’activiste Chamlong Srimuang, ancien
gouverneur de Bangkok (1985-1992) et
général très pieux, vénéré par 200 000
manifestants, prix Ramon Magsaysay
(catégorie service gouvernemental) pour
son intégrité,[1] face au Premier ministre
Suchinda Kraprayoon. Seule l’intervention du
Roi Bhumibol Adulyadej, devant lequel les
deux adversaires se prosternèrent en signe
de soumission, met fin provisoirement à
l’affrontement.
Le Roi actuel Rama X qui lui a succédé le 13
octobre 2016 ne bénéficie pas de la même
popularité et préfère, comme c’était déjà le
cas avant qu’il soit couronné… vivre en
Bavière.
Or, le royaume de la Thaïlande n’est plus un
pays en développement, son exubérante
jeunesse bénéficie des meilleures
universités de la région, les deux premières
à Bangkok étant Chulalongkorn et
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
Avril 2025
17
Thammasat, à l’issue d’un système éducatif
de bon niveau : 93 % de la population est
alphabétisée. Le cursus scolaire obligatoire
dure 9 ans et l’accès à l’éducation est
gratuit jusqu’à l’âge de 18 ans.
La jeune Première ministre, elle, est une
héritière fortunée, amatrice de montres,
sacs et voitures de luxe. Son pouvoir fait
l’objet de critiques d’autant plus vives qu’au
moins dans la capitale, les jeunes hommes
et femmes ne s’en laissent pas compter et
mènent une bataille permanente pour la
démocratie.
La diversité de la « Terre des Thaïs » n’est
pas que politique. Sur une superficie d’un
peu plus de 500 000 km², elle présente de
grandes différences topographiques,
linguistiques – plus de 60 langues
officiellement reconnues – culturelles,
religieuses, culinaires entre provinces
étagées du Nord au Sud. Globalement, la
position stratégique du pays lui confère une
grande influence sur l’Asie du Sud-Est mais
bordée par les mers, elle est
particulièrement sensible au changement
climatique. Ses provinces méridionales
bordant la Malaisie (Pattani, Yala et
Narathiwat) et qui regroupent l’essentiel des
5% de musulmans que compte le pays sont
en proie depuis 2004 à une insurrection
séparatiste qui a fait de nombreuses
victimes. Malgré les difficultés, le patriotisme– fierté d’être thaïlandais - y est perceptible.
D’après la Banque Mondiale, c’est une
réussite du développement car elle a su
passer d’une économie essentiellement
agricole à un modèle moderne, industrialisé
et stimulé par les exportations. Le taux de
croissance a été en moyenne de 7,5% de
1960 à 1996, de 5% en 1999-2005 et le taux
de pauvreté est passé de 42,5 % en 2000 à
6,3% en 2021. Mais une certaine stagnation
sévit depuis le milieu des années 2010 que la
COVID a encore accentuée pendant que
l’écart entre les zones urbaines d’une part
et le Sud et le Nord-Est d’autre part ne
cessait de s’élargir. La Thaïlande a le taux
d’inégalité (mesuré par le coefficient de
Gini) le plus élevé d’Asie de l’Est et du
Pacifique.
Après la crise Covid, la reprise a été faible et
le taux de croissance est d’environ 2,4% en
2024 et ne devrait pas dépasser 2,7% en
2025 selon Supavud Saicheua, président du
National Economic and Social Development
Council. Il faut dire que l’expertise est rendue
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
aléatoire à la fois par les incertitudes de
l’environnement international et par le poids
(près de la moitié) de l’économie informelle.
Surtout, les investissements de lutte contre
les accidents climatiques vont coûter cher.
Les inondations de 2011 ont fait de
nombreuses victimes et coûté 46 milliards $.
Pourtant, la pollution, qui était telle à
Bangkok dans les années 80 qu’il fallait
relever les policiers aux carrefours toutes les
20 mn car, disait-on, la première
préoccupation du chauffeur de taxi était
d’enlever son pot d’échappement pour aller
plus vite, a nettement diminué malgré des
embouteillages impressionnants.
Dans un PIB qui reste le deuxième de
l’ASEAN, groupement vers lequel vont la
majorité de ses exportations, avant l’Union
européenne et la Chine, le tourisme malgré
son importance ne représente que 8%, ce
qui met la Thaïlande relativement à l’abri
quand sévit une crise comme la COVID.
La Thaïlande reste cependant un pays
vulnérable à bien des égards, d’abord sur le
plan naturel : le tsunami de 2004 y a fait un
grand nombre de victimes.
Elle l’est aussi par rapport à son grand voisin
: l’emprise de la Chine y va croissant. Un ami
vivant en Asie du Sud-Est qui se rend
souvent à Bangkok note lors d’un récent
voyage :
« Les investissements chinois prennent le
pas sur ceux des Japonais. Visuellement, on
peut voir les grands panneaux publicitaires
chinois le long de l’autoroute menant à
l’aéroport, en particulier pour les véhicules
électriques, qui supplantent les fabricants
traditionnels de Toyota et de sa chaîne
d’approvisionnement. Il y a tellement de
marques chinoises de voitures électriques
dans la rue qu’il est difficile pour le non-initié
que je suis de les reconnaître toutes. Je
pense que ce n’est qu’une question de
temps lorsque les BYD remplaceront les
Toyota dans ce monde. »
Dans les rues de Bangkok, si la majorité
des voitures sont encore japonaises, on
peut remarquer qu’il s’agit surtout de
l’ancienne génération de véhicules
japonais, qui est probablement en train
de disparaître. Le « Détroit » asiatique est
en train de devenir chinois, car les
voitures électriques chinoises, élégantes
et silencieuses, supplantent leurs
concurrentes nippones.
On ne peut s’empêcher de comparer la
situation à celle du marché automobile
américain dans les années 70, lorsque les
constructeurs automobiles américains sont
passés d’une attitude condescendante à
l’apparition des premières voitures
japonaises à un effort désespéré pour
obtenir du gouvernement américain la
restriction volontaire à l’exportation (VER)
imposée au Japon afin de réduire la
concurrence.
La question est de savoir comment les
anciens constructeurs automobiles,
qu’ils soient américains ou japonais,
peuvent faire face à la surcapacité des
fabricants chinois qui bénéficient de
subventions publiques.
Que se passera-t-il avec l’intelligence
artificielle ? »
L’industrie automobile est déjà à 15% en
dessous de son maximum historique, après
avoir constitué un terrain de choix pour les
délocalisations des marques japonaises.
Le marché automobile thaïlandais a connu
un début d’année 2025 difficile, avec des
ventes en baisse de 10 % au cours des deux
premiers mois par rapport à la même
période l’an dernier.
Les ventes totales d’automobiles ont atteint
environ 97 000 unités, les deux géants du
secteur Toyota et Isuzu, ainsi que le
constructeur de véhicules électriques BYD
(Buy Your Dream), enregistrant des baisses
notables.
Ce ralentissement est attribué à une
combinaison de facteurs, notamment une
reprise économique lente, un endettement
élevé des ménages et un durcissement des
conditions de crédit. Le segment des pick
up d’une tonne, indicateur clé de la santé
économique, reste particulièrement faible.
L’industrie chinoise produit quant à elle
avant tout pour le marché intérieur chinois.
Autre vulnérabilité, le « Triangle d’or »
(Thaïlande, Laos et Cambodge) a été de
longue date une zone de non-droit. L’auteur
de ces lignes se souvient d’un voyage
organisé dont les accompagnateurs
exhortaient les clients à franchir les
frontières sans visa. C’est là qu’aujourd’hui
poussent et repoussent chaque fois qu’ils
sont démantelés casinos, maisons closes et
réseaux de cybercriminalité alimentés par
les gangs chinois (« triades »). Il faut dire
que derrière l’image romanesque, le
Triangle d’or a été le point de départ en
alimentation en opiacés et autres adjuvants
des troupes américaines qui menaient au
Vietnam une guerre insupportable.
Le fleuve Mékong continue aujourd’hui
d’abriter de fructueux trafics. Avec ses
voisins birmans et chinois dont les
gouvernements contrôlent peu ces régions
lointaines quand ils ne ferment pas
délibérément les yeux, les autorités
thaïlandaises luttent contre le « cyber
esclavagisme » dénoncé par l’ONU selon
laquelle 220 000 personnes auraient été
piégées et forcées de se livrer aux
escroqueries téléphoniques. Pas étonnant
qu’un journal taïwanais ait récemment
désigné comme « dangereux » la Thaïlande,
le Vietnam, le Laos, la Birmanie et le
Cambodge.
Malgré les actions de la Thaïlande contre
des centres d’appels birmans qui ont eu des
effets positifs sur certains, le pays reste
dangereux en raison des autres centres
d’appels en Birmanie, au Cambodge et au
Laos.
Ainsi, sept ressortissants taïwanais figurent
parmi les 260 étrangers transférés de
Birmanie vers la Thaïlande en février dernier.
Selon un général thaïlandais, beaucoup de
ceux qui venaient de pays africains,
transférés en Thaïlande en provenance de
Birmanie affirment avoir été drogués
lorsqu’ils ont été transportés à travers la
frontière poreuse du district de Mae Sot
dans la province de Tak à la ville de
Myawaddy, et forcés à travailler dans des
centres d’appel frauduleux – mais ont-ils
vraiment été forcés ? Or la sécurité de 35
millions de touristes étrangers est d’une
importance vitale pour le gouvernement et
l’économie du pays.
Aussi, lors d’une réunion en février 2025
entre la Première ministre thaïlandaise
Paetongtarn Shinawatra et le président
chinois Xi Jinping, les deux parties se sont
engagées à « poursuivre la coopération
sécuritaire et juridique » pour faire face à la
situation des crimes de fraude.
Juste avant cette visite, la Thaïlande a
annoncé qu’elle couperait l’alimentation
électrique de certaines zones frontalières
avec la Birmanie, un pays en pleine guerre
civile, pour empêcher les activités de ces
groupes criminels.
Voilà que la lutte contre les fraudeurs
pourrait se retourner contre la Thaïlande :
les touristes chinois sont importants pour
l’industrie touristique thaïlandaise, mais leur
nombre est en déclin. D’ici fin 2024, le
nombre de visiteurs chinois en Thaïlande
n’atteindra que 6,7 millions, contre 11 millions
en 2019, avant la pandémie de Covid.
C’est pourquoi la Thaïlande a récemment
intensifié ses efforts pour assurer la sécurité
des touristes étrangers et a lancé une
campagne de sensibilisation pour éviter
que les gens ne soient victimes
d’escroqueries.
En conclusion : la Thaïlande d’autrefois, celle
des klongs (canaux) et de la vieille ville
chinoise de Chang Maï, des rizières tenues
avec soin et des campagnes où poussent
les lotus avait un charme qui s’est étiolé ; le
sur-tourisme à Pattaya ou à Phuket atteint
des proportions inquiétantes.
La Thaïlande reste pour certains – entre
autres des expatriés – le pays du sourire où
il fait bon passer des vacances avec un
service impeccable. En va-t-il de même
pour les Thaïlandais ? Ayant séjourné dans
un bungalow de vacances agréable,
l’auteur de ces lignes continue de recevoir
sans relâche la publicité de l’établissement.
Quand a eu lieu le grand tsunami de 2004,
une annonce est rapidement venue
m’assurer que l’hôtel fonctionnait encore
mais impossible de savoir si le personnel
local en avait réchappé.
EDITORIAL
Apart from Xi Jinping’s China, which
was successively hit in February and
March 2025 by two rounds of tariff
sanctions (10% + 10%) imposed by the
Trump administration —justified, according
to Washington, by the Chinese authorities’
inaction in taking adequate measures to
curb the introduction of opioid products
such as fentanyl into the United States (see
Emmanuel Véron’s article in our March
issue)—Asian countries have so far been
relatively spared from the retaliatory threats,
akin to blackmail, issued in all directions by
the 47th President of the United States. [1]
However, it is not impossible that the
businessman-president may also turn
against other Asian countries, primarily
Vietnam, Taiwan, and Thailand, which
generate the largest trade surpluses
through their exports (measured as a
percentage of their GDP) to the United
States.[2]
For now, Donald Trump seems to be
prioritizing China, his greatest rival, by
further advancing the decoupling from the
world’s second-largest economy. He has
thus shifted into high gear by targeting
investments that benefit Beijing in its quest
to impose, by the still-distant horizon of
2049—the 100th anniversary of the founding
of the PRC—its global supremacy, replacing
the current dominance of the United States.
This is evidenced by the America First
Investment Memorandum issued on
February 21, 2025, by the President of the
United States to all relevant departments of
the U.S. administration. Some of its
provisions could affect American or even
foreign investors who "fail to distance
themselves from China’s predatory
investment and technology acquisition
practices." In this document, China—along
with the Special Administrative Regions of
Hong Kong and Macau—is classified as a
"foreign adversary," on par with Cuba, Iran,
North Korea, the Russian Federation, and
Venezuela.[3]
Among the targeted sectors are Chinese
investments in semiconductors, artificial
intelligence, quantum computing,
biotechnology, hypersonics, aerospace,
and directed energy (such as lasers and
microwaves). Clearly, the focus is on
China’s military-industrial complex, which
has achieved spectacular advancements
in recent decades.
Likewise, Donald Trump aims to restrict, on
U.S. soil, investments from "persons
affiliated with the People’s Republic of
China" in key sectors such as technology,
critical infrastructure, healthcare,
agriculture, energy, raw materials, and
"other strategic industries."
The American president may not stop
there. As indicated in the memorandum, he
could suspend or terminate the 1984
bilateral agreement (which France also
signed with the PRC at the same time)
designed to avoid double taxation and
prevent tax evasion on income taxes. He
argues that this agreement—alongside
China’s admission to the WTO and the U.S.
commitment to grant Beijing unconditional
most-favored-nation status for its goods
and services—has led to the
deindustrialization of the United States and
the technological modernization of the
Chinese military.
Once again, the looming threat of China’s
technological and military catch-up—or
even surpassing—the United States is at the
forefront of American strategic thinking.
Even if Beijing remains unfazed, the
American measures against it come at a
difficult time. China has struggled to restart
its economy since the COVID-19 pandemic,
burdened by a major real estate crisis,
sluggish consumer spending, and
persistently high unemployment—not only
among young people but also among
middle-aged workers, particularly those in
their 40s and 50s employed by foreign
companies, including American firms, in
China.
The American president did not hesitate to
press where it hurts, using the pretext of
COVID-19—"which came from Wuhan,
China"—to justify his January 20, 2025,
decision to withdraw the United States from
the WHO. In his view, the organization was
guilty of mishandling the pandemic.
Meanwhile, the approximately 110,000
Burmese refugees living in a dozen camps
along the Thai border will suffer from the
Trump administration’s decision to freeze
foreign aid for three months. With a
population of 57 million, Myanmar was, until
recent years, the largest recipient of USAID
contributions in Asia (USD 238 million in
2024, including USD 114 million allocated to
the UN Office for the Coordination of
Humanitarian Affairs’ "2024 Humanitarian
Response Plan").[4]
As for the United States’ Asian allies—Japan,
South Korea, Taiwan, and the Philippines—
whose security against China’s growing
power depends on Washington, they now
question America’s reliability in defending
their geopolitical and strategic interests.
This uncertainty has been heightened by
Donald Trump’s reversal on Ukraine and the
tense international context, which also
affects their region due to the renewed
trade war between the Trump
administration and China—an escalation
that is bound to impact them.
Although India is a Quad (Quadrilateral
Security Dialogue) partner, its high tariffs—
among the highest in the world—have led
to its explicit designation as engaging in
"unfair trade practices" in the presidential
decree of February 13, 2025, alongside Brazil
and the European Union. However, no
retaliatory measures have been
announced against India at this stage.[5]
A mere coincidence in timing ? Just two
weeks after the decree’s publication, Delhi
hosted European Commission President
Ursula von der Leyen and the EU College of
Commissioners for "in-depth discussions"
aimed at "further strengthening" their
strategic partnership. This meeting was
notably highlighted—perhaps intentionally
—by Indian Foreign Minister
Subrahmanyam Jaishankar on Elon Musk’s
platform, X. At the same time, both parties
expressed their intention to accelerate
negotiations for a free trade agreement by
the end of the year. A way for Brussels and
New Delhi to give the American
businessman-president a taste of his own
medicine ?
As for the United States’ most important ally
in the region—Tokyo—the Japanese capital,
which, along with Taiwan, is the most
threatened by Chinese expansionism, has
so far adopted a stance of measured
caution, though not without apprehension.
When asked in the Lower House about the
altercation at the White House between
Trump/Vance and President Volodymyr
Zelensky, Prime Minister Shigeru Ishiba
stated that his government had no
intention of taking sides.
For the new head of government—known
for his expertise in defense but politically
vulnerable within his own party, the LDP
(Liberal Democratic Party)—the priority was
to maintain unity within the G7 (from which
Moscow was excluded in the G7 + 1 format
and later the G8 following its annexation of
Crimea in 2014). Meanwhile, Foreign Minister
Takeshi Iwaya (who served as Defense
Minister from 2018 to 2019) declined to
comment on the suspension of U.S. aid to
Ukraine (which has since been reinstated),
justifying his silence with a diplomatic
statement that was anything but
courageous : "the fluidity of the situation" .
Following President-elect Yoon Suk Yeol’s
rapidly aborted declaration of martial law,
which led to his arrest and subsequent
conditional release (on April 4, the
Constitutional Court unanimously validated
the impeachment motion passed by the
National Assembly in December 2024,
effectively removing the South Korean
president from office and calling for an
early presidential election within sixty days)
—South Korea’s interim president urged
government ministers on March 7 to
continue working with the United States "to
avoid any negative impact" on scientific,
technological, and energy cooperation.
This plea came after the U.S. State
Department designated its ally as a
"sensitive" country. Donald Trump’s shift in
stance toward U.S. allies has thrown Seoul
into political turmoil, even prompting
discussions about developing its own
nuclear weapons capabilities in response
to the growing threat from its North Korean
neighbor—the only true ally of Beijing, which
has also strengthened ties with Moscow by
sending troops to fight alongside the
Russians in Ukraine in exchange for
technological assistance in advancing its
nuclear-capable ballistic missile programs.
Regarding Taiwan, its democratically
elected president, William Lai (Ching-te),
has promised—under considerable
pressure—that his country will "expand its
investments and purchases in the United
States to encourage a trade balance
between the two nations," following threats
of potential U.S. tariffs on the island’s high
performance semiconductor exports.
However, this commitment is far from
feasible, as the president’s Democratic
Progressive Party (DPP) currently lacks a
majority in Taiwan’s Legislative Yuan.
An even more alarming prospect now
looms for frontline allies like the Philippines :
the rise of isolationist figures in the U.S. who
openly advocate for a new strategic
understanding—or even a "grand
bargain"—with Beijing. Trump himself has
repeatedly extended a hand to his
(theoretical) main adversaries—Moscow,
Beijing, and Pyongyang—and has openly
entertained the idea of a potential "G2"
partnership with China. As a result, Manila is
anticipating shifts in the internal dynamics
of its alliance with Washington. Trump’s
transactional approach could lead to
negotiations on burden-sharing,
particularly concerning the security
guarantees and defense capabilities of the
archipelago.
It is worth recalling that, in an
unprecedented move, Trump invited Xi
Jinping to his inauguration (though the
Chinese president delegated Vice
President Han Zheng in his place) while
simultaneously lifting the ban on the TikTok
app, despite strong opposition from his
Republican allies. Just hours before
returning to the White House, he took to his
friend Elon Musk’s social media platform to
write : "I hope we will solve many issues
together with China, and do so
immediately.
We discussed trade balance, fentanyl,
TikTok (China’s Douyin equivalent), and
many other topics." He then added
regarding his pre-inauguration phone call :
"President Xi and I will do everything in our
power to make the world more peaceful
and secure."
That should put America’s Western and
Asian allies at ease… so to speak.
[1] On April 2, 2025, US President Donald Trump
announced a 34% increase in tariffs on Chinese
products imported into the United States. This was in
addition to the 20% already in force, bringing the total
tariff increase imposed on China to 54%, close to the
60% he had announced even before his return to the
White House. China responded on April 4 with a 34%
tariff increase on American products.
[2] Voir Patturaja Murugaboopaathy, Gauva Dogra, «
Asian countries in the crosshairs of Trump’s tariffs”,
Reuters, March 7, 2025,
https://www.reuters.com/markets/asia/asian
countries-cross-hairs-trump-tariffs-2025-03-06/
[3]
https://www.whitehouse.gov/presidential
actions/2025/02/america-first-investment-policy/
[4] However, this American contribution is less than the
total aid provided by the European Union and other
European countries (United Kingdom).
[5
]
https://www.whitehouse.gov/fact
sheets/2025/02/fact-sheet-president-donald-j-trump
announces-fair-and-reciprocal-plan-on-trade/
[6] See the article by Le Monde’s Tokyo correspondent
Philippe Pons, published on March 5, 2025, “En Asie du
Nord-Est, les alliés des États-Unis sur le qui-vive”.
Jean-Raphaël Peytregnet
A career diplomat after devoting himself to Sinology
in France, Jean-Raphaël Peytregnet has, among
other things, served as Consul General of France in
Guangzhou (2007-2011) and Beijing (2014-2018), as
wel as in Mumbai/Bombay from 2011 to 2014. He was
head of Asia at the Centre d’Analyse, de Prospective
et de Stratégie (CAPS) attached to the cabinet of
the Minister of Europe and Foreign Affairs (2018-2021)
then Special Advisor to the Director of Asia-Oceania
(2021-2023).
INTERVIEW
Katia Buffetrille, ethnologist,
Tibetologist and Professor
Emeritus at the École Pratique
des Hautes Études
Jean-Raphaël Peytregnet : As an ethnologist
and Tibetologist, you specialize in both
ancient and modern Tibetan culture. What is
the current situation of this "Tibet
Autonomous Region" (TAR), as it was
administratively delineated by Beijing, similar
to Ningxia, Inner Mongolia, Xinjiang Uyghur,
and Guangxi Zhuang ?
Katia Buffetrille : The Tibet Autonomous
Region, established in 1965, has nothing
"autonomous" about it, as it is entirely
dependent on funding and decisions from
the central government. Since Xi Jinping
came to power in 2012, the Chinese
Communist Party’s control over Tibet has
significantly increased, especially in this
region. The appointment of Chen Quanguo,
a former military officer, as the TAR Party
Secretary from 2011 to 2016, played a major
role. He implemented a highly effective and
intrusive surveillance system, which has only
strengthened over the years with
technological advancements.
Added to this is the ever-growing number of
Han migrants in the TAR, which is one of the
key factors of the ongoing Sinicization of
Tibet. During my last visit to Lhasa in 2024, I
was struck by the considerable increase in
the Han ethnic population compared to
what I had seen in 2017, as well as the
Sinicization of public spaces : Chinese flags
on all houses and buildings, whether
religious or not, along the roads, and the
2019 installation of Chinese-style pavilions
on the steles erected in front of the Jokhang
Temple in Lhasa. One of these steles, dating
from 821/822, bears the peace treaty
between the Tibetan Empire (7th-9th
century) and the Tang Empire.
Religious sites are also being desacralized,
for instance, with the installation of a KFC
(Kentucky Fried Chicken) and a Pizza Hut
along the Barkhor, the circumambulation
path surrounding the Jokhang Temple, the
most sacred temple in Tibet. Religious
symbols are being repurposed for
decorative and touristic purposes, such as
prayer wheels in train stations or other
inappropriate places, and stupas along
roads.
What is the origin of the word "Tibet" ?
How do Tibetans themselves refer to their
ancestral land ?
Tibetans call their country Bö (Bod). The
name Tibet appears to have been borrowed
from Persian (Tibbat, Tibit, Tibbet) or
Mongolian (Töböt). These Persian forms are
believed to be based on the Arabic Tubbat,
which appears in texts as early as the 9th
century, itself possibly derived from the
Sogdian Topet. The name Tibet appears in
writings from the 11th-13th centuries,
including those of John of Plano Carpini
(1180-1252), William of Rubruck (1215-1295),
and Marco Polo (1254-1324). Tracing further
back, we find Töpüt in Turkic inscriptions
from the 8th century.
Some scholars, such as Louis Bazin and
James Hamilton, believe these various
names are linked to the Turkic-Mongolic
word töpä, meaning "summit, height."
They argue that the name spread through
the Tuyuhun, a people of the Turkic
Mongolic linguistic group who lived between
the 4th and 7th centuries at the crossroads
of Chinese, Turkic, and Tibetan worlds.
Contemporary Chinese writers use the term
Tubo. Surprisingly, this term was used at the
Guimet Museum in the context of an
Interview by Jean-Raphaël Peytregnet
5
exhibition on "Tang Dynasty China." During the
Tang era, the Chinese referred to Tibet as
Tufan, a term that modern pronunciation
might render as Tubo. However, this claim was
refuted as early as 1915 by the renowned
sinologist Paul Pelliot (1878-1945). This
designation, still used in the People’s Republic
of China when referring to the Tibetan Empire,
allows Beijing to dissociate present-day
Tibetans from their prestigious imperial past.
In 2024, the Guimet Museum demonstrated its
willingness to comply with China’s dictates by
renaming its exhibition rooms from "Tibet
Nepal" to the vague term "Himalayan World," a
designation no serious scholar would use for
Tibet. This conveniently avoids the term Tibet,
which is despised by Chinese authorities as it
refers to a country and a people culturally,
linguistically, and religiously distinct from the
Han, the majority ethnic group (92%) in the
People’s Republic of China.
Just as the Chinese authorities pressured
Bertrand Guillet, director of the Nantes
Museum, to avoid using the terms "Genghis
Khan, empire, and Mongol" in an exhibition on
Genghis Khan in exchange for the loan of
artifacts, one might assume similar demands
were made to the Guimet Museum. However,
while the Guimet Museum erased the word
Tibet precisely as the commemoration of the
60th anniversary of Franco-Chinese relations
began—marked by four exhibitions on China
with artifact loans—the Nantes Museum chose
to forgo collaboration with China to uphold the
institution’s "human, scientific, and ethical
values."
Nonetheless, in 2024, a magnificent exhibition
titled "Genghis Khan and the Birth of the
Mongol Empire" was successfully held at the
Nantes Museum, featuring artifacts from
Mongolia’s national collections, major
European museums, and private collections.
The use of Tubo in the Tang exhibition is a way
to avoid mentioning the Tibetan Empire. The
absence of any maps further contributes to
this confusion. Everything in the exhibition
seems designed to obscure the fact that the
Tibetan Empire rivaled the Tang Empire in
power and that the latter sought to maintain
good relations through gifts and matrimonial
alliances.
The term Tubo is unknown to the general
public and only familiar to specialists. This
allows it to be used in the exhibition to
designate a people, an era, a style, or a culture.
As a result, some labels read : “Tang Dynasty,
Tubo period,” leading visitors to believe that
Tubo refers to a specific period within the
Tang Dynasty. The goal is to make visitors
think that these “Tubo” were under Tang rule.
The same process is used regarding Eastern
Turkestan to create the illusion that the
Uyghurs were also under Tang control, which
is historically false. This is what rewriting history
to fit the new Chinese narrative looks like.
The Chinese term for the Tibet Autonomous
Region is Xizang. It appears in Chinese
sources under the Manchu Qing Dynasty
(1644–1912). Tibetans never use this term when
speaking Tibetan. In 2023, Chinese
researchers demanded its use during a
conference in Beijing. Since then, all Chinese
academic publications in Western languages
have adopted it, and China is attempting to
impose it internationally as well.
What should be understood by "historical
Tibet" or "Greater Tibet," terms to which the
Tibetan people seem deeply attached ?
For Tibetans, Tibet consists of three provinces :
Ütsang (Central Tibet), Kham (Eastern Tibet),
and Amdo (Northeastern Tibet). From 1642
until the Lhasa Uprising in 1959, the
government of the Dalai Lamas, known as
Ganden Phodrang, ruled over a territory
roughly corresponding to today’s Tibet
Autonomous Region. The regions of Kham and
Amdo traditionally had various political
structures, including kingdoms and chiefdoms
under the authority of religious or secular
rulers. However, all looked to Lhasa, where the
Dalai Lama resided, as expressed in a famous
saying : “Not going on a pilgrimage to Lhasa is
to be only half human.”
This vast territory, covering 2,500,000 km²—
one-quarter of the People’s Republic of China
—had a low population density of about six
million Tibetans. While local identities were
strong, Buddhism, a distinct culture, a
common written scholarly language, a shared
mythology, and a common history gave the
population of the immense Tibetan plateau a
sense of belonging to a collective entity with
numerous shared identity markers.
It is true that the Manchu Qing Dynasty
gradually established a form of protectorate
over the Dalai Lama’s government during the
18th century, exerting varying degrees of
control depending on the period.
However, the Tibetan government remained
in place, and the country’s leaders were, for
the most part, Tibetan.
In 1979, Deng Xiaoping invited Gyalo Thondup,
the second eldest brother of His Holiness the
Dalai Lama, to Beijing. On that occasion, he
stated that, apart from Tibet’s independence, all
other issues concerning the region could be
discussed and resolved. Deng proposed that the
Dalai Lama send investigative delegations to
Tibet to observe the living conditions of
Tibetans. On March 14, 1980, the first Tibet
Work Forum was held in Beijing, organized by
the Secretariat of the Central Committee of the
CCP and chaired by its then-General Secretary,
Hu Yaobang. The following month, the first
Tibetan delegation conducted an inspection tour
in Tibet. Four more fact-finding missions
followed between 1979 and 1985, along with two
negotiation delegations (July 1980 and October
1984) led by Lobsang Samten, another elder
brother of the Dalai Lama, in Beijing. After this
period, a communication channel between
Dharamsala and Beijing was maintained, but it
seems that dialogue between the Chinese and
Tibetan authorities has been at a standstill since
2010. What are the obstacles preventing these
discussions from progressing, both on the
Chinese and Tibetan sides ?
The main issue in the discussions is that the
Chinese only want to talk about the status of
the Dalai Lama. In 1988, the Tibetan leader
announced in a speech to the European
Parliament in Strasbourg that he was
renouncing Tibetan independence in favor of
genuine autonomy for all Tibetan areas within
the People’s Republic of China, under the
framework of the Chinese constitution. This
demand now seems entirely unrealistic in the
context of the current policies led by President
Xi Jinping. It is true that some members of the
Tibetan administration have stated that
communication channels still exist today, but
nothing has been officially disclosed regarding
the content of any potential discussions.
Since 2014, Beijing has been implementing an
assimilationist policy theorized by certain
researchers. According to them, China’s uture
lies in a single “Chinese nation” (zhonghua
minzu), where the laws would be identical for
all—Han and non-Han alike—eliminating the
system of autonomy granted to non-Han
regions and removing any f mention of
"nationalities" (minzu) from identity
documents. They envision a fully Chinese
China, where Han and non-Han would form a
single Chinese nation.
His Holiness the 14th Dalai Lama, Tenzin Gyatso,
is approaching the venerable age of 90 (he was
born on July 6, 1935, in a village located in the
province of Qinghai, formerly Tibetan Amdo).
The question of his succession arises, even
though he has predicted at least twice that he
will live to the age of 113, a wish one can only
hope for him. How does he envision his
succession after renouncing his temporal
authority in 2011 in favor of the Tibetan
government-in-exile, based in Dharamsala, in
the Indian state of Arunachal Pradesh, while
retaining only his spiritual authority ?
The Dalai Lama has indeed stated several
times that he will live to 110 or 113 years old.
According to some researchers, this could be
his way of telling the Chinese authorities : I am
the one you must negotiate with. He has also
repeatedly stated that when he reaches 90,
he will announce whether and where he will
reincarnate. However, he has just written a
book in which he clearly states that his
reincarnation will be born in the free world,
meaning outside of China and occupied
Tibet. It is often difficult for Westerners to
understand the importance of the Tibetan
leader for his people. For Tibetans, the Dalai
Lama is the emanation of Avalokiteshvara, the
bodhisattva protector of Tibet.
It is highly likely that the Chinese authorities
fear unrest when the Dalai Lama passes
away. One might wonder whether the
deployment of Han officials across towns and
villages is intended to prevent uprisings at
that time.
I have no doubt that the Chinese authorities
will appoint their own Dalai Lama, just as they
did for the Panchen Lama (the second
highest spiritual leader in Tibetan Buddhism).
This has been announced multiple times, and
the Chinese authorities are already working to
convince foreign countries to accept their
choice.
Katia BUFFETRILLE is an ethnologist and Tibetologist.
For the past thirty-five years, she has been studying
‘popular’ rituals, particularly pilgrimages around
sacred mountains, and the changes they are
undergoing within the PRC. She is also interested in
current ‘Buddhist’ phenomena (immolations,
vegetarianism) and Sino-Tibetan relations. She has
travelled regularly to Tibet for several months since
1985 and to Nepal since 1974. She has published
numerous articles and books, including L’âge d’or
du Tibet : XVII et XVIII siècles. Belles Lettres, 2019. e e
Northeast Asia Awaits Trump
By Yo-Jung CHEN
Northeast Asia—comprising China, Japan, the two Koreas, Taiwan, and, more distantly, Russia’s Far East—
is a region that, to varying degrees, shares the influence of Chinese culture. Despite this cultural
commonality, it remains deeply divided to this day by the bitter memories of World War II and the rivalries
of the Cold War. At the same time, it is united by remarkable economic and technological growth, making
it, along with Southeast Asia, the "new center of the world."
Sustained by a significant U.S. military
presence against the region’s authoritarian
communist states (China, North Korea),
lingering ideological and nationalist
antagonisms have prevented Northeast
Asia from moving beyond Cold War-era
mentalities to achieve regional integration
akin to that of the EU or ASEAN.
Politically, Northeast Asia remains deeply
divided along a classic East-West fault line.
On one side, the alliance of autocratic
regimes—China, North Korea, and Russia—
faces off against America’s democratic
allies : Japan, South Korea, and Taiwan.
Despite this enduring politico-military rivalry,
both blocs—North Korea being the exception
—are part of an intricate web of economic
interdependencies centered around the
increasingly dominant "Middle Kingdom"
(Zhongguo).
Today, Northeast Asia anxiously awaits the
potential upheaval of its geopolitical and
geoeconomic order with Donald Trump’s
return to the White House. This time, he
appears even more erratic, impulsive, and
uncompromising than during his first term in
2016. The concern is heightened by signals
from the new U.S. administration that its
geostrategic priority is shifting away from
the "Old Continent" to Asia, with a particular
focus on the People’s Republic of China,
Washington’s greatest rival.
The region’s collective unease stems largely
from a particular trait of Donald Trump and
certain members of his new administration :
while he has designated Asia as the focal
point of his foreign policy, the 47th U.S.
president displays a troubling ignorance of
the region’s complexities. This concern is
reinforced by incidents such as his
Secretary of Defense, Pete Hegseth, being
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
unable to name a single ASEAN member
state. Another telling example is Trump’s
indignation over what he perceives as an
unfair disadvantage” for America under the
Japan-U.S. Security Treaty, which obligates
the U.S. to defend Japan but does not
require Japan to reciprocate in the event of
an attack on America. In expressing this
grievance, Trump fails to recognize that it
was the U.S. itself that imposed this treaty on
Japan in the 1950s as part of its strategy to
contain communism in Asia.
A challenge to this treaty by the very nation
that crafted it could upend the foundation
of Japan’s national security since the end of
the Pacific War. Furthermore, Trump’s
threats to withdraw U.S. troops from Japan
and South Korea further illustrate his lack of
understanding—ignoring the fact that it was
America itself that insisted on stationing
these forces in Asia during the Cold War. He
seems unaware that these U.S. military
deployments serve his own country’s
strategic interests more than those of the
host nations !
Economically, no country in this region will
escape the all-out trade war into which
Trump-II has plunged, and each will have to
find its own way to navigate it based on the
state and nature of its relationship with
America. Strategically, allies and non-allies
of Washington alike are holding their breath
in anticipation of the inevitable upheavals in
the regional geopolitical landscape. With
Trump-II, and given his open disdain for
European allies and Ukraine, no one can
count anymore on shared values or long
standing friendships and alliances with
Washington. From now on, transactional
deal-making, the hallmark of the new White
House occupant, will dominate all of
America’s relations with the rest of the world.
Even before Trump’s return, the entire Asian
region—whether allied with America or not—
was already growing increasingly doubtful
about the reliability of the “Pax Americana.” The
comeback of an isolationist, transactional U.S.
president who alienates his European allies
only reinforces the foreboding felt by Asian
allies such as Japan, South Korea, and Taiwan
regarding America’s commitment to their
defense. Few believe that Trump would risk
open war with a powerful China to defend
Asian allies who, as he sees it, “don’t even pay
their share for U.S. protection.”
Taiwan’s fate is the region’s top strategic
concern. Watching how Trump treats his
European allies and Ukraine—while openly
admiring a dictator like Putin—many in the
region are convinced that the businessman in
the Oval Office would not hesitate to
“abandon” Taiwan in exchange for a favorable
concession from the other dictator in Beijing.
Such a scenario would have catastrophic
strategic repercussions not only for other U.S.
allies in Asia (Japan, South Korea, the
Philippines…) but also for America itself.
Trump-II’s uninhibited stance toward the
Russian dictator in Europe over the Ukrainian
issue has led observers in Asia to no longer
rule out the possibility of him behaving the
same way toward the region’s two other
strongmen : Xi Jinping and Kim Jong-Un.
Depending on the extent of the concessions
Trump might be willing to make to them, Tokyo
and Seoul (and perhaps even Taiwan) could
be tempted to embark on a path that has long
been considered taboo—the acquisition of
their own nuclear weapons to counter the
nuclear-armed states in their vicinity, without
relying on America.
Northeast Asia would then find itself caught in
a dangerous spiral of nuclear arms buildup.
Northeast Asia : Each Has Its Own Concerns with
Trump . As it continues its rise, China inspires both envy
and apprehension—not only due to its
immense economic potential but also
because of its increasingly assertive military
posture, which it does not hesitate to display
toward its neighbors and Western adversaries.
Emerging from the “century of humiliation”
inflicted by Western occupation, Xi Jinping’s
China is demanding, in its own way, the same
respect that the world once bestowed upon
Han China (the Ming Empire) before the Qing
dynasty (1644-1911).
As the region’s accelerating economic activity
revolves around this new empire, the rise of
the Chinese giant presents a security threat
both to its neighbors (Japan, Taiwan, North
Korea, and Southeast Asian countries), with
whom territorial disputes persist, and to the
United States, whose dominance over the
Pacific is increasingly challenged.
For now, China’s sweeping territorial claims
over the entire South China Sea are
heightening tensions with neighboring
countries (Vietnam, the Philippines, Malaysia),
the United States, and its Western allies.
In response to these illegitimate claims—
rejected in 2016 by the Permanent Court of
Arbitration (PCA) in The Hague—the navies of
the United States, France, Germany, the United
Kingdom, Australia, New Zealand, and Japan
regularly conduct “freedom of navigation”
operations in the region’s international waters
to prevent China from turning them into its
own private domain.
Adding to the tensions is the Sino-Japanese
dispute over the Senkaku Islands (called
Diaoyutai by the Chinese), which were placed
under Japan’s administration by the United
States at the end of World War II—a decision
contested by China and, in a less vocal
manner, by Taiwan. The frequent incursions of
Chinese coast guard vessels into the territorial
waters of these uninhabited islands pose a
constant threat to Tokyo.
China’s very real and imminent threat to
Taiwan also looms large, with Beijing not ruling
out the use of force to “unify” (in reality, annex)
this democratic territory. Although Taiwan has
always been autonomous (without being de
jure independent) and has never been
governed by the People’s Republic of China
since its founding in 1949, Beijing continues to
consider it part of its territory.
On a larger scale, China’s expanding maritime
ambitions are increasingly challenging
America’s strategic dominance in the Pacific.
For now, China’s naval capabilities—
comprising two, soon to be three, aircraft
carriers and nuclear attack submarines—
remain geographically constrained, as its
forces must navigate through the first “island
chain” formed by Japan’s Okinawa and
Taiwan to reach the open Pacific. However,
Beijing is already laying the groundwork for
broader access by securing port agreements
with Pacific island nations in exchange for
generous economic cooperation.
Recently, Australia and New Zealand—
America’s two key allies in the Pacific—were
caught off guard when three Chinese
warships, without prior warning, conducted a
live-fire exercise in the Tasman Sea, the body
of water separating the two countries.
The timing couldn’t be worse for Beijing,
which is currently experiencing a dramatic
slowdown in economic growth. At its latest
annual National People’s Congress in early
March, China set an "official" growth target
of a rather modest 5%, without much
confidence in its ability to achieve it (though
the CCP can always ensure that it does).
The first tariff-related punitive measures
signed by Trump have already triggered the
beginnings of an exodus of foreign
businesses established in China, primarily
American ones, for whom the business
environment had already significantly
worsened in the current unfavorable
political and economic climate, making
China look less and less like an economic
paradise.
With the prospect of further tariff sanctions
from Washington, China is digging in and
asserting its determination to respond tit for
tat by targeting American products.
Strategically, ahead of the upcoming U.S.
China summit in June, it remains unclear
what Trump specifically plans to do against
China or Asia more broadly. His stance on
the sensitive Taiwan issue, for instance,
shifts chaotically on a daily basis, raising
concerns about a worrying lack of
understanding. He is, however, justifiably
outraged by the massive trade imbalance
favoring Beijing.
He also laments China’s growing global
presence, particularly at both ends of the
Panama Canal (whose ports have since
been bought back by Washington) and in
Greenland, which he describes as
annexation projects (alongside Canada !).
Additionally, he accuses China of flooding
the U.S. with fentanyl, a highly addictive and
lethal opioid.
Despite these tensions, China appears
somewhat optimistic about its ability to
engage in constructive dialogue with its
American rival. Given its struggling
economy, Beijing currently seeks to avoid
direct confrontation with the U.S.
Furthermore, having closely observed
Trump’s personality since his first term—
particularly his affinity for autocrats—Xi
appears confident that he can negotiate a
"win-win" deal with the self-proclaimed "deal
making genius" on key issues affecting both
superpowers.
China has much to gain from such dialogue,
especially if it manages to pique the U.S.
president’s interest in its major global
initiatives, such as the Belt and Road Initiative
or the proposal it once made (unsuccessfully)
under Barack Obama for an equal division of
the Pacific Ocean between the two
superpowers.
Japan
As America’s closest ally in Asia, Japan—once
the world’s second-largest economy—has lost
much of its past economic prestige over the
past decade, facing stiff competition from
China and other emerging powers like South
Korea and Taiwan.
Due to its mishandling of historical grievances
from a war it initiated nearly a century ago, as
well as ongoing territorial disputes with all its
neighbors without exception, Japan remains
largely unpopular across Northeast Asia.
Beyond ideological tensions, China continues
to accuse Japan of refusing to acknowledge
its wartime crimes from over 80 years ago—
an accusation shared by South Korea, a
former Japanese colony, despite being a
strategic ally of both Tokyo and Washington.
Meanwhile, North Korea, with its uncontrolled
and rapid development of ballistic missiles
and nuclear weapons, poses an urgent threat
to both Tokyo and Seoul, alongside China.
Russia, a close ally of both Beijing and
Pyongyang, refuses to return the four Kuril
Islands north of Hokkaido, which the Soviet
Union seized after Japan’s defeat in 1945—
leaving the official end of hostilities between
the two nations unresolved. The only country
in the region that remains genuinely pro
Japanese is Taiwan, which itself is under
constant threat of annexation by China.
Under the protective umbrella of the U.S.
nuclear deterrent since the end of World War
II, Japan, in return, hosts over 70 American
military bases and 50,000 U.S. troops across its
territory under the Japan-U.S. Security Treaty—
effectively making the U.S. military the real
power in the country.
Against this backdrop, Tokyo’s primary
concern regarding a second Trump
administration is his broad threats of
additional tariffs against global trading
partners. Given Japan’s heavy economic
dependence on the U.S., it is scrambling to
secure "special treatment" from the new
American president. Unlike other countries,
Japan does not even consider retaliating in
kind in this trade war. Instead, it has been
unsuccessfully trying to persuade Trump’s
team to recognize his personal friendship
with the late Abe Shinzo, the former prime
minister assassinated in 2022, as well as
Japan’s massive past and future investment
commitments in the U.S., in hopes of
obtaining the preferential treatment it so
desperately seeks.
It is true that the new occupant of the White
House often makes “friendly” remarks about
Japan and received the current Prime
Minister, Ishiba, as soon as he took office
(right after Benjamin Netanyahu). However,
this apparent friendly attitude did not
prevent Mr. Trump from taking offense at the
enormous trade deficit his country has with
Japan and crying foul upon discovering a
so-called imbalance to the detriment of the
U.S. in the provisions of the U.S.-Japan
Security Treaty (see above). These positions
taken by Mr. Trump were enough to
convince Tokyo that it would inevitably have
to "pay" more to satisfy the businessman
president. The Japanese capital has
resigned itself to paying additional tariffs
imposed by Mr. Trump, particularly on its car
and steel exports. For example, tariffs on its
car exports to the U.S. will increase from 2.5%
to 25%.
Furthermore, with its national security
entirely reliant on the U.S.-Japan security
framework, and despite its “pacifist
Constitution,” Tokyo, under sustained
American pressure (it is never a question, in
Tokyo’s mindset, of resisting America’s
wishes !), has resigned itself to significantly
increasing its defense budget. Initially set to
rise to 2% of its GDP by 2027, it is now
expected to reach 3% in the long run,
according to statements from Elbridge
Colby, the new Deputy Secretary of Defense.
Japan will also have to pay more for the
upkeep of U.S. forces stationed on its soil.
South Korea
Facing the constant threat from its northern
neighbor since the armistice that
(provisionally ?) ended the Korean War,
Seoul is the second most important U.S. ally
in the region after Japan. A prosperous and
highly industrialized democracy, it heavily
depends on the more than 30,000 U.S. troops
stationed on its soil to maintain a fragile
peace against Pyongyang.
Economically, this rising industrial power
seems resigned to bearing the full brunt of
additional American tariffs. The country is
currently paralyzed diplomatically due to the
severe political crisis it is undergoing, with its
head of state impeached, arrested, and
indicted for declaring martial law in
December 2024. The ensuing political
paralysis prevents Seoul from taking the
necessary initiatives with Washington to
secure preferential treatment.
That being said, the strategic importance of
this country—facing what is arguably the
most dangerous authoritarian state in the
world—does not allow America, even under an
unpredictable and isolationist president, to
ignore it. Trump has previously threatened to
withdraw U.S. troops unless Seoul paid more
for their upkeep in the peninsula. Anticipating
the American demand, Seoul has already
increased its contribution by 8.3% between
2026 and 2030 (reaching $1.3 billion per year).
Beyond Trump’s renewed pressure on South
Korea to increase its defense spending, South
Koreans also have reason to worry about the
well-known personal friendship between Mr.
Trump and Kim Jong-Un, who met several
times during his first term. Given Donald
Trump’s unpredictable nature, Seoul cannot
rule out the possibility of being betrayed by
the U.S. in the wake of a Trump-Kim deal.
Growing uncertainty over the reliability of its
American ally appears to have reignited
debate in Seoul over the need for greater
national defense autonomy. This debate
includes the possibility of South Korea
acquiring nuclear weapons to protect itself
from North Korea, which Donald Trump
(perhaps inadvertently !) already recognized
as a “nuclear power.” Such a move has
always been categorically rejected by the U.S.
due to non-proliferation concerns. However,
America is no longer what it once was, and it
is uncertain whether its new leader even
understands the meaning of non
proliferation.
Some experts, based on statements made by
Mr. Colby during his Senate confirmation
hearing, suspect that the new administration
in Washington might be considering pushing
11
Nouveaux Regards sur l’Asie #12 April 2025
5
Seoul to take charge of its own national
security—allowing U.S. forces stationed in
South Korea to be redirected toward a
potential conflict with China in the event of
an attack on Taiwan.
Taiwan
As described in Japan Trapped Between
China and Taiwan (see the January 2025
issue of Nouveaux Regards sur l’Asie), the
island—Asia’s first democracy and a
prosperous nation—remains at the center of
strategic concerns in this part of the world.
Constantly under the threat of forced
annexation by China and excluded from the
international community due to Beijing’s
pressure, Taiwan owes its survival to the
United States’ determination to protect it.
Taiwan’s fate has major implications for the
overall security of the region. If the U.S. were
to abandon the island following a deal
between Xi Jinping and Donald Trump—
similar to the approach Trump seems to be
taking with Ukraine—it would completely
undermine the credibility of America’s
alliances in the region. Such a total loss of
trust in the U.S. would inevitably push Tokyo
and Seoul (and perhaps Taiwan itself ?) into
an arms race, potentially leading them to
develop nuclear weapons, given their
technological capabilities.
This scenario would significantly heighten
tensions with nuclear-armed China and
North Korea, turning the region into a
dangerous powder keg.
Another, less confrontational yet equally
damaging scenario for U.S. hegemony in the
region is also possible : Taiwan’s potential
loss would mean that China gains control
over the vital supply routes for raw materials
(oil, gas, etc.) from the Middle East, which
pass near the island. As a result, Japan and
South Korea—both U.S. allies—would find
themselves increasingly pressured by
Beijing’s demands and could eventually drift
into China’s sphere of influence.
The entire region is holding its breath,
waiting to see how the businessman in the
Oval Office will handle the sensitive Taiwan
issue. His well-documented respect for
President Xi, along with his tendency to
prioritize economic interests over
democratic values—as seen in his dealings
with European allies—raises concerns.
For now, Trump remains ambiguous about
his stance on Taiwan. At times, he dismisses
the idea of risking war with China to defend
an island that "hasn’t even paid for its
protection." At other times, he threatens to
impose 200% tariffs on China if it attempts to
take control of Taiwan.
In February, Trump launched a scathing
attack on Taiwan, accusing it of having
"stolen" the U.S. semiconductor industry. In
reality, Taiwan—through its company TSMC—is
the world’s leading supplier of advanced
microchips, a strategic advantage for its
national security. The sudden accusation from
the most powerful man in the world sparked
outrage in Taipei and prompted TSMC to
announce a $100 billion investment in Arizona
to avoid alienating Trump. The
announcement pleased the former president,
though he couldn’t resist adding a comment
that suggested a more troubling subtext—or
perhaps just another of his signature offhand
remarks : "Now that TSMC’s cutting-edge
technology is coming to us, we no longer
need to worry about Taiwan’s fate !"
Fortunately for Taipei, despite the uncertainty
surrounding Trump’s intentions, the new U.S.
administration appears to continue operating
under the framework of Taiwan’s defense, in
line with the legally binding Taiwan Relations
Act (TRA). However, Taiwan is expected to
significantly increase its defense budget—
potentially up to 10% of its GDP, as suggested
by the newly appointed Deputy Secretary of
Defense. The island will also need to make
large-scale purchases of American weaponry
to placate Trump’s grievances over the trade
imbalance.
Some experts, based on statements made by
Elbridge Colby during his Senate confirmation
hearing, suspect that Washington’s new
leadership may be considering encouraging
Seoul to take full responsibility for its own
national security—potentially freeing up U.S.
forces stationed in Korea to focus on a future
conflict with China over Taiwan.
North Korea
A pariah state, North Korea is continuously
condemned by UN resolutions and subjected
to international sanctions due to its relentless
pursuit of nuclear weapons and increasingly
powerful ballistic missiles.
Under the leadership of KIM Jong-Un, this
frenzied arms race has left its population
starving and alarmed its neighbors,
particularly Seoul and Tokyo. Even Beijing,
North Korea’s only real aly, has grown uneasy
over Pyongyang’s recent rapprochement with
Moscow. The deployment of North Korean
troops alongside Russian forces in the war
against Ukraine has been met with Russian
support for Pyongyang’s balistic missile
development, further destabilizing the region.
Based on its past actions—nuclear tests and
intercontinental missile launches—one might
suspect that the North Korean dictator’s
ultimate goal is to gain recognition from
Washington as a "nuclear power," putting him
on par with other nuclear-armed nations. His
three meetings with Trump-I—June 2018 in
Singapore, February 2019 in Hanoi, and June
2019 in Panmunjom—did not yield this
recognition, nor did they lead to any lasting
agreements. However, Trump, seemingly
unaware of the significance of his words,
referred to North Korea as a "nuclear power"
this past February—an acknowledgment that
the international community, especialy the
U.S., has deliberately avoided until now.
By doing so, he granted Kim Jong-Un the
validation he had been seeking for years.
It is entirely possible that Trump-I, who
frequently boasts about his friendly
relationship with Kim, wil continue on this path
of détente with Pyongyang. If that happens, a
deeply concerning question for America’s
traditional alies in Asia is whether the U.S.
president would push this policy to the
detriment of his country’s interests in South
Korea, potentialy even reducing the American
military presence in the region.
Such a scenario would plunge Northeast Asia
into unprecedented strategic uncertainty.
Yo-Jung CHEN
Born in 1947 in Taiwan, CHEN Yo-Jung grew up in
Vietnam and Hong Kong. He pursued higher
education in Japan before serving for 23 years at
the French Embassy in Tokyo as a press attaché
and translator-interpreter. Naturalized as a French
citizen in 1981, Chen Yo-Jung became a permanent
civil servant at the Quai d’Orsay in 1994. He served
as deputy consul/press advisor at several French
diplomatic and consular posts, including in Tokyo,
Los Angeles, San Francisco, Singapore, and Beijing,
before retiring in Japan in 2012.
Where is Thailand headed
By Yves Carmona
The author of these lines would be hard-pressed to find an article on Thailand in any of his articles : they all focus on
a more general framework, ASEAN or otherwise. It’s true that daily life is covered, but here we try to adopt a more
general point of view without writing at the length of a book, of which there are many on the “Land of the Thais”.
Thailand is primarily known as a tourist
destination : stunning beaches, still-clear
waters, a variety of landscapes and
locations, and attractive young people who
are highly accessible to those engaging in
sex tourism.
From time to time, it also appears in the
media as a shadowy hub, facilitating illicit
activities, particularly along its many and
not always well-controlled borders with
Myanmar, Laos, Cambodia, and Malaysia.
A glance at recent history shows that this
kingdom served as a major logistical base
for the United States during the Vietnam
War (1954–1975).
It supplied American troops with stimulants
to endure the horrors of war. However, after
peace was restored, it managed to
reconcile with its communist neighbors—
Laos, Vietnam, and Cambodia—within
ASEAN, founded in 1967 by Indonesia,
Malaysia, Singapore, Thailand, and the
Philippines. ASEAN later expanded to include
Brunei (1984), Vietnam (1995), Laos and
Myanmar (1997), and finally Cambodia
(1999).
Unlike its neighbors, Thailand was never
colonized—something it takes pride in. A
constitutional monarchy since 1932, it
remains a democracy constantly under
strain. Since August 16, 2024, it has been led
by a young Prime Minister, Paetongtarn
Shinawatra, who was 38 at the time of her
election. Her aunt, Yingluck Shinawatra, had
been overthrown by the military in 2014.
Indeed, dynastic politics thrive across
Southeast Asia. Thaksin Shinawatra, a
telecommunications tycoon and former
Prime Minister—also the father of the new
head of government—stated during a grand
gala held in his honor on August 22, 2024,
that the opposition’s vision of equality was
"impossible in Thai society" due to the
"seniority system." His own party, he argued,
seeks to "provide equal opportunities" for the
less fortunate.
Even so, military coups remain common—12
since 1932, along with 7 failed attempts. The
Thai military has always played a major role
in the country’s political landscape. A
complex and unpredictable institution, the
army has historically defended its own
interests, alternating between alliances with
the monarchy and with the lower classes,
using nationalist and populist rhetoric.
The most extraordinary scene in the recent
history of the conflict between the military—
an institution not immune to corruption—
and its opponents took place in 1992. Activist
Chamlong Srimuang, former governor of
Bangkok (1985–1992) and a deeply pious
general, was revered by 200,000 protesters.
A recipient of the Ramon Magsaysay Award
(Government Service category) for his
integrity,[1] he faced off against Prime
Minister Suchinda Kraprayoon.
The confrontation was only temporarily
resolved by the intervention of King
Bhumibol Adulyadej, before whom both
opponents prostrated themselves in a
gesture of submission.
The current King, Rama X, who succeeded
him on October 13, 2016, does not enjoy the
same popularity and, as was already the
case before his coronation, prefers to live in
Bavaria.
Thailand is no longer a developing country.
Its vibrant youth benefits from some of the
region’s best universities, with Bangkok’s top
two being Chulalongkorn and Thammasat.
The country’s education system is of a high
standard, with a literacy rate of 93%.
Schooling is compulsory for nine years, and
education is free up to the age of 18.
The young Prime Minister, however, is a
wealthy heiress with a taste for luxury
watches, handbags, and cars.
Her leadership has drawn sharp criticism,
particularly in the capital, where young men
and women are determined not to be
silenced and continue their relentless fight
for democracy.
The diversity of the "Land of the Thais"
extends beyond politics. Spanning over
500,000 km², Thailand displays significant
topographical, linguistic (with more than 60
officially recognized languages), cultural,
religious, and culinary variations across its
provinces, stretching from north to south.
Strategically positioned, the country wields
considerable influence in Southeast Asia.
However, being surrounded by seas makes it
particularly vulnerable to climate change.
Since 2004, its southern provinces bordering
Malaysia (Pattani, Yala, and Narathiwat),
home to the majority of the country’s 5%
Muslim population, have been plagued by a
separatist insurgency that has claimed
numerous lives. Despite these challenges,
patriotism—a deep sense of pride in being
Thai—remains strong.
According to the World Bank, Thailand is a
development success story, having
transitioned from an agriculture-based
economy to a modern, industrialized, and
export-driven model. Between 1960 and 1996,
its average growth rate was 7.5%, dropping
to 5% from 1999 to 2005. Poverty levels fell
from 42.5% in 2000 to 6.3% in 2021. However,
stagnation has set in since the mid-2010s,
exacerbated by COVID-19, while the
economic divide between urban areas and
the southern and northeastern regions
continues to widen. Thailand has the highest
inequality rate in East Asia and the Pacific, as
measured by the Gini coefficient.
Post-COVID recovery has been sluggish, with
a projected growth rate of 2.4% in 2024 and
2.7% in 2025, according to Supavud
Saicheua, president of the National
Economic and Social Development Council.
Economic forecasting remains uncertain
due to global instability and the significant
size—nearly half—of Thailand’s informal
economy. More critically, climate-related
disaster mitigation will be costly. The 2011
floods caused heavy casualties and resulted
in $46 billion in damages.
That said, pollution levels have improved
considerably. In the 1980s, Bangkok’s air
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
quality was so poor that traffic police at
intersections had to be rotated every 20
minutes. It was said that taxi drivers’ first
priority was to remove their exhaust pipes to
speed up their vehicles. Today, despite
severe traffic congestion, air pollution has
significantly decreased.
Despite its heavy reliance on tourism, which
accounts for only 8% of GDP, Thailand
remains relatively resilient in times of crisis,
such as during COVID-19. It boasts the
second-largest GDP in ASEAN, with most of
its exports directed toward the regional bloc,
ahead of the European Union and China.
Thailand remains vulnerable in many
respects, particularly on the natural front : the
2004 tsunami caused a significant number
of casualties.
It is also vulnerable in relation to its powerful
neighbor : China’s influence is steadily
increasing. A friend living in Southeast Asia
who frequently visits Bangkok recently
observed :
"Chinese investments are overtaking those
of the Japanese. Visually, one can see large
Chinese billboards along the highway
leading to the airport, especially for electric
vehicles, which are replacing traditional
manufacturers like Toyota and its supply
chain. There are so many Chinese electric
car brands on the streets that, as a non
expert, I find it difficult to recognize them all. I
think it is only a matter of time before BYD
replaces Toyota in this part of the world."
In the streets of Bangkok, while the
majority of cars are still Japanese, they
are mostly older-generation models,
likely on the verge of disappearing. The
"Detroit" of Asia is becoming Chinese, as
sleek and silent Chinese electric vehicles
surpass their Japanese competitors.
One cannot help but compare this situation
to the American automobile market in the
1970s, when U.S. automakers shifted from a
dismissive attitude toward the first Japanese
cars to a desperate attempt to secure a
Voluntary Export Restraint (VER) agreement
from the American government to limit
Japanese competition.
The key question is how legacy
automakers, whether American or
Japanese, can respond to the
overcapacity of Chinese manufacturers,
who benefit from government subsidies.
What will happen with artificial
intelligence ?
The Thai automobile industry is already
operating 15% below its historical peak, after
having been a prime location for Japanese
brand relocations.
The Thai auto market has had a challenging
start in 2025, with sales dropping by 10% in
the first two months compared to the same
period last year.
Total vehicle sales reached approximately
97,000 units, with industry giants Toyota and
Isuzu, along with electric vehicle
manufacturer BYD (Buy Your Dream), all
experiencing notable declines.
This slowdown is attributed to a
combination of factors, including sluggish
economic recovery, high household debt,
and tighter credit conditions. The one-ton
pickup truck segment, a key economic
indicator, remains particularly weak.
The Chinese industry, for its part, primarily
produces for the domestic market.
Another vulnerability is the “Golden Triangle”
(Thailand, Laos, and Cambodia), which has
long been a lawless zone. The author of
these lines recalls an organized trip where
the guides urged clients to cross borders
without visas. Today, dismantled criminal
operations—casinos, brothels, and
cybercrime networks fueled by Chinese
gangs (“triads”)—quickly reappear.
Behind its romanticized image, the Golden
Triangle was historically a major supply
point for opiates and other substances used
by U.S. troops fighting a grueling war in
Vietnam.
The Mekong River remains a hub for
lucrative trafficking. With neighboring
Myanmar and China—whose governments
either exert little control over these remote
areas or turn a blind eye—Thai authorities
are battling "cyber-slavery." According to
the UN, around 220,000 people have been
lured into forced labor for fraudulent call
centers. It is no surprise that a Taiwanese
newspaper recently labeled Thailand,
Vietnam, Laos, Myanmar, and Cambodia as
“dangerous.”
Despite Thailand’s crackdown on Burmese
call centers, which has had some positive
effects, the country remains vulnerable due
to ongoing operations in Myanmar,
Cambodia, and Laos.
Nouveaux Regards sur l’Asie #12
In February, seven Taiwanese nationals were
among 260 foreign nationals transferred
from Myanmar to Thailand.
According to a Thai general, many of those
coming from African countries reported
being drugged before being smuggled
across the porous border from Thailand’s
Mae Sot district in Tak Province to
Myawaddy in Myanmar, where they were
forced to work in scam call centers. But were
they truly forced ?
The safety of 35 million foreign tourists is of
vital importance to the Thai government
and economy.
During a February 2025 meeting between
Thai Prime Minister Paetongtarn Shinawatra
and Chinese President Xi Jinping, both
parties pledged to “continue security and
legal cooperation” to combat fraud-related
crimes.
Just ahead of this visit, Thailand announced
it would cut electricity to certain border
areas with Myanmar, a country engulfed in
civil war, to disrupt criminal activity.
However, this crackdown on fraudsters
could backfire : Chinese tourists are crucial
to Thailand’s tourism industry, yet their
numbers are declining. By the end of 2024,
only 6.7 million Chinese visitors are
expected, compared to 11 million in 2019
before the COVID-19 pandemic.
This is why Thailand has recently ramped up
efforts to ensure the safety of foreign
tourists and launched an awareness
campaign to help people avoid scams.
In conclusion : The Thailand of the past—of
klongs (canals), Chiang Mai’s old Chinese
quarter, meticulously maintained rice fields,
and lotus-filled countryside—has lost some
of its charm. Over-tourism in Pattaya and
Phuket has reached concerning levels.
For some—especially expatriates—Thailand
remains the “Land of Smiles,” an ideal
vacation destination with impeccable
service. But is it the same for the Thai
people ?
After staying at a pleasant holiday
bungalow, the author continues to receive
relentless advertisements from the
establishment. When the great tsunami of
2004 struck, a message quickly reassured
visitors that the hotel was still operational—
but there was no way to know whether the
local staff had survived.
[1] Founded in 1957, this award recognizes individuals who
have demonstrated excellence in Asia. It is divided into
six categories : government service ; public service ;
community leadership ; journalism, literature, and
creative communication arts ; peace and international
understanding ; and emerging leadership. Named after
former Philippine President Ramon Magsaysay (1953
1957), the award is often regarded as the Asian Nobel
Prize